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Arbustes : comprendre leur floraison pour optimiser leur gestion

Deux journées techniques de printemps, la 27e Arborencontre du CAUE 77 et le colloque scientifique de la SNHF sur les coulisses de la floraison, ont permis d'approfondir le sujet de la gestion des arbustes en fonction de leur mode de ramification et de floraison. Avec pour objectif de gérer au mieux ces végétaux qui prennent une importance grandissante dans les aménagements.

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Le Lien horticole s'est déjà fait l'écho des professionnels qui s'intéressent aux arbustes et militent pour une meilleure connaissance de ceux-ci, afin d'améliorer leur gestion (voir l'encadré Repères). Il s'agit, en particulier, de lutter contre la récurrence d'opérations de taille superflues qui ne respectent pas la biologie et l'architecture des plantes et qui ont pour conséquence de les rendre inesthétiques tout en générant des surcoûts. « Une bonne connaissance des arbustes passe par la compréhension des modes de ramification qui les régissent : acrotonie (1), basitonie (2), mésotonie (3) », a rappelé Pascal Prieur, président des Arbusticulteurs, formateur et technicien à la ville du Mans, lors de la 27e Arborencontre du CAUE 77 consacrée au « choix et à l'entretien des arbustes dans les aménagements paysagers », le 28 mai à Varennes-sur-Seine (77). Un autre paramètre, tout aussi important pour un entretien respectueux, est celui du type de floraison. Il ne s'agit pas tant de s'intéresser à la période d'épanouissement des fleurs, mais de comprendre les étapes de leur formation. Un sujet développé par Gilles Galopin, enseignant chercheur à Agrocampus Ouest Angers, lors du colloque de la SNHF, organisé le 24 mai à Rennes (35), sur le thème « les coulisses de la floraison ».

1 UN DÉVELOPPEMENT FLORAL QUI S'EFFECTUE EN QUATRE SÉQUENCES.

La floraison se développe progressivement en passant par des stades plus ou moins longs, plus ou moins marqués, selon la nature des plantes. « La première séquence du développement floral, baptisée organogenèse et croissance végétative, est définie comme la période au cours de laquelle les bourgeons axillaires ou terminaux, potentiellement aptes au développement des fleurs, se mettent en place », a expliqué Gilles Galopin. Durant la seconde, on assiste à la modification de certains méristèmes végétatifs qui se transforment en méristèmes floraux. Cette phase se décompose en trois étapes : l'induction florale, période où l'on ne perçoit pas encore les modifications au niveau des bourgeons ; l'évocation florale, au cours de laquelle les transformations sont visibles au niveau microscopique ; et l'organogenèse florale, stade de formation des pièces florales. Les bourgeons alors formés peuvent être floraux ou mixtes, c'est-à-dire composé d'écailles, de préfeuilles et d'organes floraux. La troisième est la phase de dormance pendant laquelle on observe un arrêt de croissance. Elle est absente sur les plantes qui fleurissent sur les pousses de l'année. La quatrième et dernière séquence, qualifiée de développement et épanouissement floral, correspond à ce que chacun peut observer sur le terrain, à savoir l'éclosion des fleurs.

2 UNE TYPOLOGIE FLORALE QUI TIENT COMPTE DU DÉVELOPPEMENT FLORAL.

Mais pas seulement. Le schéma général du développement floral cache une très grande diversité dans l'expression de la floraison chez les arbustes, notamment du fait que la durée de chacune des séquences est variable selon les végétaux, mais aussi qu'elle fluctue en fonction des conditions climatiques et selon les années ou les régions. En outre, d'autres paramètres interviennent comme la position des fleurs sur les rameaux, l'âge du rameau qui porte les fleurs, la période à laquelle se déroule la phase d'induction florale, la présence ou non d'une dormance et sa nature, la période de floraison. À partir de ces différents éléments, Gilles Galopin a proposé une typologie florale (voir le tableau). Elle constitue un outil intéressant pour mieux comprendre le fonctionnement des arbustes et appréhender leur diversité. Elle est un atout indéniable dans le domaine de la production pour apprécier l'influence des opérations culturales sur le fleurissement, mais aussi dans celui des paysages et de la gestion des espaces plantés.

3 ADAPTER LES OPÉRATIONS DE TAILLE AUX TYPES D'ARBUSTES.

Favoriser la mise en place et le maintien d'une floraison de qualité constitue souvent l'un des objectifs des travaux d'entretien opérés sur les arbustes d'ornement. « Malheureusement, on peut encore trop souvent constater sur le terrain des opérations contre-productives faute d'une bonne connaissance des modes de floraison et de ramification », a souligné Pascal Prieur. En préalable, il est bon de rappeler que la plupart des arbustes ne nécessitent pas de taille pour bien fleurir. Pour tailler à bon escient, sans impact négatif sur la future floraison, il faut tenir compte, outre du mode de ramification, de la période à laquelle l'induction florale se déroule, ainsi que du type de rameau portant les fleurs (rameaux de l'année ou de l'année précédente). En effet, ces éléments sont plus importants que l'époque de floraison. Car deux arbustes peuvent fleurir au même moment mais sur des rameaux d'âge différent.

4 FLORAISON SUR LES RAMEAUX DE L'ANNÉE.

Pour les arbustes fleurissant sur les pousses de l'année, la floraison apparaît directement après une phase de développement végétatif (Hibiscus, Lagerstroemia, Indigofera...). L'induction florale est suivie immédiatement par le développement floral, sans phase de dormance. La floraison peut s'effectuer de la fin du printemps jusqu'à l'automne. Si l'on souhaite programmer des opérations de taille, il faut le faire en hiver, avant la phase de débourrement, car toute taille en cours de saison supprime des fleurs déjà programmées.

5 FLORAISON SUR LES RAMEAUX DE L'ANNÉE PRÉCÉDENTE.

Pour les arbustes fleurissant sur les rameaux de l'année précédente, Pascal Prieur a proposé deux approches de gestion selon leur mode de ramification. Chez les plantes basitones qui fleurissent sur les rameaux de l'année précédente (Forsythia, Weigela, Deutzia, spirées de printemps), les opérations de taille peuvent avantageusement être programmées durant l'hiver, mais en respectant deux conditions sine qua non : supprimer uniquement des vieux bois (âgés d'au minimum deux ans), en revenant au plus près de la souche (taille de sélection sur souche) et ne pas raccourcir les jeunes rameaux qui auront été conservés. « C'est une approche opposée aux idées reçues encore trop souvent véhiculées. Mais si elle conduit à la suppression de quelque rameaux qui auraient pu donner des fleurs, elle permet une meilleure régénération avec la stimulation de l'apparition sur la souche de jeunes rameaux vigoureux qui fleuriront l'année suivante. Elle offre aussi l'avantage, par rapport à une taille réalisée en saison de végétation, de ne pas risquer d'abîmer les jeunes pousses, puisque chez les plantes basitones, il faut “entrer” dans le coeur de la plante pour tailler. En outre, la période hivernale est une époque où les jardiniers ont plus de temps pour travailler dans les massifs qu'au printemps. »

Chez les arbustes acrotones (Cornus kousa, Viburnum plicatum, Euonymus, Ceanothus caducs...), si une taille doit être effectuée (ce qui n'est pas forcément nécessaire pour la plante elle-même), il est envisageable de la pratiquer après la floraison car on n'intervient que sur la partie « extérieure » de l'arbuste. Mais il est également possible et intéressant en termes de gestion de planning de réaliser des tailles hivernales. Dans ce cas, elles devront rester légères, car la suppression de rameaux en périphérie se fera au détriment de la floraison de l'année suivante.

6 POUR UNE GESTION DIFFÉRENCIÉE DES ARBUSTES.

Ces dernières années, la mise en place de plans de gestion différenciée des parcs et jardins s'est développée dans un grand nombre de collectivités avec l'objectif de répondre à l'évolution des moyens économiques et humains, mais aussi avec la volonté de diversifier la qualité paysagère et de mieux considérer la donne environnementale et les attentes citoyennes. « Dans ce contexte, une meilleure connaissance des arbustes est primordiale, tant au niveau de la phase de conception des projets que de la gestion ultérieure. Elle seule permet un choix d'espèces pertinent, une densité de plantation, une organisation des massifs et une programmation des opérations d'entretien adaptées au niveau de gestion de l'espace dans lequel les végétaux seront implantés et aux objectifs paysagers du projet. Ainsi, pour une essence donnée, la nature des interventions de taille, leur période de mise en oeuvre et leur périodicité peuvent varier en fonction du niveau de gestion de chaque site », a ajouté Jac Boutaud, membre fondateur des Arbusticulteurs, formateur, propriétaire et gestionnaire de l'Arboretum de la Petite Loiterie, à Monthodon (37), et gestionnaire du patrimoine arboré de Tours (37).

(1) Aptitude à développer des ramifications dans la partie supérieure des rameaux de l'année précédente. (2) Aptitude à produire des rameaux d'autant plus vigoureux qu'ils se situent près de la base des rameaux existants ou de la souche. (3) Aptitude à produire des rameaux au milieu des rameaux préexistants.

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