L'aulne
Aucune affection n'est en mesure d'inquiéter sérieusement le genre Alnus, hormis le Phytophthora de l'aulne, aux conséquences particulièrement graves.
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PORTRAIT DE L'ARBRE
Membres de la famille des bétulacées, les aulnes sont originaires de l'hémisphère Nord et poussent sur des sols humides. L'espèce la plus commune en France, l'aulne glutineux (Alnus glutinosa), se développe spontanément en bordure des cours d'eau : c'est une essence majeure de la ripisylve. Elle revêt des noms vernaculaires divers (aune, verne, vergne...) qui ont donné des appellations de lieux (Aulnay, Vernet, Verneuil...). De taille moyenne (rarement au-dessus de 20 m), l'aulne glutineux a un tronc droit et une silhouette conique. Son écorce brune, lisse et parcourue de lenticelles se gerce avec l'âge. Ses feuilles d'un vert foncé dessus et plus claires dessous sont tronquées à leur extrémité. La floraison survient à la fin de l'hiver avant la feuillaison. Il existe différents cultivars : 'Pyramidalis' au port étroit, 'Laciniata' au feuillage découpé ou 'Imperialis' aux feuilles profondément et finement incisées.
Proche morphologiquement, l'aulne de Corse (Alnus cordata) est une espèce méditerranéenne ; ses feuilles ovales en forme de coeur à leur base sont caractéristiques. Spontané en Corse, il est largement planté depuis quelques années dans les espaces publics et très apprécié pour la constitution d'alignements en ville.
Plus petit, l'aulne blanc (Alnus incana) ne se rencontre à l'état spontané que dans les basses et moyennes montagnes des Alpes. Quant à l'aulne vert (Alnus viridis) au port arbustif, il est présent dans les Alpes du Nord et en altitude (1 400 à 2 350 m).
Le bois de l'aulne est coloré lorsqu'il est frais. Homogène et facile à travailler, il s'utilise en déroulage et en caisserie, mais également pour le tournage et la sculpture. Il a la réputation de ne pas être durable et de s'altérer assez rapidement à l'air, mais il est imputrescible dans l'eau et a donc beaucoup servi à la confection des pilotis... la moitié de Venise serait construite sur des pieux d'aulnes ! Il était également apprécié pour la fabrication de charbon de bois.
L'aulne vit en symbiose avec des colonies bactériennes de Frankia alni sur ses racines. Ces bactéries filamenteuses entraînent la déformation des poils racinaires qui constituent alors de spectaculaires nodules sphériques, appelés « actinorhizes » et dans lesquels elles fixent l'azote atmosphérique. Outre les tailles de formation dans son plus jeune âge, l'aulne ne supporte guère les élagages. En revanche, il rejette assez généreusement de souche.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Dans leurs stations naturelles, les aulnes occupent le fond des vallées ou le bord des cours d'eau. Le plus exigeant en eau est l'aulne glutineux qui ne peut se développer que dans des stations humides ; il tolère même de longues périodes d'engorgement du sol. En bord de rivière, ses racines tapissent généreusement les berges qu'il contribue efficacement à consolider. Lorsqu'il pousse à proximité de réseaux d'eau enterrés, il réussit à pénétrer à l'intérieur et à les boucher. L'aulne de Corse introduit dans nos régions accepte d'être planté en terre peu arrosée. Une pluviométrie de 600 mm par an lui suffit à condition qu'elle soit bien répartie. Côté sol, les aulnes sont assez tolérants. L'aulne glutineux préfère un sol profond, neutre à acide. Celui de Corse supporte aussi bien les terrains calcaires que les sols acides. Les deux espèces sont héliophiles et s'accommodent difficilement d'un ombrage. Le glutineux est rustique dans toutes les régions de France, alors que l'aulne de Corse craint les gelées hivernales prolongées (température critique : - 20 °C). Planté et conduit en « haute-tige », ce dernier peut souffrir, lors de fortes chaleurs, d'échaudures corticales sur l'exposition sud à ouest de son tronc. Tous se montrent sensibles aux sels de déneigement épandus sur les voiries et absorbés par leur système racinaire.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
Le cortège des parasites et des ravageurs sur les aulnes est conséquent, mais aucune affection n'était en mesure d'inquiéter sérieusement ce genre végétal... jusqu'à l'émergence en Europe, dans les années 90, d'une nouvelle maladie, le Phytophthora de l'aulne, aux conséquences particulièrement graves.
Affections des feuilles
Plusieurs espèces d'acariens investissent le feuillage des aulnes. Certaines (Eriophyes inangulis et E. laevis) génèrent la formation de galles à l'aspect de granules vert clair à rougeâtres qui restent localisées sur la nervure principale ou éparpillées sur le limbe. Le phytopte de l'aulne (Acalitus brevitarsus), lui, provoque des cloques et tapisse les concavités au revers de poils clairs (érinose). Une autre espèce (Acaricalus paralobus) est responsable de la « maladie des feuilles bronzées ».
Au revers du feuillage des aulnes, défilent un bon nombre d'insectes qui ponctionnent les tissus. Des ponctuations jaunes apparaissant au cours de l'été sur les feuilles signent le passage de la cicadelleAlebra albostriella. Les adultes de cet insecte opophage (qui se nourrit de sève) sont très mobiles et sautent au moindre dérangement. Le psylle de l'aulne (Psylla alni) est peu expansif (une seule génération par an) et n'inquiète guère son hôte. Ses larves aplaties se placent le long des nervures pour prélever la sève élaborée dont elles se nourrissent. Différentes espèces de pucerons provoquent des écoulements de miellat qui se recouvre rapidement d'une fine pellicule noire, la fumagine.
De nombreux insectes phyllophages fréquentent les aulnes. Le plus assidu, la galéruque (Agelastica alni), vient à bout certaines années de l'ensemble du feuillage. Ses larves noires, grégaires, décapent d'abord la face supérieure des feuilles avant de dévorer tout le limbe. La nymphose a lieu dans le sol et les coléoptères adultes s'observent en fin de saison sur les arbres avant d'hiverner. La chrysomèle bronzée des peupliers (Chrysomela aenea) ne laisse des feuilles que les nervures principales. Plusieurs lépidoptères défoliateurs s'aventurent sur les aulnes, dont la noctuelle (Acronicta alni). Les belles chenilles de l'insecte, au corps noir et jaune portant des soies spatulées, vivent isolées et n'occasionnent que des dégâts insignifiants. Plus visibles mais tout de même limités sont les méfaits des mineurs foliaires. Le charançon mineur des feuilles d'orme (Rhynchaenus alni) creuse une mine qui part de la nervure principale pour s'achever au bord du limbe en s'élargissant progressivement. Les larves des tenthrèdes mineuses (Fenusa dohrnii et Heterarthrus vagans) consomment l'ensemble des tissus entre les deux épidermes en formant une grande plage de tissus nécrosés ; elles sont visibles par transparence.
Du côté des champignons parasites, c'est surtout la cloque (Taphrina tosquinetii) que l'on remarque sur le feuillage des aulnes. Les jeunes feuilles se cloquent légèrement, se gaufrent parfois entièrement puis finissent par tomber. Avec ce mycète « déformant », un gigantisme foliaire est parfois observé. Une espèce proche, Taphrina alni-incanae, provoque des déformations et des excroissances anarchiques sur les cônes.
Lors des périodes chaudes et humides, il arrive que l'oïdium (Microsphaera penicillata) fasse une apparition (feutrage blanc à la face supérieure des feuilles).
Quand l'été est frais et humide, l'anthracnose (Gloeosporium sp.) couvre les feuilles de l'aulne de taches circulaires brunes, plus claires en leur centre.
Parasites et ravageurs des rameaux et des branches
Sur les jeunes rameaux non encore aoûtés, des amas spumeux annoncent la présence de l'aphrophore (Aphrophora alni). C'est sous ces « crachats de coucou » que les larves de l'insecte sont en place. Même si elles sont en nombre, leurs prélèvements restent insignifiants.
Des cochenilles à carapace telle la cochenille du noisetier (Eulecanium coryli) ou la pulvinaire de la vigne (Pulvinaria vitis) peuvent également coloniser les rameaux. Les femelles ont l'aspect d'une coque bombée, de consistance cireuse et de couleur brune.
Pathologies du tronc et des racines
Phytophthora alni, l'oomycète responsable de la « maladie du dépérissement de l'aulne », est surtout présent dans les régions nord-est et ouest mais il progresse rapidement. Les arbres malades en bord des rivières libèrent dans l'eau les zoospores qui contaminent les sujets situés en aval. Les infections surviennent à la faveur de blessures dans la base des troncs ou par les racines adventives ; très vite, les tissus sous-corticaux se nécrosent. Les houppiers se dégarnissent, les feuilles sont de petites dimensions (microphyllie) et des écoulements noirâtres apparaissent sur les troncs... Les arbres touchés dépérissent extrêmement rapidement. Toutes les espèces d'aulnes sont sensibles à ce champignon, mais les sujets implantés au bord des cours d'eau sont les plus exposés. En milieu sec, en l'absence de vecteur, la maladie ne devrait pas se déclarer.
Sur le système racinaire des aulnes, peut se développer également le pourridié à armillaire (Armillaria mellea). Ce champignon, véritable « tueur de cambium », répand son mycélium dans les tissus sous-corticaux, en particulier sur des arbres affaiblis ou ayant souffert de perturbations environnementales. Ceux qui sont atteints meurent généralement brutalement en période estivale.
Champignons lignivores
Le cortège des champignons décomposeurs du bois sur les aulnes vivants est assez vaste. Le plus commun, l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius), déploie de volumineux sporophores pluriannuels en forme de sabot. Le bois atteint est parcouru de fissures puis une pourriture blanche se développe. Plus discrètes sont les fructifications du schizophylle commun (Schizophyllum commune) qui apparaissent sur les écorces blessées.
Pierre Aversenq
Référence bibliographique : Abras S. et al., 2008. Guide visuel des principales maladies et ravageurs des essences ligneuses des milieux rivulaires en Wallonie. CRAW DGRNE, pp. 27-44.
Galles à l'aspect de granules vert clair à rougeâtres, dues à des acariens.
« Maladie des feuilles bronzées » : sous l'effet de piqûres répétées d'Acaricalus paralobus, le limbe foliaire pâlit, devient grisâtre et les feuilles les plus atteintes tombent.
Ponctuations jaunes apparaissant au cours de l'été sur les feuilles, signant le passage de la cicadelle Alebra albostriella.
La galéruque (Agelastica alni) vient à bout, certaines années, de l'ensemble du feuillage.
Échaudure corticale sur aulne de Corse provoquée par de fortes chaleurs.
La chrysomèle bronzée des peupliers ne laisse que les nervures principales.
Cochenilles à carapace.
Écoulements noirâtres sur le tronc causé par Phytophthora alni.
Sporophore en forme de sabot de l'amadouvier officinal.
Le schizophylle commun, spécialisé dans la dégradation du bois d'aubier, s'installe souvent à la suite d'une échaudure corticale ou d'une blessure d'écorçage.
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