Génie végétal : quand les plantes apportent la solution...
Le génie végétal est en plein essor et les entreprises du paysage ont un rôle important à y jouer : tel est l'un des principaux enseignements du colloque organisé à Paris en décembre dernier. Mais l'ensemble de la filière horticole peut gagner sur ce marché, pourvu que les règles du jeu soient enfin clarifiées.
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Pour avoir une place sur le marché, on a parfois l'impression que les qualités requises pour les plantes se résument à une belle plastique (feuillage et/ou floraison), une bonne composition (résistance aux ravageurs et maladies, facilité de multiplication) ou encore des talents de production (fruits...). Or, de plus en plus nombreux sont les végétaux utilisés pour d'autres qualités : capacité à absorber des polluants, à fixer les sols pentus ou à reconquérir des sols dégradés... C'est le domaine du génie végétal, un marché qui se porte bien, comme l'ont montré les débats de la journée technique organisée le 13 décembre dernier à Paris par Val'hor, à l'initiative de l'Unep (Union nationale des entrepreneurs du paysage) et en partenariat avec l'AGbio (Association française pour le génie biologique ou génie végétal).
1 COMMENT DÉFINIR LE GÉNIE VÉGÉTAL ?
Les spécialistes ne sont pas tous d'accord sur la définition, mais « l'ensemble des techniques utilisant des végétaux et leurs propriétés mécaniques et/ou biologiques pour stabiliser et gérer les sols érodés, ou restaurer, réhabiliter, voire “renaturer” des milieux dégradés » donne une bonne idée des frontières de ce vocable. L'AGbio estime qu'au-delà du génie biologique, qui concerne les rivières ou les faibles pentes, on trouve le génie végétal utilisé pour les pentes supérieures à 6 % (torrents), et que les deux sont réunis dans la notion de génie écologique, qui peut englober d'autres domaines, soit tout ce qui revient à assurer la « restauration durable d'écosystèmes ».
2 LES PROFESSIONNELS VEULENT UN CAHIER DES CLAUSES
Comme l'a rappelé Nicolas Debiais, du bureau d'études Biotec, basé à Lyon et spécialisé dans les études en génie de l'environnement, « aujourd'hui, beaucoup d'aménagements font appel à la sémantique du génie végétal mais le résultat est parfois caricatural. Les chantiers relèvent plus du génie “business” que végétal ! » Il cite pêle-mêle des projets dont les plantations sont monospécifiques, des mélanges « spécial berges » aberrants... « Verra-t-on bientôt sur le marché des mélanges spéciaux pour les vautours ? », s'inquiète-t-il. Pour lui, le génie végétal amène souvent à intervenir de manière à « ce que le résultat ne se voit pas. Il faut parfois accepter que la création paysagère soit la simple réalisation d'un habitat naturel, qu'il fasse appel à la diversification biologique et qu'il évolue librement, en un mot qu'il échappe à l'idée de concept ». Des notions auxquelles le secteur du paysage, qui revendique un certain savoir-faire dans le domaine du génie végétal, n'est pas forcément habitué... Et de conclure que, pour peu que l'on fasse le « bon choix de végétaux, il est facile de créer un milieu », et que ce qui manque aujourd'hui, c'est justement un CCTG (Cahier des clauses techniques générales) du génie végétal... Yves Crosaz, qui a longtemps travaillé sur les aménagements des voies pour la SNCF et qui a créé le cabinet Géophyte (Pontcharra, 38), partage cette approche : « On n'a pas assez recours aux ingénieurs du végétal, les cahiers des charges ne sont pas assez précis », estime-t-il, avant d'avancer que « trop d'entreprises de terrassement font encore la loi ».
3 DÉFENDRE LE SAVOIR-FAIRE DES SPÉCIALISTES
face au monde des travaux publics. Or, c'est « au donneur d'ordre de prendre le problème à son compte dès le départ ». Des gens de l'art peuvent être présents dans des équipes multidisciplinaires, mais en cas de marché groupé, « on retrouve 999 entreprises de terrassement pour une spécialisée dans le génie végétal ! » Le chantier de la LGV (ligne à grande vitesse) entre Tours et Bordeaux, en cours actuellement, a été, par exemple, intégralement confié à des entreprises de terrassement... Il exhorte donc « ceux qui veulent du professionnalisme à l'exiger, et ils l'auront ! » Pour que les lots concernant la mise en oeuvre du végétal puissent être attribués à des entreprises compétentes, ils doivent être expressément séparés de ceux de terrassement. Sinon, aucune entreprise de génie végétal ou du paysage ne pourra répondre à l'appel d'offres, faute de compétence en génie civil. Alors qu'elle serait la plus qualifiée pour traiter le végétal...
4 DES RÈGLES PROFESSIONNELLES POUR CLARIFIER LES CHOSES
Aujourd'hui, l'Unep travaille, dans le cadre d'un plan stratégique à trois ans (voir le Lien horticole n° 830, du 13 février 2013), à l'élaboration des règles professionnelles, dont un cahier sera consacré au génie végétal. Il comprendra un ensemble de « points de contrôle précis permettant au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage de vérifier si le travail est bien fait », a expliqué le président Emmanuel Mony lors de ce colloque. Le document repose sur la chronologie du chantier et vise à faire connaître et reconnaître la profession dans ses savoir-faire. C'est sur ce texte que s'appuie la démarche de marque « Expert Jardin », lancée par l'Unep l'an passé.
5 À VICHY, DES RÉPONSES TRÈS... CONTRASTÉES !
François Cassotti, président du groupe génie végétal de l'Unep, tient pour sa part un discours très pragmatique : « Il y en a assez des “copier-coller” des cahiers des charges aberrants. » Il demande aux concepteurs de choisir « des espèces qui existent sur le marché. Il faut en général 150 à 200 kg de graines pour semer un hectare. Les récoltes de graines dans la nature ne peuvent servir que de complément ». Il soulève aussi le problème de la terre végétale, souvent absente : « L'étude qui détermine le mélange à utiliser doit tenir compte de toutes les contraintes. » Les collectivités ne sont pas en reste pour soulever les problèmes rencontrés aujourd'hui sur les marchés publics dans le domaine du génie végétal. À Vichy, par exemple, un appel d'offres vient d'être lancé pour l'aménagement de 800 mètres linéaires sur les berges de l'Allier. Un chantier d'un montant de 540 000 euros pour lequel cinq réponses ont été reçues par le maître d'oeuvre. Trois ont chiffré les travaux de parachèvement et de confortement, prévus pour durer deux ans, à moins de 10 000 euros. Une entreprise a évalué ces travaux à 3 700 euros !
Pascal Fayolle
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