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Composts : des effets suppressifs à l'étude

En plus d'améliorer la rétention en eau, d'aérer et d'enrichir le sol en nutriments, les composts possèdent des effets suppressifs contre les maladies, variables selon leur composition, leur maturité... Les études cherchent à optimiser - ou à isoler - au mieux ces propriétés.

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La diminution de la matière organique des sols en association avec la diminution de l'activité microbienne contribue à augmenter les maladies telluriques dans nos agrosystèmes. Selon des résultats de recherches récents, les composts, en plus d'améliorer la rétention en eau, d'aérer et d'enrichir le sol en nutriments, peuvent permettre un contrôle biologique de certaines maladies grâce à leur flore microbienne. L'introduction de microorganismes pathogènes n'est toutefois pas à exclure, en particulier via l'épandage de lisiers, boues de stations d'épuration urbaines et industrielles (Escherichia coli, Shigella, Campylobacter, Listeria...).

1 EFFETS VARIABLES SELON LA COMPOSITION DU COMPOST.

La nature des matières organiques utilisées pour sa fabrication influence les caractéristiques biologiques, chimiques et physiques du produit, et son effet suppressif contre certaines maladies. De nombreux auteurs ont ainsi montré un effet suppressif important des fumiers animaux, attribué à une forte population microbienne à l'activité intense. Un compost riche en acides humiques ou autres matériaux « récalcitrants » (résistant à la décomposition, comme les produits issus de bois, d'écorce, d'aiguilles de pin...) serait majoritairement dominé par des champignons indépendamment du ratio argile/sable/limons. Au contraire, les composts produits à partir de déchets verts ou de fumier seraient plus riches en population bactérienne. Par ailleurs, certains matériaux peuvent présenter un risque phytosanitaire ou être phytotoxiques.

2 UN PARAMÈTRE ESSENTIEL : LA MATURITÉ DU COMPOST.

Le compost doit avoir un bon degré de maturation pour être utile en contrôle biologique (Hoitink et al., 1996), en particulier pour les plantes en pot. Lorsqu'il s'agit de cultures plein champ, ce paramètre est moins important car le compost peut être appliqué plusieurs semaines avant la plantation pour lui permettre d'atteindre un bon niveau de stabilité biologique. Les composts immatures fournissent des substances directement dégradables qui peuvent être utilisées par les pathogènes pour leur croissance (même si des agents de biocontrôle sont déjà présents) ou qui peuvent inhiber la synthèse de molécules par les agents de biocontrôle. Ces mêmes composts immatures peuvent aussi contenir des composés phytotoxiques (par exemple des nitrites, à cause de la dégradation de la biomasse morte). Dans les composts matures, les organismes de biocontrôle limitent ou détruisent les pathogènes. Dans une étude d'Avilés et al. (2011), la matière organique fraîche contenant Trichoderma n'a pas d'effet suppressif contre Ralstonia solani et on observe une pourriture des racines. La synthèse d'enzymes lytiques par Trichoderma est inhibée à cause du fort taux de sucre de la matière organique fraîche. Dans le compost mature où les concentrations de sucre sont plus faibles, les sclérotes de R. solani sont tués par l'agent de biocontrôle. Au vu de l'importance de ce paramètre sur la biologie et la chimie du compost, des moyens techniques importants se sont développés pour mesurer la maturité du compost (mesures de rejets de O2 et de CO2, mesures de résonnance magnétique nucléaire, spectroscopie infrarouge, bioessais...).

3 PROPRIÉTÉS CHIMIQUES, EFFETS SUPPRESSIFS ET TOXIQUES.

Les composts contiennent des composés chimiques qui attaquent directement le pathogène ou ses capacités de survie. Ainsi, les amendements organiques à forte teneur en azote (par exemple le fumier de volaille) ont des effets toxiques sur la croissance des pathogènes par la formation d'ammonium, d'acide nitrique ou d'acides gras volatiles. A contrario, ces composés peuvent avoir un effet toxique sur la plante elle-même ou favoriser certaines maladies comme le chancre sur pommier. Certaines boues d'épuration riches en azote peuvent aggraver les fusarioses.

L'effet suppressif des composts est en général proportionnel à la quantité administrée. Toutefois, en cas d'apports trop importants, la salinité trop élevée ou l'excès d'élément nutritifs entraînent une inhibition de la croissance des plantes et s'opposent à l'action de biocontrôle. Par exemple, l'intensité de la maladie due à Sclerotinia minor augmente avec la conductivité électrique du milieu (EC). Une trop forte proportion de compost (> 60 %) dans un substrat peut entraîner la mort des plantes.

Le pH modifie l'EC et donc la disponibilité en nutriments (P, Mg, Mn, Cu, Zn, Fe) dans les milieux organiques. Plusieurs études s'accordent à dire qu'il faudrait un pH quasi-neutre pour que le compost révèle toute ses capacités suppressives. Enfin, le degré d'humidité du compost n'est pas à négliger et doit être d'environ 40-50 %.

4 IMPORTANCE DES MICROORGANISMES PRÉSENTS.

Une étude génétique avec du 16S rDNA (PCR) donne une idée de la population microbienne du milieu. Les principaux agents de biocontrôle sont du genre Pseudomonas, Bacillus ou Trichoderma ; ils agissent par mycoparasitisme, et compétition pour l'espace et les ressources nutritives. Les organismes suivants ont été régulièrement isolés de composts à effets suppressifs : Trichoderma asperellum, qui agit contre la fusariose de la tomate ; Bacillus subtilis, qui survit à la phase thermophile du compostage ; Aspergillus sp., Geotrichum sp. et Pythium sp. De nombreux travaux montrent qu'un traitement par la chaleur, qui tue la majorité de la flore microbienne, réduit aussi à néant les effets suppressifs, ce qui confirme l'importance de la flore microbienne pour le potentiel d'action contre les maladies.

5 INTRODUCTIONS ARTIFICIELLES DANS LE COMPOST.

Même quand on cherche à optimiser tous les facteurs environnementaux pour favoriser la colonisation « naturelle », certains composts restent déficients dans leur capacité de contrôle biologique. Pour éviter cette variabilité dans les capacités suppressives des composts, des souches spécifiques de bactéries ou de champignons ont été développées. Celles-ci sont introduites dans le compost après le pic de chaleur du processus de compostage mais avant que le niveau de recolonisation par les microorganismes soit à son maximum. Ainsi, beaucoup de recherches portent sur l'introduction de Trichoderma afin de lutter contre Ralstonia solani. Cependant, il faut apporter une quantité très importante d'antagonistes et leur survie n'est pas assurée dans tous les types de compost. C'est pourquoi des études récentes portent désormais non pas sur l'introduction d'agents de biocontrôle dans le compost mais sur un enrichissement des substrats avec les substances qu'ils produisent. C'est le cas de certains antibiotiques comme le 2,4-diacétylphloroglucinol produit par Pseudomonas spp.

Le compost n'est pas seulement un améliorateur de la structure du sol et des ses propriétés physico-chimiques, mais aussi un agent de protection phytosanitaire. On connaît de mieux en mieux les organismes qui y vivent et sont en mesure d'inhiber les maladies fongiques telluriques et les nématodes phytophages, mais il reste encore des zones d'ombre concernant leurs conditions de développement. Il en ressort qu'outre le pilotage du compostage par la température et la ventilation, des prélèvements réguliers pour surveiller la composition chimique et biologique du compost (populations microbiennes) se révéleraient utiles. Une recherche plus approfondie dans ce domaine pourrait faire progresser la qualité des composts.

Fanny Le Berre (1) et Jean-Charles Michel (2)

(1) Étudiante, Agrocampus Ouest-Centre d'Angers, niveau Master 2, option GDV « Gestion durable du végétal en horticulture et aménagements paysagers ». (2) Agrocampus Ouest-Centre d'Angers, Unité de recherche Ephor « Environnement physique de la plante horticole ».

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