Emploi-Formation Les métiers de l'agriculture en mouvement
« Les métiers de l'agriculture et des services sont des métiers d'avenir, avec des opportunités de carrière », affirment les organismes et acteurs de la filière. Mais dans un contexte qui évolue, quelles compétences sont porteuses pour trouver un emploi qualifié et stable ? Quelles spécialités se développent au point de devenir des métiers à part entière ? Quelles formations, nouvelles et porteuses, sont mises en place pour accompagner les changements ?
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Les filières production et commerce horticoles, en profonde évolution, exigent de perpétuelles adaptations, et donc de nouvelles compétences. Leur acquisition passe par le recrutement de personnels récemment diplômés, qui auront acquis les connaissances professionnelles de base : PBI, modification des conduites culturales, maladies et ravageurs, EPI (équipements de protection individuelle)... Dans certains domaines très pointus, les chefs d'entreprise ont intérêt à aller chercher ces ressources auprès de consultants ou experts pour des missions ponctuelles : ergonomie, législation réglementation... Pour mettre à jour les capacités des personnels en interne, ou pour l'acquisition de nouvelles compétences, de nombreuses solutions sont disponibles via la formation continue. Ainsi, avec les évolutions techniques et réglementaires, la formation permanente s'impose pour l'acquisition de compétences obligatoires à l'installation et pour le certificat individuel (Certiphyto), ou pour des compétences optionnelles mais de plus en plus incontournables : en techniques alternatives, environnement, design et commerce. Par ailleurs, l'innovation et la recherche évoluent dans leur approche et leur besoin en connaissances.
Installation : le projet se prépare
Pour les producteurs qui souhaitent s'installer sur une exploitation agricole, la chambre d'agriculture est l'un des acteurs incontournables, en particulier en matière de parcours « aidés » (DJA, dotation jeunes agriculteurs, par exemple). Les modalités de formation – obligatoires – ont évolué depuis 2009 : le « stage 6 mois » a été remplacé par un parcours de professionnalisation personnalisé (PPP) ; le « stage 40 heures » a été réduit à 35 heures, essentiellement en stage collectif. Dans le cas d'une transmission d'entreprise, le nouveau dispositif d'accompagnement à l'installation prévoit une formation de trois jours pour les « maîtres exploitants » qui accueillent des stagiaires se préparant à devenir chefs d'exploitation. Quant à la formation diplômante BPREA (Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole) – qui se déroule généralement sur une année scolaire –, elle comprend un accompagnement à la concrétisation d'un projet individuel. Le Centre départemental de formation d'apprentis agricoles (CDFAA) des Pyrénées-Atlantiques, à Hasparren (64), va jusqu'à proposer un BPREA « bio », avec une option maraîchage.
Certiphyto : formations tous azimuts
Symboles marquants de l'accompagnement au changement : les obligations réglementaires concernant les produits phytosanitaires et la protection des cultures plus respectueuses de l'environnement. Une démarche active de formation préparatoire au certificat individuel (Certiphyto) a été enclenchée par le ministère de l'Agriculture et Vivéa (fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant) depuis l'automne 2009. Tout le secteur agricole est impliqué : confirmation de la gratuité avec 36 millions d'euros investis, 135 791 certificats délivrés en dix-huit mois, et la volonté affichée de former encore 50 000 agriculteurs par an dans les quatre années à venir.
« La phase expérimentale a montré que la formation continue est un outil pertinent pour transformer une contrainte en levier de changement. Aujourd'hui, les pratiques des agriculteurs ont évolué et de nouvelles dynamiques de formation sont engagées », affirme Christiane Lambert, présidente de Vivéa. Ainsi, on voit éclore les formations au Certiphyto. De nombreux établissements ou organismes font connaître leurs formations sur ce thème, parmi lesquels l'EPLCFPPA Le Fresne à Angers (49), le CDHR Centre de Saint-Cyr-en-Val (45), le GIE Fleurs & Plantes du Sud-Ouest, et le CNPH à La Ménitré (49), avec un Certiphyto spécialisé « horti/pépi »... Entre autres exemples, le CFPPA-UFA Bougainville de Brie-Comte-Robert (77) décline pas moins de six voies, du QCM (questionnaire à choix multiples) aux déclinaisons « utilisation professionnelle pour les opérateurs » et « décideurs d'exploitation agricole », ou encore « prestation de conseil à l'utilisation des produits phytosanitaires ». Et certains organismes pensent déjà aux formations qui seront consacrées au renouvellement du Certiphyto. Les métiers de la jardinerie font, quant à eux, face à deux contraintes : le certificat de capacité pour les animaliers et le nouveau certificat pour la vente et la distribution de produits phytosanitaires au grand public dans le secteur du jardin. Ces compétences sont plus faciles à acquérir au début d'un parcours, d'où leur intégration, aujourd'hui, dans les filières de formation. Mais, vu l'urgence de l'application du certificat individuel, des formations continues ont été mises en place, notamment par apprentissage, via Internet. La Fédération nationale des métiers de la jardinerie (FNMJ) a lancé ces formations, entre autres, par l'intermédiaire de l'École des métiers de la jardinerie (EMJ). Quelque 1 500 salariés ont ainsi été formés au cours de l'année 2011.
Techniques alternatives : la formation se diversifie
Au-delà des formations obligatoires et gratuites, les professionnels souhaitent voir naître des modules complémentaires, aborder les techniques alternatives ou de nouveaux itinéraires techniques, faire connaître ces nouvelles pratiques plus respectueuses au grand public...
Les centres de formation et les fournisseurs d'auxiliaires n'ont pas attendu. Ils ont mis en place des séances d'initiation ou de perfectionnement aux méthodes et stratégies de protection biologique intégrée (PBI). Une formation relative à la faune utile en production extérieure (plus complexe que sous serre) a été mise en place par l'Arexhor Pays de la Loire aux Ponts-de-Cé (49). De même qu'une autre consacrée au traitement des effluents et méthodes alternatives au désherbage chimique. Mais où s'arrêteront les pratiques alternatives ? La dernière formation en la matière porte sur l'utilisation du cheval de trait en agriculture biologique ! Destinée aux adultes et aux apprentis durant cinq jours, elle est proposée par le CFA-CFPPA de La Roche-sur-Yon (85).
Environnement : l'horticulture s'organise
Avec la mise en place de l'organisation du label français Plante bleue (Le Lien horticole en présentera les sept volets tout au long du premier semestre 2012), apparaissent les premières formations à la certification environnementale. Dix pépiniéristes d'Île-de-France ont déjà suivi la formation « Préparer son entreprise à la certification horticole Plante bleue », avec l'organisme 4As. Un groupe de travail prendra le relais jusqu'à la certification des dix pépiniéristes.
Design : en phase d'« initiation-action »
Les producteurs ayant de plus en plus leur point de vente spécialisé, ou même leur jardinerie, ou encore besoin de valoriser leurs produits pour se démarquer, un travail de « formation-action » se met en place autour du design en Pays de la Loire. Le cabinet de design Sensipode accompagne des producteurs locaux dans la réalisation d'un cahier d'idées d'emballages et de contenants. Cet outil est réalisé dans le cadre d'un programme « Design & végétal » proposé par Végépolys et la Société publique régionale des Pays de la Loire. Un premier compte rendu a été proposé le 15 décembre dernier.
Via l'Espace Inspiration®, le Salon du végétal, contribue tous les ans à Angers (49) à sensibiliser l'ensemble des visiteurs professionnels au design autour du végétal. Des ingénieurs horticoles d'AgroCampus Ouest ont échangé avec de jeunes designers en BTS au lycée Jean-Monnet (Les Herbiers - 85) autour de ces nouvelles compétences.
Maintenance : gérer l'entretien des matériels et des engins...
Les compétences en termes de maintenance des matériels et des engins sont mises en avant comme étant primordiales dans les filières agricoles, tout comme en horticulture et en pépinière. L'Association des syndicats de la distribution et maintenance des matériels (ASDM) estime à plus de mille les offres d'emploi non pourvues chaque année, tous secteurs agricoles confondus, pour des postes de spécialistes en matériels (de la vente au service après-vente). Elle édite d'ailleurs des fiches métiers spécifiques pour aider à définir les profils. Le besoin de compétences en matière d'agroéquipement concerne toutes les filières chaque fois que l'on remplace la main-d'oeuvre par des machines, des matériels qui comprennent de l'hydraulique, voire des GPS et de l'informatique embarquée sur les plus gros équipements...
Le lycée de Gignac (34) propose notamment un BP agroéquipement par apprentissage et un bac pro agroéquipement (conduite, entretien, mécanique d'engins). Le lycée agricole de Sully, à Magnanville (78), a pour sa part ouvert en 2011 un CS « tracteurs et machines agricoles » par apprentissage, pour l'utilisation et la maintenance (entretien, réparation), et pour la gestion de l'atelier. Il concerne aussi le machinisme en Cuma (coopérative d'utilisation de matériel agricole) et en espaces verts. Une autre option est également proposée en formation continue, celle de tractoriste.
Signe du changement de comportements et face aux difficultés à répondre aux besoins en main d'oeuvre qualifiée, en Aquitaine, l'Association régionale pour l'emploi et la formation en agriculture (Arefa) et le CFPPA de Blanquefort ont lancé une formation expérimentale et qualifiante « CQP tractoriste » suivie par des femmes en viticulture. Elles ont participé à des cours (mécanique, hydraulique) sur l'entretien et la révision des matériels de travaux culturaux anciens et modernes... En parallèle, l'Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture (Anefa) notait aussi le besoin de nouvelles compétences – en aval de la filière ornementale – en logistique, transport et conditionnement. Quant au campus de Pouillé, à Angers (49), il propose un DESS (niveau européen L3) par alternance « Supply Chain » ou « coordonnateur logistique ».
Commerce : jusqu'à la valorisation des produits
Avec environ 500 emplois créés par an dans le secteur du commerce (hors ouvertures de nouveaux magasins), le recrutement de jeunes est une nécessité pour les responsables d'enseignes. Les formations initiales restent classiques avec les CAP, BEP et bac pro métiers de la vente et de l'accueil clients. Le contenu des formations évolue pour prendre davantage en compte l'accueil, le conseil et les évolutions de la législation.
En 2011, la formation professionnelle continue des salariés a fait un pas en avant avec le lancement, par la Fédération nationale des métiers de la jardinerie (FNMJ) et le Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles (Fafsea), d'un premier guide/catalogue commun, spécialisé « jardinerie-graineterie-animalerie-fleuristerie ». Parmi les thématiques proposées figurent notamment la gestion des conflits entre les hôtes de caisse et les clients, l'accueil en magasin, le droit du travail en magasin, la vente des produits de traitement « bio », l'éco-jardinage ou encore le jardin bio, la réalisation de jardins verticaux...
La filière agricole (horticole comprise) développe aussi des formations et/ou des options mettant l'accent sur la « valorisation des produits ». Une licence professionnelle « Valorisation des produits du terroir » est lancée au CDFAA (apprentis) des Pyrénées-Atlantiques, à Pau-Montardon (64).
Innovation-recherche : nouvelles disciplines et nouvelles approches
Les besoins accrus en créativité offrent aux jeunes en formation supérieure quelques perspectives de nouveaux métiers. Le campus de Pouillé, à Angers (49), a ainsi lancé récemment un DESS (niveau européen L3) par alternance « Management de l'innovation dans le végétal ».
Dans le secteur de la recherche, l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) a annoncé, dans le cadre de ses prospectives 2012/2020, la création de deux nouvelles disciplines en multi-complémentarité de compétences. D'une part, les « approches prédictives en biologie » (lien entre molécules et populations) qui utilisent la modélisation des phénomènes complexes, notamment concernant les gènes et leur expression en fonction de l'environnement. L'espoir est de pouvoir, entre autres, explorer le pilotage des écosystèmes en fonction de conditions environnementales variables. D'autre part, l'agro-écologie, qui rassemblera des disciplines historiquement disjointes en intégrant à l'agronomie les concepts de l'écologie pour mieux comprendre l'impact des activités agricoles.
Enfin, pour mieux piloter des recherches transdisciplinaires sur cinq à dix ans, l'Inra annonce six « métaprogrammes » parmi lesquels figurent la gestion intégrée de la santé des plantes, la sélection génomique ou encore l'adaptation de l'agriculture et de la forêt au changement climatique.
Dossier réalisé par Yaël Haddad, Odile Maillard et Patrick Glémas
Aujourd'hui, il n'est plus possible de laisser la clientèle seule face aux rayons de produits de traitement des magasins. Les métiers de la jardinerie font face à cette contrainte en formant des personnels au nouveau certificat pour la vente et la distribution de produits phytosanitaires au grand public. PHOTO : PATICK GLÉMAS
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