Quel est votre diagnostic ? C'est le chancre cortical du cyprès
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
DIAGNOSTIC
Le symptôme maladif relevé – des dessèchements ponctuels dans la haie – évoque une sectorisation architecturale dans le houppier des cyprès de Leyland (X Cupressocyparis leylandii). Chaque « tache » brune correspond à un ensemble de ramilles porté par une même branche. Il est alors aisé d'envisager qu'à la base de ces branches sèches se trouve un obstacle au transit des flux de sève. En remontant l'axe affecté, une zone chancreuse exsudant de la résine est mise en cause. Les exsudations de résine sont assez caractéristiques des chancres occasionnés par le micromycète Seiridium cardinale (Wag.) Sutton & Gibson, précédemment nommé Coryneum cardinale, d'où l'appellation commune de « chancre à Coryneum ». La forme téléomorphe est très peu répandue et ne semble pas jouer un rôle important dans la reproduction de l'espèce. D'autres Seiridium peuvent être associés au syndrome maladif du chancre cortical (S. unicorne et S. cupressi) mais leur pathogénicité est moindre. En période humide, les fructifications du champignon sont nettement visibles à l'oeil nu dans la partie centrale du chancre sur les écorces craquelées ; ces acervules (*) se présentent sous la forme de petits coussinets d'un noir soutenu. Celles-ci confirmeront définitivement la présence du champignon.
CONFUSIONS POSSIBLES
Des symptômes très proches de dessèchements épars de branches surviennent sur de nombreux Cupressus lors d'attaques printanières du puceron du cyprès, également appelé « puceron bronzé » (Cinara cupressi). Cet aphide de grande taille vit en colonies populeuses sur les rameaux où il ponctionne la sève élaborée. Sous l'effet de l'injection d'une salive toxique, les axes se dessèchent. Du miellat et de la fumagine sur les rameaux signent son passage. L'insecte affecte plutôt des axes de petite taille et s'installe principalement sur les cyprès à port compact (une haie taillée par exemple) ou colonnaire.
Des petits dessèchements de ramilles éparses peuvent être également occasionnés par des champignons parasites : Sphaeropsis sapinea f.sp. cupressi, Phomopsis juniperivora, Kabatina sp…
ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE
Le champignon Seiridium cardinale a été identifié pour la première fois en Californie en 1928 sur des cyprès de Monterey (Cupressus macrocarpa) et il s'est progressivement répandu à d'autres régions du globe (Nouvelle-Zélande en 1933, France en 1944, Chili en 1947, Angleterre en 1969, Afrique du Nord en 1973, Afrique du Sud en 1988, et plus récemment en 2007 à Chypre et au Moyen-Orient).
Il est réputé être un « parasite de blessure » capable de ne pénétrer à l'intérieur des tissus qu'à la faveur d'une plaie : impact de grêle, fissures occasionnées par le gel ou une forte charge de vent, forage par des insectes xylophages, tailles… Les hyphes mycéliens pourraient cependant pénétrer au niveau de l'insertion des branches sur le tronc. Le mycélium se répand dans les tissus sous-corticaux entraînant la désorganisation des méristèmes et l'obturation des vaisseaux conducteurs. L'écorce infectée et l'aubier récent prennent une teinte rougeâtre, d'où la dénominat ion « cardinale » de cette maladie fongique évoquant le rouge cardinal. En raison des différences de croissance entre les tissus atteints et les parties saines, des dépressions et des fissurations corticales longitudinales se forment sur l'écorce. Des chancres allongés se dessinent et suintent de résine, une substance qui joue un rôle important dans les mécanismes de défense de l'arbre. Dans leur partie centrale, les fructifications du champignon – acervules en forme de « petits cratères » noirs – apparaissent en périodes humides et chaudes. L'optimum de température pour la sporulation est de 25 °C (germination des conidies entre 6 et 35 °C). Lors des périodes froides et sèches, le pathogène se conserve dans les chancres anciens mais également sur les cônes âgés. Sa dispersion est assurée par la pluie et elle est donc aisée dans une haie monospécifique de cyprès de Leyland. Mais les outils de taille, les oiseaux, les insectes sous-corticaux (scolytidées), ainsi que les ravageurs des cônes contribuent aussi à cette dissémination. Lorsque les chancres sont étendus, ils ceinturent entièrement la branche, entraînant alors son dessèchement soudain en période estivale. Assez souvent, des symptômes précurseurs s'observent : jaunissement, ternissement, dessèchement de ramilles internes… Le champignon produirait des métabolites phytotoxiques entraînés par les flux de sève brute capables d'intoxiquer la branche.
HÔTES POSSIBLES
Seules des plantes de la famille des cupressacées peuvent être affectées par la maladie du chancre cortical du cyprès. Le cyprès de Monterey (Cupressus macrocarpa) et le cyprès de Leyland (X. Cupressocyparis leylandii) se montrent les plus sensibles, le cyprès de Provence (Cupressus sempervirens) l'est généralement un peu moins, et le thuya de Chine (Thuja orientalis) et les cyprès du Portugal (Cupressus lusitanica) le sont de façon modérée. Ces espèces peuvent être affectées dans toutes les situations, en peuplement forestier, en pépinière d'élevage ou encore en plantation dans les jardins et les espaces verts.
CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES
Sur de jeunes cyprès de Leyland, la maladie progresse très rapidement, notamment si les arbres ne se trouvent pas dans de bonnes conditions environnementales. Sur des sujets adultes, elle est beaucoup plus lente ; les chancres s'étendent peu et ne parviennent pas forcément à « ceinturer » les branches ou les troncs de fort diamètre. Les arbres attaqués dépérissent « branche par branche » et le phénomène s'accentue au fil des années. Les haies parsemées de zones desséchées deviennent disgracieuses.
Par Pierre Aversenq, expert arboricole
(*) Fructification asexuée ayant la forme d'un réceptacle ouvert au sein duquel sont produites des conidies sur de courts conidiophores.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :