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Chronique d'une saison exceptionnellement perturbée

Les serres de production sont souvent restées pleines lors du printemps 2013, la faute au climat et à un calendrier défavorable.

Selon les différents acteurs interrogés dans le cadre de notre indicateur Lien horticole/Médioflor, le printemps 2013 est d'ores et déjà lourdde conséquences. L'ensemble de la filière n'a jamais rencontré, par le passé, une telleconjonction de conditions défavorables...

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La météo est le principal facteur de perturbation de cette saison. Les printemps des années précédentes ont toujours été composés d'alternance de périodes plus ou moins favorables aux ventes de végétaux, mais cette alternance, justement, avait aussi des avantages selon les positionnements pris en début de saison et l'état d'avancement des cultures. Or, depuis le début de l'année 2013, toutes les périodes ont été défavorables : janvier, février sans grande période de froid vif mais avec une humidité permanente, mars avec des températures nettement en dessous des normales saisonnières, puis un temps gris et pluvieux, et un manque permanent de lumière provoquant des retards de culture. Il n'y a eu que quatre semaines favorables sur ce semestre : fin avril et début mai et, dans une moindre mesure, les deux premières semaines de juin. Les conséquences se traduisent par une nette progression des charges de production.

L'engouement des consommateurs pour le jardin reste fort

Le facteur économique a également joué un rôle, mais comme nous avons pu le constater au fur et à mesure des indicateurs réalisés depuis le début de la crise en 2008, il n'est pas déterminant. Les arbitrages économiques des consommateurs et des collectivités se sont surtout faits au détriment des ventes de gros sujets de pépinière ou des plantes de grande taille, mais pas de la consommation des plantes de l'assortiment courant. Le peu de semaines où la météo était de la partie, les parkings des points de vente faisaient le plein. Pour certaines catégories de consommateurs modestes, le panier moyen est en légère diminution, mais pour les plus aisés, on constate, au contraire, une amélioration de ce panier car leur choix se porte sur des assemblages prêts à poser. Le marché est toujours le même en quantité et l'engouement pour le jardin n'est plus à prouver.

Dysfonctionnements exacerbés entre producteurs et distributeurs

Un troisième facteur plus insidieux a fortement contribué à détériorer une situation qui n'était déjà pas facile. Les dysfonctionnements constatés les années précédentes ont été exacerbés. Les règles du jeu qui conditionnent les rapports entre les acteurs de la production et de la distribution n'ont pas été révisées depuis des décennies, alors que l'évolution rapide et irréversible de l'environnement économique et sociétal imposait de nouvelles formes de relations. La distribution organisé progressivement une centralisation, une planification rigide et déconnectée de la réalité locale du terrain, résumant la concertation entre fournisseurs et clients à la seule logique des appels d'offres. Une programmation d'actions nationales en septembre pour le printemps suivant, qui ne tient pas compte des aléas prévisibles de la météo et des conditions de production, a un maximum de chance d'être à côté de la cible.

Des conséquences variables selon les entreprises

En ce qui concerne la production, les conséquences sont assez variables selon le positionnement des entreprises.

Les producteurs détaillants, qui représentent le plus grand nombre d'horticulteurs en France, déclarent un printemps acceptable. Certains parlent même d'une saison identique ou légèrement au-dessus de la moyenne des années 2011 et 2012. Cette catégorie est la moins touchée sur le plan financier. Elle a su s'adapter aux conditions difficiles grâce à un professionnalisme confirmé en matière de végétal.

Les producteurs grossistes locaux bien installés, disposant de connections logistiques performantes, ont réalisé une saison moyenne oscillant entre - 5 % et + 5 % en s'appuyant sur l'importation ou sur l'achat interrégional au fur et à mesure des demandes. Ils sont cependant plus fragilisés sur le plan financier que les producteurs détaillants.

Les producteurs fournisseurs de la distribution spécialisée, déjà fragilisés lors des précédentes saisons, ont le plus souffert de la situation. Indépendants ou regroupés sous forme coopérative, ils contractualisent à l'avance une partie de leur production (30 à 40 %) et produisent à leurs risques et périls les 60 à 70 % restants pour pouvoir répondre aux demandes de réapprovisionnement. Au cours de ce premier semestre, il y a eu peu de réapprovisionnement, voire pas du tout. La baisse moyenne de chiffre d'affaires est de l'ordre de - 15 %, mais bien souvent une part de la production, qui avait coûté cher en chauffage et en traitement, a dû être bradée ou détruite. Les répercussions financières sont importantes, d'autant plus que la part vendue ne l'a pas toujours été à un prix rémunérateur et doit parfois encore être payée.

Les grossistes régionaux polyvalents ont réalisé une saison moyenne en fonction de leur réactivité selon leurs sources d'approvisionnement et de leur capacité logistique. Cependant, pour ce type d'entreprises, la sélection par la capacité financière va rapidement créer l'écart.

En ce qui concerne la distribution, les conséquences sont lourdes dans pratiquement tous les cas en dehors de celui des producteurs détaillants.

La distribution spécialisée d'enseignes ou d'entreprises individuelles n'a pas eu la fréquentation suffisante pour atteindre ses objectifs de chiffre d'affaires. Ce type d'entreprises a particulièrement souffert de la double peine relative à la météo qui n'a pas incité les consommateurs à se déplacer comme durant un printemps normal, et aux arbitrages des consommateurs qui ont pénalisé les ventes des produits de gammes de complément comme les meubles de jardin, les barbecues... Pendant la saison, la mévente a été rapidement et qualitativement visible en rayon. Et les braderies de stock de fin de saison ne vont pas arranger les finances de ces établissements.

La grande distribution alimentaire ou de bricolage a honoré ses engagements concernant les opérations programmées en adaptant son coefficient de marge et en acceptant parfois un taux de démarque élevé. De ce fait, la rentabilité n'était pas évidente et la prudence sera de rigueur pour la prochaine saison.

Les autres types de distribution : ventes éphémères, mutualisées, sur Internet, retiennent l'attention par leur entrée remarquée, mais ne sont pas encore assez significatives pour en tirer des conclusions pertinentes.

Flexibilité, concertation et mutualisation : trois facteurs clés de résistance

Ce premier semestre décevant a fortement mis en évidence les écarts entre bonnes et moins bonnes pratiques. Les trois facteurs clés de succès pour chaque type de sociétés et pour les entreprises entre elles sont mis en évidence depuis quelques temps déjà, mais toujours pas intégrés dans les relations commerciales courantes.

La flexibilité. En termes de produits, de services, de logistique et de compétences, les entreprises les plus réactives et qui s'adaptent le mieux ont plus facilement traversé, jusqu'à ce jour, cette période difficile. Un paramètre qui vaut autant pour les producteurs fournisseurs et les acteurs logistiques, que pour les clients distributeurs. La flexibilité a pour condition une décentralisation des pouvoirs de décision pour les rapprocher du niveau local, ce qui suppose un professionnalisme et une compétence accrue des décideurs locaux, aidés par une motivation constante des équipes. Une transparence et une mise à disposition instantanée de l'information interviennent à tous les échelons par les nouveaux moyens de communication.

La concertation. La seule logique des appels d'offres comme moyens d'échanges commerciaux est dépassée lors de ces conjonctions exceptionnelles de conditions défavorables. Les entreprises qui ont pratiqué une concertation positive fournisseur client ont considérablement limité les dégâts.

La mutualisation régionale de l'offre et des solutions logistiques. Elle permet de répondre aux attentes règlementaires, environnementales et sociétales. La prochaine taxe sur les transports, par exemple, va encore renchérir de 8 à 10 % la part logistique des transactions. Les seules réponses viables à terme sont la provenance locale pour la consommation locale, mais le chemin sera long entre la situation actuelle et cette réalité du futur. Les responsables d'entreprise, mobilisés sur tous les fronts techniques, règlementaires et commerciaux, ont besoin de compétences externes et de conseils avisés pour gérer ce changement majeur.

Brand Wagenaar, analyste expert des filières horticoles (www.medioflor.com)

L'indicateur Lien Horticole/Médioflor a été réalisé par enquête téléphonique auprès de professionnels de la filière durant les semaines 26 et 27

Détaillants : correctLes producteurs détaillants ont, dans l'ensemble, réalisé une saison correcte, parfois identique à 2011 ou 2012.

Pépinières : difficileLes pépinières ont souffert tout au long de ce printemps. Les gros sujets ont été plus particulièrement touchés.

Jardineries : durLes jardineries ont enregistré de fortes baisses de leurs ventes. Elles sont loin d'atteindre leurs objectifs.

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