Plantes invasives : une préoccupation grandissante en Europe
Les espèces exotiques envahissantes (EEE) font de plus en plus parler d'elles. L'étau réglementaire se resserre autour de ces végétaux considérés comme l'une des principales menaces pour la biodiversité. Reste à tous les acteurs de la filière horticole à coordonner leurs actions pour les identifier et les éradiquer...
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Une espèce exotique envahissante (EEE) est une espèce (animale, végétale, micro-organisme) exotique (non indigène), dont l'introduction volontaire ou fortuite par l'homme sur un territoire menace les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes, avec des conséquences écologiques, économiques et/ou sanitaires négatives. Selon un rapport de l'Agence européenne de l'environnement, paru en décembre 2012, les EEE, nommées aussi espèces invasives, sont considérées comme l'une des principales menaces pour la biodiversité. D'ailleurs, leur identification, l'étude de leurs voies d'introduction, leur classification par ordre de priorité, la mise en place de mesures de contrôle et d'éradication constituent l'un des objectifs du « Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020 pour la planète », adopté en 2010 (« Objectifs d'Aichi »).
1 PRÉVENTION, DÉTECTION ET GESTION À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE.
L'impact des EEE risque de croître de façon exponentielle avec l'augmentation des échanges commerciaux et le changement du climat. Près de 12 000 espèces seraient présentes en Europe, alors qu'elles n'appartiennent pas à leur environnement naturel. Environ 15 % d'entre elles seraient envahissantes et ce nombre est en hausse. Elles occasionnent chaque année en Europe des dommages estimés à 12 milliards d'euros (santé publique, dommages aux infrastructures, pertes de récolte...). En parallèle, depuis quelques années, les projets de recherches, rapports et plateformes d'information sur les EEE se multiplient (1). Selon l'Agence européenne de l'environnement, la meilleure façon de lutter contre la menace est une « combinaison de mesures de prévention, de détection précoce et de réponse rapide aux incursions, avec une gestion permanente seulement en dernière option ». La proposition législative, présentée le 9 septembre par la Commission européenne, et qui vise à prévenir et à gérer le danger que constituent les espèces envahissantes reprend ces trois types d'intervention. Elle prévoit d'établir une liste des EEE préoccupantes pour l'Union européenne, en concertation avec les États membres sur la base d'évaluations des risques et de preuves scientifiques.
2 DES PROBLÈMES QUI NE FONT QUE CROÎTRE.
La majorité des espèces exotiques envahissantes sont des insectes, des champignons ou des virus, introduits de manière involontaire et dont les agriculteurs, horticulteurs ou gestionnaires d'espaces verts sont les premières victimes. Les végétaux ne représentent qu'une petite partie des EEE. Toutefois, quatre plantes invasives sur cinq ont été importées en Europe pour l'ornement ou l'agriculture. Un pourcentage qui n'a rien d'étonnant au vu de notre histoire, émaillée d'introductions végétales et dont la majorité a d'ailleurs été bénéfique. Les PEE avérées se révèlent cependant problématiques, et leur impact ne fait que croître : les jussies, l'ambroisie à feuille d'armoise, l'herbe de la pampa, l'orpin de Helms, la verge d'or, la rudbeckie laciniée, la renouée du Japon, le robinier faux-acacia, le buddleia de David, la berce du Caucase, la balsamine de l'Himalaya... sont quelques-unes de ces plantes devenues préoccupantes au fil des années.
3 UN CODE DE CONDUITE POUR L'HORTICULTURE.
Le Code de conduite sur l'horticulture et les plantes exotiques envahissantes (2) a été rédigé en 2009 dans le cadre d'une collaboration entre le Conseil de l'Europe et l'OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes). Il s'adresse aux gouvernements, importateurs de plantes, pépinières, jardineries, paysagistes, collectivités... D'application volontaire, il a pour but d'accroître la coopération entre tous les acteurs des secteurs public et privé impliqués dans l'horticulture, pour prévenir de nouvelles invasions de plantes exotiques en Europe. Plusieurs États membres l'ont déjà pris comme modèle pour rédiger leur propre cadre réglementaire. Par exemple, en septembre 2011, toutes les fédérations et associations horticoles belges ont signé un Code de conduite national sur les plantes exotiques envahissantes (www.alterias.be). Ce dernier vise à stopper la vente ou la plantation de vingt-huit espèces invasives en Belgique (voir encadré) ; à diffuser de l'information à leur propos ; à promouvoir l'utilisation d'autres plantes... En France, plusieurs régions se sont également inspirées du Code de conduite avec l'appui des conservatoires botaniques nationaux (Corse, Nord-Pas-de-Calais...). En Languedoc-Roussillon, l'association Orviva, réseau associatif de professionnels de l'aquaculture, travaille sur un référentiel Afnor de bonnes pratiques de production de plantes aquatiques, incluant la prise en compte du risque « invasives ».
4 EN FRANCE : JUSSIES ET HERBE DE LA PAMPA...
Le Code de l'environnement (article L.411-3) prévoit la possibilité d'interdire l'introduction dans le milieu naturel de certaines EEE, leur transport, utilisation et commercialisation. Toute infraction peut être sanctionnée de six mois d'emprisonnement et de 9 000 euros d'amende. Dès que la présence dans le milieu naturel d'une des espèces visées est constatée, l'autorité administrative peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou encore à la destruction des spécimens introduits. Les végétaux concernés doivent figurer sur des arrêtés interministériels. Pour l'instant, seul un arrêté concernant les jussies Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides est paru en 2007.
Suite au Grenelle de l'environnement, le ministère de l'Écologie a lancé en 2009 une stratégie de lutte contre les EEE ayant un impact négatif sur la biodiversité. La Fédération des conservatoires botaniques nationaux (FCBN) est désormais l'interlocuteur technique sur les espèces végétales envahissantes. En 2011, elle a rédigé une proposition d'organisation d'un réseau de surveillance du milieu naturel en France métropolitaine. L'objectif est d'informer en temps quasi réel les décideurs sur le front d'extension des EEE, afin de permettre une prise de décision sur l'opportunité de lutter contre les espèces les plus préoccupantes sur les nouveaux sites, grâce à la mise en place de plans nationaux de lutte (PNL). Parmi les premières espèces retenues se trouve l'herbe de la pampa, Cortaderia selloana. La liste complète des EEE concernées n'a toujours pas été publiée.
5 UN SUJET QUI FAIT DÉBAT CHEZ LES PROFESSIONNELS.
Au mois de juin 2011, suite à la mise en place du PNL contre l'herbe de la pampa, la FNPHP (Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières) s'interrogeait : « Faut-il pour autant l'interdire sur tout le territoire ? » La fédération rappelait les « incidences lourdes que pourrait avoir ce type de plan pris sans concertation professionnelle, sur les entreprises de production ». « Les producteurs horticoles et les pépiniéristes ne veulent pas être “montrés du doigt” comme des entreprises produisant et/ou vendant largement des plantes invasives. » La FNPHP préférait « inciter à rechercher des variétés stériles qui pourraient se substituer à des variétés existantes dites envahissantes. » En juin 2012, à la faveur de la réunion du bureau de Val'hor et à l'initiative de la FNPHP, les familles professionnelles ont réfléchi sur une stratégie à adopter vis-à-vis des plantes invasives. L'interprofession prévoit ainsi d'organiser la mobilisation de tous les professionnels de la filière autour d'un plan d'action commun et de saisir son institut technique pour élaborer un guide des bonnes pratiques avec l'appui des experts. Le but ultime étant « d'inscrire les pratiques des entreprises dans la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2014 »... Une réunion de coordination organisée par la FNPHP était programmée début octobre. De son côté, la profession du paysage commence à réfléchir sur la problématique des PEE. Plante & Cité a mené une enquête sur le sujet auprès des collectivités et entreprises du paysage en 2011, puis auprès des producteurs et distributeurs de végétaux en 2012, en partenariat avec la FCBN. En juin 2013, lors d'une journée organisée par l'Unep (Union nationale des entreprises du paysage), l'atelier sur les plantes invasives, animé par le CAUE de Vendée, a offert un tour d'horizon des pratiques à mettre en oeuvre auprès de la clientèle. Un groupe de travail composé de professionnels devait définir la liste des espèces invasives en fonction de leur impact environnemental et de leur poids économique.
6 SYMPOSIUM ET PROJET POUR DES RÉPONSES FIN 2014.
Signe de l'attention croissante qui leur est accordée, les plantes invasives ont fait l'objet d'une session plénière lors de la troisième conférence sur l'entretien des zones non agricoles, qui a lieu cette semaine. Le symposium international « Intractable weeds and invasive plants », qui se tiendra à Montpellier (34) du 18 au 23 mai 2014, permettra de dresser un état des lieux sur les recherches actuelles. Recherches qui devraient d'autant plus porter leurs fruits que la France est l'un des quatre pays partenaires du nouveau projet de l'Union européenne RINSE (« Réduire l'impact des espèces exotiques envahissantes en Europe », www.rinse-europe.eu), avec la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Le projet, qui se déroulera jusqu'à fin 2014, cible plusieurs axes de travail : dresser le bilan de la distribution des EEE actuellement dans la zone de projet et faire des prédictions sur les espèces exotiques qui pourraient s'avérer problématiques à l'avenir ; apporter toute une série de matériel de formation et de communication pour les différents groupes ciblés ; rechercher à contrôler les EEE sur des sites prioritaires, grâce à une série de techniques éprouvées et innovantes ; évaluer les approches les plus efficaces et développer la prise de décision et les outils d'accompagnement pour la gestion des EEE.
Valérie Vidril
(1) Rapport de l'Agence européenne de l'environnement (www.eea.europa.eu/publications/ impacts-of-invasive-alien-species), programme Daisie (www.europe-aliens. org/index.jsp), GIASIPartnership, EASIN, www.scoop.it/t/invasive-alien-plants... (2) www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/ nature/bern/ias/default_FR.asp
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