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Poinsettia : des économies d'énergie possibles

Le Ratho, station expérimentale horticole de Rhône-Alpes, à Brindas, a ouvert ses portes en novembre dernier : l'occasion de présenter ses essais comparatifs en cours sur poinsettia, visant à permettre au producteur d'économiser de précieuses calories.

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Le poinsettia (Euphorbia pulcherrima), originaire du Mexique, est une culture exigeante en températures : un défi, pour le Ratho, qui depuis sa création a toujours cherché à diminuer les coûts énergétiques en production. Selon la station d'expérimentation du Rhône, un écart de température moyenne hebdomadaire de 1 °C conduit à une consommation d'énergie supérieure de 8 %. Parmi les outils culturaux permettant de limiter les dépenses de chauffage, l'intégration des températures a permis une économie de 33 % dans les essais 2011. « Il serait possible économiquement de produire du poinsettia du mois de novembre à celui de janvier à condition d'améliorer la protection phytosanitaire en introduisant de nouveaux auxiliaires en période estivale, et de choisir les obtentions les moins exigeantes en énergie afin de valoriser l'outil de production », assure la station. En effet, les cultivars présentent des tolérances différentes à des températures moyennes hebdomadaires inférieures à 18 °C. C'est pourquoi le Ratho étudie le comportement agronomique des nouvelles obtentions de poinsettia cultivées en lutte raisonnée et en conditions automnales. Cette plante est également la culture choisie pour étudier les potentialités de l'Hygrofilm® (Texinov), capable de limiter les déperditions thermiques d'une serre en verre simple paroi.

1 UNE CONDUITE DES TEMPÉRATURES ÉCONOME ET DES COMPORTEMENTS SATISFAISANTS

La station a étudié soixante-dix-sept nouveaux cultivars fournis par six obtenteurs ; chacun étant produit en quatre répétitions de quinze plantes. L'essai a été conduit sous serre en verre avec double vitrage latéral, équipée d'un écran thermique aluminisé, de chauffage basse température au sol complété par un réseau secondaire aérien (aérothermes), et de tablette de subirrigation. Comme en 2011, la consigne de température de chauffage hebdomadaire de 16 °C durant la période végétative et 14 °C durant la période de floraison (dès la semaine 46 à l'apparition des cyathes) a été suffisante pour assurer la qualité de la plupart des variétés, avec une température d'aération fixée à 26 °C. Dix-sept cultivars ont obtenu un bilan global (1) peu satisfaisant. Le Ratho a réalisé un tableau synthétique des résultats par obtenteur. Le chauffage ne s'est déclenché qu'à partir de la semaine 41 afin de maintenir la température nocturne à plus ou moins 16 °C. L'effet serre le jour et l'écran thermique la nuit ont permis de garder des températures nocturnes autour de 20 °C durant les dix premières semaines de culture, période critique sensible aux basses températures conditionnant l'architecture de la plante. L'approche des besoins hydriques de la plante par la sonde d'humidité placée dans le substrat a permis d'éviter les phénomènes d'évapotranspiration trop brutaux responsables des enroulements de feuilles irréversibles.

2 MAÎTRISE DE LA FORME DE LA PLANTE

La différence entre les températures diurne et nocturne s'est maintenue dans une plage de 7 °C durant toute la culture. Cette maîtrise prévient l'élongation des tiges au débourrement, évitant l'utilisation de régulateurs de croissance. De plus, une ambiance trop chaude (30 °C le jour et 16 °C la nuit) favoriserait la casse des tiges, en induisant un diamètre plus faible. Mais en pratique, une conduite à température basse peut s'avérer délicate à mettre en place. « L'effet sur la forme des plantes est difficile à contrôler dès qu'on s'écarte des valeurs optimales », relève Jean Verdonnet (SARL Verdonnet-Bouchet). « Nous travaillons sur un DIF positif (2) important de 7 C° en début de culture. Dès que la température diminue, nous maintenons une différence entre la température de croissance et celle d'aération, relativement faible, de 4 °C en abaissant la consigne d'aération quand la plante se finit. Cinq centimètres de pousse sont vite cinq centimètres de trop. » Pour Serge Lepage, directeur du Ratho, le problème de maîtrise se situe surtout au moment du débourrement : « Pour maîtriser la forme, il faut moucher - plutôt que pincer (3) - les variétés quand chacune en a besoin : effectuée trop haut, cette opération provoque l'initiation de multiples branches et trop de bractées. »

3 UN ÉCRAN FIXE DIFFUSANT LA LUMIÈRE TOUT EN ISOLANT LA SERRE

De même qu'une double paroi gonflable permet d'économiser 30 % d'énergie par rapport à une simple, la superposition d'un film plastique et de la paroi d'une serre en verre permet d'en améliorer l'isolation thermique. Par ailleurs, « l'association verre et plastique est beaucoup plus transparente qu'un double plastique », assure Serge Lepage. Un écran thermique double fonction ne peut jouer ce rôle d'isolation car il doit être maintenu ouvert en période automnale et hivernale durant la journée. Le Ratho teste donc l'écran thermique translucide Hygrofilm® (Texinov) sur poinsettia (cultivar 'Premium' à floraison rouge). Il est composé de lamelles à effet thermique (attention au sens de l'étirement) et de fils insérés dans la trame qui permettent à l'humidité de le traverser, évitant ainsi la condensation et l'égouttage sur les feuilles. Il laisse pénétrer la lumière et la diffuse pour une photosynthèse maximale, tout en isolant la culture du froid. Selon la station qui teste l'Hygrofilm® depuis plusieurs années, ce produit rentabilise les serres anciennes en générant des économies d'énergie. « Nous pouvons le tester de nouveau car il est désormais ininflammable. » La pose fixe de l'Hygrofilm ® (été comme hiver) coûte uniquement 2,50 euros par mètre carré en le montant soi-même - contre 15 euros pour un autre écran thermique - et permet un retour rapide sur investissement (kit de montage en cours d'étude), contrairement à un système mobile (la tringlerie et l'installation coûte de 80 à 85 % du prix d'un écran). Sa durée de vie est de cinq à huit ans. Le producteur pose lui-même l'écran avec des fils en nylon tous les 80 cm sur lequel il pose le film. Du fait de sa pose à l'horizontal, il amasse la poussière, mais une souffleuse permet de le nettoyer.

4 ÉCONOMIES RÉELLES MAIS CONFINEMENT À SURVEILLER

Les mesures indiquent 3 °C d'écart entre la température au-dessus et au-dessous du film. Une installation avec Hygrofilm® présente 1,5 °C de plus en journée qu'une installation sans ; la nuit l'écart atteint 2 °C. La présence de cet écran permet en moyenne 35 % d'économie d'énergie, selon l'étanchéité de la serre et son système de chauffage basse ou haute température (il faut le placer au-dessus des tuyaux, mais attention au risque neige qu'il faut pouvoir faire fondre). Le meilleur résultat économique est obtenu avec la gestion du climat selon le principe des températures intégrées sur 24 heures. Encore faut-il que cette formule ne soit pas pénalisante lorsque l'intensité lumineuse est supérieure à 100 W en extérieur, seuil favorisant l'effet de serre et l'accumulation de chaleur dans la journée. La station cherche donc à mesurer les comportements agronomiques liés à la diffusion de la lumière et aux risques phytosanitaires dus au confinement et à l'humidité engendrés par l'écran fixe. L'installation mise en place au Ratho oblige à ne chauffer que par la dalle, de sorte que l'atmosphère arrive vite à saturation avec les risques de Botrytis qui s'ensuivent, à moins de placer les aérothermes sous l'écran ou un déshumidificateur. S'il diffuse la lumière, l'Hygrofilm® ne remplace pas un écran d'ombrage ; il ne peut pas non plus s'ajouter à un autre écran thermique (les économies d'énergie ne sont pas cumulables).

Valérie Vidril

(1) En termes d'homogénéité, vigueur des tiges, hauteur, couleur du feuillage, aspect des bractées et intensité de la couleur, nombre de branches, réaction photopériodique. (2) Différentiel de température entre les consignes de jour et de nuit. (3) Un pincement se fait sur du bois alors que le mouchage se fait par l'ablation de l'apex.

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