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Quel est votre diagnostic ? C'est le chancre bactérien du marronnier

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DÉTECTION

À l'échelle de la ville de Lille, les symptômes ont été exclusivement relevés sur des Aesculus. Cette spécificité du phénomène maladif et sa répartition sur différents sites orientent le praticien du diagnostic vers la piste d'une affection parasitaire inféodée aux marronniers. Les exsudats colorés visibles sur les écorces des sujets malades évoquent les écoulements observés sur des arbres affectés par des oomycètes comme le Phytophthora cinnamomi responsable de la maladie de l'encre sur les chênes et châtaigniers dans le Sud-Ouest de la France. Dans ce cas, ces jus colorés sont constitués de substances phénoliques oxydées produites par l'arbre en réponse à l'infection. Les décollements d'écorce qui surviennent ultérieurement aux suintements révèlent une mortalité des tissus vivants sous-corticaux : l'écorce non adhérente au bois par endroit se soulève et se décolle sous l'effet de la croissance de cals cicatriciels. Ainsi, des tissus nécrosés et des parties encore vivantes en croissance cohabitent sur la circonférence du tronc. Les nécroses sous-corticales limitent fortement les possibilités de conduction des flux de sève et provoquent le dépérissement de l'arbre. Seules des analyses de laboratoire permettent de confirmer la présence de Pseudomonas syringae pathovar aesculi (Psae), des moyens spécifiques (méthode PCR après mise en culture de la d'échantillons est délicat (prélèvement dans la zone sous-corticale à la limite entre les tissus sains et nécrosés). Tous les symptômes décrits ici (notamment les suintements corticaux) ainsi que leur chronologie ne s'expriment pas systématiquement. Les fissures corticales constituent cependant un symptôme caractéristique de cette affection. Ces fractures s'accentuent d'une année sur l'autre ; des lambeaux d'écorce se détachent et dévoilent le bois d'aubier desséché. Sur les sujets âgés, cette symptomatologie est souvent très discrète.

ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE

Le chancre bactérien du marronnier, encore appelé « maladie du saignement du marronnier », sévit en Europe de l'Ouest depuis la fin des années 90. En France, la maladie a été détectée dans le Pas-de-Calais en 2001, mais l'identification de la bactérie responsable remonte à 2007. Aujourd'hui, elle a gagné de nombreuses régions (Picardie, Île-de-France, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne) et divers pays (Angleterre, Belgique, Pays- Bas, Norvège, Allemagne et Irlande). Capable de vivre en épiphyte sur les marronniers, Pseudomonas syringae pv. aesculi réalise son cycle complet sur les feuilles, fleurs, fruits ou branches sans générer d'infection sur les tissus. C'est à la faveur d'une plaie accidentelle (taille, impact de grêle, blessure de frottement...) ou d'une ouverture naturelle (lenticelles, plaies pétiolaires, noeuds, embranchements...) qu'elle pénètre dans les tissus ligneux et se comporte en pathogène. Elle peut alors infecter la partie aérienne ligneuse (tronc, charpentières et branches) mais pas le système racinaire. Elle est même capable de s'exprimer pendant l'arrêt de la végétation et provoque des lésions des tissus alors que l'arbre est en repos. Cette stratégie de colonisation de l'hôte – identifiée chez d'autres espèces de bactéries ou de mycètes parasites – est particulièrement performante. Psae progresse en utilisant les vaisseaux conducteurs (phloème et xylème) et détruit les tissus vivants, entraînant ces nécroses sous-corticales caractéristiques. Les parties épargnées développent des cals de recouvrement qui génèrent les décollements d'écorce. Mais de nouvelles infections de la bactérie ruinent généralement tous les espoirs de cicatrisation de l'arbre qui dépérit en quelques années. Le bois d'aubier ne semble pas l'héberger mais il se colore assez rapidement à l'aplomb des zones nécrosées et les vaisseaux conducteurs sont obstrués.

Les modes de dissémination de la bactérie sont imparfaitement connus mais il est probable que l'eau (pluie, éclaboussures...) soit largement impliquée. D'autres vecteurs comme les insectes ou l'homme par l'intermédiaire de ses outils et de ses activités peuvent être également suspectés. La proportion de marronniers atteints en milieu urbain est en effet plus importante que dans les campagnes et les arbres d'alignement en bord de voirie sont plus affectés que les sujets isolés en parc. La possibilité d'une transmission par la graine est à l'étude. La bactérie semble pouvoir se conserver pendant plusieurs mois sur des fragments de végétaux morts.

HÔTES POSSIBLES

Cette affection bactérienne ne se développe que sur le genre Aesculus. Le marronnier d'Inde (Aesculus hippocastanum) est l'espèce la plus concernée et la variété 'Baumannii' y semble tout particulièrement vulnérable. Dans une moindre mesure, le marronnier à fleurs rouges (Aesculus x carnea) se trouve affecté. En revanche, le marronnier nain à fleurs rouges et jaunes (Aesculus x mutabilis), le pavier jaune (Aesculus flava), le pavier blanc (Aesculus parviflora) et le pavier rouge (Aesculus pavia) expriment peu ou pas de sensibilité à cette bactériose.

CONFUSIONS POSSIBLES

Des nécroses longitudinales sous-corticales associées à des décollements d'écorce peuvent survenir lors d'une intoxication d'arbres par voie racinaire. Une absorption de chlorure de sodium (sels de déneigement) ou d'un phytocide systémique génère ce type de symptôme. Il est d'autre part possible que des suintements associés à des nécroses sous-corticales aient lieu sur des marronniers atteints par Phytophthora cactorum et P. citricola, mais ces affections restent marginales.

CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES

Sur les jeunes arbres, le chancre bactérien du marronnier se répand rapidement et peut provoquer leur mort en quelques années ; des dépérissements en deux ou trois ans ont été observés. Cependant, cette évolution n'est pas systématique. Dans le cas de sujets âgés, la mortalité résulte fréquemment d'infections secondaires (par exemple le pourridié à armillaire) qui surviennent sur les marronniers préalablement affaiblis par le chancre bactérien. Les lésions corticales occasionnées par Psae sont facilement colonisées par des agents lignivores (Pleurotus sp.) qui peuvent alors altérer le bois et fragiliser les axes.

Par Pierre Aversenq, expert arboricole, et François Freytet, responsable de la gestion des arbres de Lille

Bibliographie Quennesson S. et al., 2012. Le chancre bactérien du marronnier. Phytoma-La santé des Végétaux, n° 659, pp. 35-41. Gillet M., Bultreys A., 2011. Le chancre bactérien du marronnier. Silva Belgica, n° 3, pp. 26-30. Aversenq P., Rousseau P., 2004. Quel est votre diagnostic ? PHM- Revue horticole n° 463, pp. 52-54.

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