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Maîtrise du génie végétal : de la plante à son utilisation

Innovation, travail, observation et obstination : en Alsace, les pépinières Wadel-Wininger exploitent la plasticité et l'adaptabilité du végétal pour apporter des réponses écologiques à des aménagements particuliers.

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À Ueberstrass, en Alsace, les pépinières Wadel-Wininger accompagnent le végétal, le plant forestier, le jeune plant sur le chemin du reboisement. Pépinière et entreprise de reboisement se complètent et emploient une équipe de personnes formées, qualifiées, et que l'entreprise veut garder à l'année. Il faut donc trouver du travail en toute saison, gageure dans une activité saisonnière comme celle-ci. De cette volonté est venue la diversification. « Cette organisation nous a rendus atypiques à bien des points de vue, reconnaît Isabelle Wininger, l'une des associées de la société. Une autre de nos préoccupations est de répondre à la demande spécifique de chaque client : il me semble que nous sommes connus pour cette capacité. » C'est d'ailleurs ce qui a amené Isabelle Wininger à s'intéresser au génie végétal, pouvant être défini comme « l'ensemble des techniques utilisant des végétaux et leurs propriétés mécaniques et/ou biologiques pour stabiliser et gérer les sols érodés, ou restaurer, réhabiliter, voire “renaturer” des milieux dégradés ». En 1996, confrontée à l'aménagement de berges, elle s'interroge : comment faire, quelles solutions proposer ? « Il faut savoir se lancer, oser, se rappelle-t-elle, et faire en sorte que l'ensemble de l'entreprise, avec les salariés, suive. » Elle creuse la question, étudie les solutions existantes. Depuis cette date, les pépinières Wadel-Wininger proposent donc des services d'aménagement, et cultivent, depuis 2000, des boudins et des nattes prévégétalisés. Le premier chantier a été un succès. Il a amené l'entreprise à mettre en culture les plantes et à mettre en oeuvre les techniques adéquates pour une application optimale sur le terrain.

Le savoir-faire forestier est appliqué aux autres productions et domaines d'intervention. « En forestier, c'est l'origine de la graine qui compte et permet de revendre le plant là où la graine a été prélevée. La production suit la fructification, explique Isabelle Wininger. Les récoltes se font en peuplements classés, avec une grande traçabilité. Nous avons appliqué la même rigueur pour toutes les plantes : nous sommes allés jusqu'à récolter des graines sur le site à renaturer, les élever en pépinière et reboiser après travaux, par exemple pour un chantier de renaturation de 150 ha sur un bras du Rhin. Les plantes, bien acclimatées, peuvent se développer correctement, et il n'y a pas de “pollution génétique”. C'est important d'utiliser des végétaux locaux. » Cette contrainte présente aussi des atouts : la traçabilité d'abord, la garantie de l'origine et la protection du marché français et local, avec au final, une diversité génétique plus grande, puisque les graines sont prélevées dans un milieu naturel varié.

Pour les aménagements de berges ou les stations d'épuration, les plants hélophytes (enracinées sous l'eau) peuvent être élevés directement sur le support qui sera ensuite mis en place sur le terrain. Il s'agit de nattes ou de boudins en fibre de coco. Un filet (comme une chaussette), très dense, est rempli de fibre de coco. Lui-même est en coco ou en polyéthylène. Les boudins ont une longueur standard de 3 m et sont proposés dans trois diamètres : 20, 30 ou 40 cm. Les plantes sont insérées sur le boudin à raison de huit à vingt par mètre carré selon le diamètre retenu et cultivées en bac dans l'eau en pépinière. Quand les racines ont envahi le substrat de coco, les boudins peuvent être implantés sur leur lieu de destination. Un boudin standard est planté de trois à huit espèces végétales. Le choix des plantes dépend du milieu final, il doit respecter l'écosystème du site et des contrats de culture sont possibles pour toute demande spécifique.

Le principe est le même pour les nattes, constituées d'un substrat d'environ 5 cm de fibre de coco, contenu dans un filet de coco. D'une longueur standard de 5 m, et 1 m ou moins en largeur, les géonattes comptent vingt plantes par mètre carré. Une quinzaine de configurations de plantation sont cultivées pour répondre à toutes les situations possibles, y compris la végétalisation de stations d'épuration par des roselières.

Des plantations toute l'année

La mise en place des boudins et des nattes végétalisés peut se faire toute l'année, à condition que le niveau d'eau soit suffisant pour que leur base soit immergée en permanence. Les racines des plantes étant déjà développées dans le coco, une mise en place en période de végétation entraîne un enracinement rapide et donc un résultat immédiat. Ce qui assure la réussite de la plantation, y compris dans des conditions difficiles de pente ou de débit important des cours d'eau. La mise en place des boudins s'accompagne alors d'un fascinage en bordure avec des fagots de branches et de piquets qui assurent le maintien de la berge, en attendant le développement des racines. Les fascines de branches de saule vivant prendront racine et formeront un lacis racinaire opposant à l'érosion une résistance souple et adaptée. « C'est un apport écologique réel, souligne Isabelle Wininger. Le milieu naturel ainsi recréé bénéficie aussi aux poissons, aux oiseaux et à tous les animaux vivants au bord de l'eau. Il est nécessaire, et possible, de s'harmoniser à chaque situation. Le végétal a bien sûr aussi ses limites, il peut cependant aller très loin dans la plasticité. » Les boudins végétalisés en bordure de cours d'eau ou de plan d'eau sont une alternative aux ouvrages maçonnés. Ils remplissent deux fonctions essentielles : ils protègent de l'érosion par le développement des racines des plantes ; ils renforcent la valeur écologique du site en créant une zone de transition entre l'eau et la terre sur laquelle les animaux peuvent circuler, une zone riche en biodiversité. Selon la configuration du site à végétaliser, boudins et nattes seront associés, sur des pentes par exemple. Plusieurs techniques peuvent être conjuguées. C'est tout le savoir-faire d'une entreprise comme les pépinières Wadel-Wininger, qui fournissent les végétaux, accompagnent, réalisent, entretiennent, toujours dans le respect du milieu naturel et du végétal.

Cécile Claveirole

Pour en savoir plus : – “Génie végétal, la solution vient des plantes”, le Lien horticole n° 835 du 20 mars 2013, page 14. – Le génie végétal. Philippe Adam, Nicolas Debiais, François Gerber et Bernard Lachat. 2008. Éditions La documentation française, Paris.

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