REGARD SUR Anemone nemorosa : vivace des sous-bois pour jardins mûrs

En phytosociologie, elle a donné son nom à la classe des Anemono nemorosae-Caricetea sylvaticae, cette dernière groupant toutes les plantes herbacées des sous-bois de nos régions, de la plaine à la montagne. C'est dire que son amplitude écologique s'avère large. Elle nécessite néanmoins deux conditions essentielles pour se développer : un sol humifère, constant dans les forêts mais très occasionnel sous les arbres des parcs et jardins, et une disponibilité hydrique suffisante pendant sa période de végétation, le printemps. Sous les climats bien arrosés et sur les sols un peu humides, elle est capable de s'échapper sur les lisières, voire dans les prés et landes. Les sols optimaux sont limoneux et légèrement acides. La chaleur est d'autant mieux supportée que l'hygrométrie est élevée. En conditions naturelles, elle est présente presque partout en France, avec quelques lacunes vers le sud. Elle est absente de la région méditerranéenne et rare dans les Alpes. Le rhizome horizontal brun et charnu, de 5 mm de diamètre, peu profond sous la litière, s'allonge lentement en se ramifiant parfois.

Un tapis coloré s'admirant de loin

Les feuilles palmées et découpées émergent et se déploient au début du printemps, avant celles des arbres, seules ou par paires. Certaines sont surmontées d'une fleur souvent blanc pur, parfois lavée de rose ou de pourpre, solitaire, s'élevant à 20, voire 30 cm, s'épanouissant vers mi-avril et persistant d'autant plus longtemps que les températures sont froides. Elles se ferment le soir et s'ouvrent avec le retour du soleil. Les graines sont contenues par des akènes velus à bec glabre, nombreux, groupés en petites têtes sphériques et dispersés plus particulièrement par les fourmis. Ces dernières peuvent donc contribuer à disséminer la plante à distance. Cette anémone entre en dormance dès la première sécheresse estivale. En petit ou grand peuplement, formant des colonies s'étendant peu à peu, l'anémone des bois orne le dessous des grands arbres, lorsque les conditions édapho-climatiques lui conviennent. Le nombre de ses noms vernaculaires montre combien elle a toujours été remarquée : anémone sylvie, anémone sanguinaire, bassinet, pâquette, casse-verres... Cette anémone drape pour quelques jours le sol d'un tapis coloré s'admirant de loin, alors que les arbres se réveillent. Quelques-unes de ses fleurs précoces suffisent aussi à émerveiller l'observateur attentif.

Christophe Chambolle (*) et Valéry Malécot (**)

(*) Ingénieur conseil en horticulture et paysage. (**) Maître de conférences en botanique.