Micro-organismes et substrats : une complexité à maîtriser
Les récentes études sur la biotisation des substrats ont permis de mieux comprendre les potentialités des micro-organismes bénéfiques qui y sont introduits, leur diversité, leurs modes d'action, ainsi que les conditions nécessaires à leur efficacité.
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La microflore, présente naturellement dans les sols et la rhizosphère, est complexe et diversifiée, et contient en son sein de nombreux micro-organismes bénéfiques pour les plantes. Selon les process de fabrication, les substrats horticoles peuvent être caractérisés par une microflore indigène relativement faible voire inexistante, notamment si le substrat est désinfecté avant utilisation. Cela entraîne un déficit biologique défavorable à la croissance et à la santé des plantes. L'introduction de micro-organismes bénéfiques dans les substrats, représentés majoritairement par des champignons et bactéries, permet d'augmenter le potentiel agronomique des plantes et de les protéger contre les pathogènes.
1 DIFFÉRENTS MODES D'ACTION POUR INTERVENIR
Les micro-organismes bénéfiques regroupent, d'une part, les promoteurs de croissance qui favorisent la croissance et le développement des plantes et, d'autre part, les agents de biocontrôle qui possèdent des propriétés suppressives contre les pathogènes. Ils sont majoritairement représentés par des populations bactériennes (Pseudomonas, Azospirillum, Azotobacter, Bacillus, Agrobacterium, Xanthomonas) et des champignons (Trichoderma, Gliocladium, Streptomyces, Pythium, Fusarium). Les agents de biocontrôle interviennent selon trois grands modes d'action : la compétition, – pour l'espace, le carbone, les nutriments – qui joue un rôle majeur dans leur établissement et leur efficacité ; l'antagonisme vis-à-vis des pathogènes par des agents de biocontrôle produisant des molécules antibiotiques, antifongiques et des enzymes lytiques, pouvant également entraîner pour certains des caractéristiques d'hyper-parasitisme ; enfin, l'induction, chez la plante, d'une résistance systémique aux maladies.
2 DES POPULATIONS VARIABLES SELON LES SUBSTRATS
La composition du substrat joue fortement sur l'efficacité et le maintien des populations microbiennes bénéfiques. Avant la mise en culture, la microflore initiale présente dans les substrats organiques à base de composts est plutôt riche et diversifiée, tandis que les tourbes contiennent de faibles populations microbiennes. Elles sont absentes des substrats à base minérale, telles que la perlite ou la vermiculite. En cours de culture, la microflore évolue. Les populations de bactéries aérobies sont plus importantes dans les substrats inorganiques, tandis que les champignons sont plus présents dans les substrats organiques. Les systèmes Nutrients Film Technic (NFT) facilitent quant à eux l'installation et le maintien des populations d'oomycètes ciliés comme Pythium oligandrum, hyperparasite des Pythium pathogènes (Valance et al. 2010). Après la mise en culture, les populations microbiennes totales se stabilisent rapidement autour de 1 010 CFU (Colony forming unit) par gramme de racines (poids frais), les proportions des différentes familles de micro-organismes étant affectées par la nature du substrat.
3 CONDITIONS D'EFFICACITÉ DES AGENTS DE BIOCONTRÔLE
L'importance de la colonisation racinaire par l'agent de biocontrôle est l'une des clés pour une activité suppressive efficace, quels que soient les mécanismes impliqués (Raaijmakers et al., 2008). Plusieurs études ont démontré une corrélation entre la densité de l'agent de biocontrôle et le degré d'efficacité de la protection (Doornbos et al., 2011). Par exemple, un contrôle biologique efficace du Fusarium du radis par Pseudomonas fluorescens WC374r nécessite une densité minimale de 105 CFU/g de racines. Un léger déclin de cette population en dessous de cette valeur seuil entraîne une chute rapide du degré de contrôle de la maladie (Raaijmakers et al., 1995). Les avantages compétitifs, comme le catabolisme du carbone, la propension à coloniser rapidement les racines et une densité importante au niveau des racines favoriseront une efficacité importante de l'agent de biocontrôle. L'efficacité et le maintien des agents de biocontrôle sont très affectés par la formulation des produits utilisés. Ainsi, l'efficacité d'une introduction de Trichoderma harzianum en pépinière ne sera pas la même pour une formulation en granulé ou en poudre. L'efficacité des produits pourra dépendre du stade physiologique de la culture au moment de leur introduction.
4 DES INTERACTIONS COMPLEXES ET DYNAMIQUES
Les interactions au sein de la réunion plante-substrat-communauté microbienne sont extrêmement complexes et dynamiques, impactant fortement l'efficacité des micro-organismes bénéfiques. Ainsi, la combinaison de plusieurs agents de biocontrôle peut se révéler plus efficace qu'une utilisation séparée, comme l'ont démontré Yigit et al. (2007) dans une étude sur l'utilisation de Pseudomonas, Trichoderma et Fusarium pour le biocontrôle d'un Fusarium pathogène de la tomate. Inversement, il existe des cas où deux agents de biocontrôle combinés demeurent moins efficaces pour le biocontrôle qu'utilisés séparément (Tziros et al., 2007). Il se forme donc des synergies et/ou des antagonismes entre les différents micro-organismes bénéfiques. Certains offrent par ailleurs un seul mode d'action, tandis que d'autres combinent plusieurs des trois modes d'action cités plus haut. L'efficacité des premiers peut être fortement diminuée à cause du contournement de leur mécanisme d'action par le pathogène cible. En revanche, il sera plus difficile pour les pathogènes de développer de multiples résistances dans le cas où l'agent de biocontrôle dispose de plusieurs mécanismes d'action (Raiijmakers et al., 2008).
Au vu des nombreux produits à base de micro-organismes bénéfiques disponibles sur le marché, des études supplémentaires restent nécessaires pour clarifier les interactions de ces populations microbiennes dans les substrats et les facteurs influençant leur maintien et leur efficacité.
Cédric Hervouet (1) et Jean-Charles Michel (2)
(1) Étudiant, ESA d'Angers en spécialisation à Agrocampus Ouest-Centre d'Angers, niveau master 2, option GDV « Gestion durable du végétal en horticulture et aménagements paysagers ». (2) Agrocampus Ouest-Centre d'Angers, unité de recherche Ephor « Environnement physique de la plante horticole ».
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