En région, les plantes prennent leurs marques
En plein boom, les marques régionales sont un bon moyen de répondre à une aspiration de plus en plus forte de notre société : consommer local. Mais leurs contours restent parfois un peu flous et le consommateur pourrait détester demain ce qu'il adore aujourd'hui...
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Les récents débats qui ont accompagné les élections du printemps ne le démentiront pas : les Français prennent de plus en plus conscience que leurs modes de consommation influent fortement sur l'économie locale. Et donc par ricochet sur leur propre emploi. Sans compter que l'empreinte carbone d'un bien produit à proximité doit logiquement être inférieure à celle d'un produit importé, autre notion qui fait son chemin dans les esprits.
Consommer local pour sauver les emplois et la planète, épiphénomène essentiellement médiatique ou véritable lame de fond ? Difficile à dire... Seule une étude poussée du comportement du consommateur pourrait le mesurer, car tout en affirmant vouloir maintenir une production locale et faire acte de citoyenneté, ce dernier continue à aller vers les produits les moins chers, souvent importés, et nos usines continuent de fermer. Mais globalement, pas de doute, la prise de conscience est en route et afficher le caractère « local » d'un produit est devenu tendance.
Les produits horticoles n'y échappent pas et, dans de nombreuses régions, des initiatives voient le jour (lire ci-contre). À tel point que l'on peut imaginer qu'il ne faudra pas bien longtemps avant que notre territoire soit entièrement couvert. Reste donc à se poser la question de l'intérêt de se doter d'une marque, des conditions de sa mise en oeuvre et des limites de cet outil commercial...
Quelle aire de commercialisation ?
L'intérêt d'une marque réside avant tout dans sa notoriété, seule à même de valoriser les produits auprès des consommateurs. Et celle-ci ne se fait pas en un jour, demande un investissement publicitaire lourd et, en horticulture, les expériences engagées sont trop récentes pour en estimer l'impact. On peut toutefois noter que les enseignes multiplient les initiatives mettant en valeur le caractère local des produits. Des supermarchés mettent aujourd'hui à la disposition des producteurs locaux, de l'agroalimentaire ou de l'horticulture, des espaces dans lesquels ils peuvent présenter leurs produits. On voit aussi des enseignes éditer des dépliants vantant les mérites de la proximité de leurs approvisionnements. Pouvoir disposer d'une offre siglée, produite localement, ne peut que cadrer avec cette tendance et aller dans le sens de ce que recherchent ces enseignes.
Du côté des producteurs, la question qui se pose est celle de l'aire de commercialisation. Valoriser les produits régionaux, c'est très bien, mais quid de ceux qui ne sont pas vendus dans leur région de production ? Les établissements horticoles du Cannebeth (lire en page 14), qui font partie du groupe adhérant à la marque Sud de France, vendent l'intégralité de leurs produits sous ce label dans la région Languedoc-Roussillon, là où la marque est connue. Par contre, dès l'instant où les produits sont vendus en dehors de la région, seuls des produits phares, à forte connotation méditerranéenne, sont commercialisés sous l'appellation Sud de France. Mais les commandes émanant de clients éloignés portent généralement sur ce type de produits.
Au Bureau horticole régional (BHR) à Angers, la création d'une marque était à l'ordre du jour ces derniers mois. Mais il semble que les producteurs qui livrent une très grande partie de leurs produits un peu partout en France ne sont pas très demandeurs : « Nous sommes leaders en France. Notre région constitue une marque en soi », précise Luc Vandevelde, directeur du BHR, se faisant l'écho des producteurs. Certaines entreprises estiment toutefois qu'il ne serait pas inintéressant d'apposer une marque régionale sur des produits vendus dans d'autres régions, l'objectif étant de jouer la carte du « made in France ».
Affiner les cahiers des charges
Côté mise en oeuvre, s'intégrer dans une démarche existante n'est pas forcément aisé comme le montre l'exemple du Languedoc-Roussillon. Et se lancer sans appuis institutionnels locaux semble a fortiori relever du parcours du combattant, même si l'exemple de la Normandie prouve qu'un groupe de producteurs motivés peut aboutir. À noter toutefois que dans le premier cas, la notoriété de la marque existe déjà, grâce à la publicité investie depuis plusieurs années et grâce aux gammes de produits qui ont déjà fait leurs armes en portant le sigle de la région, alors que dans le second, tout est à faire. La différence est loin d'être négligeable. Le temps nécessaire à la montée en puissance d'une notoriété risque d'être l'une des principales difficultés que devront surmonter les entreprises impliquées dans des projets locaux, mais un autre écueil guette : celui de la transparence nécessaire en matière d'origine. L'horticulture est un marché sur lequel nombre de produits sont échangés entre producteurs de régions et souvent de pays différents. Comment vérifier que des produits vendus sous tel label régional ne viennent pas d'Italie, d'Espagne, voire de plus loin ? Et quelle sera la réaction des consommateurs le jour où ils apprendront que le produit vient bien de leur région, mais qu'il est constitué d'une bouture produite en Afrique du Nord et de tourbe extraite dans un pays balte ? Là où l'AOP (appellation d'origine protégée) permet de certifier qu'un produit est intégralement élaboré dans une région, les marques sont pour l'heure de simples vitrines dont les cahiers des charges sont assez peu exigeants...
Avec un cahier des charges draconien, le Label rouge a mis des années à se faire connaître, mais il est aujourd'hui le signe de qualité le mieux reconnu par les consommateurs. Si ces derniers venaient à se sentir floués par une nouvelle promesse – répondre à leur volonté de consommer local –, les marques régionales pourraient en souffrir durablement.
Pascal Fayolle
Les marques régionales ne sont pas les seuls atouts à faire valoir auprès du consommateur. La notion de « produit en France » est également porteuse. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Certaines marques jouent la carte régionale sans être des initiatives collectives. Les Grimpantes du Val de Loire sont issues d'une démarche des pépinières Travers. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
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