Photovoltaïque : les panneaux ne sont plus un frein à la production
En Espagne, le projet Eclipse montre que la production d'électricité et les rendements horticoles ne sont pas forcément incompatibles. À l'heure où le prix payé pour l'électricité photovoltaïque repart à la hausse et où les énergies renouvelables semblent relancées en France, ce dossier mérite de retenir l'attention des professionnels de l'Hexagone.
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Le projet espagnol Eclipse est né d'un partenariat entre Tecnalia, centre privé pour la recherche appliquée et l'innovation, et l'entreprise Ulma Agricola (*), fabricant de serres. L'essai a été mis en place et suivi par le centre de recherche agronomique espagnol Neiker, situé à Bilbao. Les objectifs sont simples : répondre au besoin d'ombrage des cultures sous serre tout en valorisant l'énergie solaire en électricité, et ce, tout au long de l'année. Avec les tarifs de rachat d'électricité attractifs proposés jusqu'en 2011, de nombreux projets avaient été lancés en France avec des buts similaires, très efficaces d'un point de vue énergétique mais étant toujours approximatifs sur leurs performances agronomiques…
Eclipse propose un système où le végétal reste le coeur du projet. L'ombrage est la cible principale. La production d'électricité vient en complément. Elle a été pensée à l'échelle de l'entreprise et non pas comme une nouvelle activité au sein de l'entreprise agricole.
1 UNE SOLUTION INNOVANTE.
Comme tout système photovoltaïque, une fois posé sur le toit de la serre, il reste en place même en hiver lorsque son utilité n'a plus lieu d'être. L'installation développée par les deux partenaires tient compte de cette contrainte et propose une solution innovante. Elle présente la singularité de prendre en compte l'oscillation annuelle de la trajectoire du soleil. Grâce à un procédé optique à base de lentilles de Fresnel, le rayonnement solaire est dévié selon la période de l'année. Ainsi, en hiver, le rayonnement est orienté vers l'intérieur de la serre afin d'offrir un maximum de luminosité au végétal malgré l'ombrage de l'installation qui se situe en toiture. À l'inverse, en été, les lentilles orientent le rayonnement vers les cellules photovoltaïques, augmentant le rendement électrique et favorisant l'apport d'ombre sur les cultures.
2 CAMPAGNE D'ÉTUDE 2011-2012.
Le module d'essai, une serre en verre divisée en deux compartiments de 200 m² chacun (l'un équipé d'Eclipse et l'autre en témoin), est en place à Bilbao, en Espagne, sur le site du centre Neiker de Derio. L'étude de la croissance végétale et de l'impact du système sur les productions a été réalisée d'août 2011 à juillet 2012 sur poivrons et tomates en deux cultures, une estivale puis une hivernale afin d'étudier les deux schémas les plus fréquents en production. Ces deux espèces ont été sélectionnées d'une part pour leur représentativité agricole et économique en culture sous serre au niveau mondial, d'autre part pour leur besoin important et leur sensibilité à la lumière.
Au cours du suivi de croissance, les paramètres les plus critiques de la culture ont été mesurés : le rayonnement PAR (puissance apparente rayonnée), le rayonnement total, l'humidité et la température. La qualité des productions obtenues a été évaluée par comparaison avec celles de la serre témoin jouxtant le bâtiment d'essai. La production électrique a, elle aussi, été mesurée en fonction des conditions climatiques et notamment le taux d'ensoleillement.
3 DES RÉSULTATS PROMETTEURS.
Au terme de l'année d'étude qui a été menée, les résultats, tant sur la production agricole qu'électrique, se sont révélés particulièrement satisfaisants :
- les productions de tomates et de poivrons n'ont montré aucune différence de qualité entre la serre témoin et Eclipse. Seule une légère différence de quantité de fruits produits a été relevée ;
- l'ombrage créé dans la serre Eclipse a également été mesuré tout au long de l'année. Il présente en période hivernale un taux de seulement 12-15 % par rapport au témoin, ce qui démontre l'efficacité des lentilles optiques à compenser l'occultation en toiture ;
- en été, l'ombrage est de 40 % sous la serre Eclispe, valeur similaire à un écran classique. Les cultures sont donc bien protégées du soleil. De plus, la structure en lamelles du système permet de créer une homogénéité en évitant les ombres portées au sol, communes avec des panneaux solaires classiques.
4 LA SUITE À DONNER EN 2013.
Cette première année d'étude, dont les résultats finaux seront disponibles dans les prochaines semaines, laisse les partenaires très optimistes quant à la possibilité de développer le système à des fins commerciales, sous réserve toutefois de quelques améliorations. Le projet Eclipse, encore à l'état de prototype, doit être amélioré afin que les lamelles photo- voltaïques et les lentilles optiques soient incluses dans un support global. Actuellement, les deux composantes sont superposées simplement sur le toit de la serre, rendant le procédé salissant et ne facilitant pas sa mise en place. L'idée serait donc de concevoir des modules lisses et intégrés, dont l'installation pourra se faire aisément sur des serres existantes comme sur de nouvelles structures. Par ailleurs, des tests pourraient être réalisés sur d'autres gammes végétales, aussi bien maraîchères qu'horticoles, afin d'en mesurer l'impact sur un éventail d'espèces plus large. La possibilité d'installer ce type de système dans d'autres régions, où l'ensoleillement est plus important, est également envisagée. En France, l'Astredhor suit le projet depuis ses débuts, en 2011, afin d'échanger sur des données agronomiques spécifiquement horticoles et voir comment développer le système pour les exploitations de l'ouest et du sud du pays. Dans la mesure où la décision de le poursuivre en 2013 sera validée par le comité de pilotage, ce dossier mérite toute l'attention des professionnels.
Marie Morel
(*) Pour plus d'informations : info@ulmaagricola.com
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