Login

Redoutables phytophages, les cochenilles opèrent à l'abri...

Les cochenilles constituent des phytophages d'autant plus redoutables qu'une fois installées, il est difficile de s'en débarrasser. Ravageurs des cultures forestières, viticoles, fruitières mais aussi maraîchères et ornementales, ces petits insectes se nourrissent dans les zones « cachées » des plantes où ils provoquent d'importants dégâts.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les cochenilles, comme les pucerons, aleurodes, et psylles, sont des insectes de l'ordre des hémiptères sternorrhynques. Toutes phytophages, elles sont de redoutables ravageurs des cultures forestières, viticoles, fruitières mais aussi maraîchères et ornementales. Ces petits insectes se nourrissent dans les zones « cachées » des plantes. Quand on les détecte, la population est déjà souvent bien installée et les dégâts importants. Pas moins de 7 981 espèces (et sousespèces) sont recensées dans le monde et regroupées dans 21 à 24 familles (13 familles en France, soit 143 genres).

1 DÉGÂTS.

Les dégâts sont causés par le prélèvement de sève par les larves et les femelles, mais peuvent aussi être aggravés par la transmission de pathogènes, de toxines. La croissance de la plante est ralentie voire bloquée. La grande production de miellat (excrément sucré) entraîne le développement d'un complexe de champignons, ou fumagine, qui recouvre la surface des feuilles, empêche et réduit la photosynthèse. Le côté inesthétique de cette fumagine déclasse commercialement les produits. Certaines cochenilles se protègent, elles et surtout leurs oeufs et/ou les jeunes larves, sous des amas de sécrétions, de cires ou de laques, sortes d'armures auxquelles s'ajoutent leurs exuvies larvaires. Tout cela est résistant et imperméabilisé. Ces abris sont efficaces contre toute agression naturelle ou chimique.

2 MORPHOLOGIES.

Le dimorphisme sexuel est très marqué. La reproduction des cochenilles est plutôt bisexuée (cas d'hermaphrodisme chez Icerya par exemple), mais aussi parthénogénétique. Les femelles adultes ont l'allure des larves. La taille des femelles varie entre 0,4 mm et 35 mm. Elles n'ont jamais d'ailes et parfois perdent leurs pattes. Leurs pièces buccales, de type piqueur suceur, sont constituées de stylets fins et souples, très adaptés au percement et à la recherche des vaisseaux conducteurs de sève. Elles s'alimentent selon les groupes soit de sève élaborée, soit de sève brute, soit du contenu du parenchyme foliaire.

Le site internet de l'Inra, HYPPZ, présente une description de différentes cochenilles femelles (www7.inra.fr/ hyppz/ZGLOSS/3g---088.htm). Chez certains genres (Pseudococcus sp.), les oeufs sont recouverts de flocons de cire. Chez d'autres (Orthezia sp., Icerya sp.), les oeufs sont protégés par des parois cireuses formant l'ovisac. Le pou des Hespérides (Coccus hesperidum, Lecaniidae) ou la cochenille noire de l'olivier (Saissetia oleae) ont une carapace constituée de couches de laque. Tandis que chez Lepidosaphes sp. (Diaspididae), le boubouclier est formé des exuvies larvaires. Sauf exception, les mâles ressemblent à de minuscules insectes (plus ou moins 1 mm). Ils vivent de quelques heures à quelques jours et n'ont pas de pièces buccales. On les observe rarement. Ils peuvent être aptères ou ailés - certains n'ont qu'une paire d'ailes membraneuses la deuxième ayant évolué en « balanciers ». Le premier stade larvaire est baladeur. Les jeunes larves ou « crawlers » pourvues de six pattes sont toujours mobiles. Elles vont se disperser sur la plante à la recherche d'une zone propice. Au bout de quelques jours, elles s'y fixent et s'y nourrissent. Les crawlers peuvent être observés avec une loupe d'un grossissement minimum multiplié par cinq, de préférence le matin quand la température basse ralentit leur mobilité. Étant très petites et légères, ces jeunes larves sont facilement emportées par le vent ou par tout autre vecteur vers d'autres végétaux. Ce stade est le mode de dissémination du foyer de cochenilles sur la plante elle-même, mais aussi dans l'exploitation (le transport de plantes infestées est une des causes principales de dispersion des cochenilles à grande distance). Les crawlers ne sont pas encore protégés par des protections de chitine ou cire. C'est le stade propice aux interventions chimiques ou d'auxiliaires.

3 CLASSIFICATION.

La classification se base presque exclusivement sur la morphologie des femelles adultes, mais elle s'appuie de plus en plus sur le séquençage de l'acide désoxyribonucléique (ADN). Elle évolue encore. Les sites www.sel.barc.usda.gov/scalenet/query.htm ou scalenet.info/query apportent de manière exhaustive toutes les informations pour une espèce donnée. Il est conseillé de faire identifier les espèces des cochenilles présentes sur son exploitation En France, sur les 400 espèces recensées, 100 sont considérées nuisibles. Elles se répartissent essentiellement sur trois familles, les Diaspididae (41 espèces), les Coccidae (33 espèces), les Pseudococcidae (24 espèces), et quelques Margarodidae.

4 FAMILLE DES DIASPINES.

Les diaspines, cochenilles à bouclier (« armoured scale » en anglais ou « armored scale » en américain), sont les plus évoluées. Il y a 398 genres (2 429 espèces). En France, 21 espèces sont recensées sur des plantes ornementales sous serre, dont Aspidiotus nerii, Chrysomphalus aonidum, Hemiberlesia lataniae, H. rapax, et Pseudaulacaspis pentagona. Les diaspines présentent un grand dimorphisme sexuel. Les oeufs ou les crawlers sont pondus sous le bouclier. Seuls les crawlers sont mobiles. Tous les autres stades larvaires (mâles et femelles) sont fixes. Les deuxièmes stades larvaires femelles sont apodes et pourvus d'un bouclier. Les femelles adultes abondantes, reconnaissables (coquillage miniature) sont immobiles. Leur bouclier (environ 3 mm) gris, marron au brun foncé, n'adhère pas au reste du corps et peut être enlevé sans l'entraîner (au contraire des coccidés). Les larves mâles (1 à 2 % de la population) sont plus allongées que les femelles. Tous les stades femelles, ainsi que les premiers et deuxièmes stades mâles, peuvent assurer la survie hivernale suivant les espèces. Une à six générations par an se succèdent selon les espèces et les conditions climatiques. Certaines se développent en continu avec un ralentissement en période froide.

5 FAMILLE DES COCCIDAE.

Autrefois dénommées lécanines (terme aujourd'hui rejeté par les scientifiques), il n'existe pas de nom français correspondant au nom en anglais « softscale ». Le tégument des coccidés est constitué de chitine et de sécrétions de cire. Ce groupe est très important (1 129 espèces et sousespèces regroupées en 165 genres). Les coccidés sont souvent polyphages. Parmi les espèces fréquentes, citons Coccus hesperidum (sur Hibiscus, Coffea, Palmae...), Pulvinaria floccifera (sur Euonymus japonicus...), Saissetia coffeae (sur Odontonema stricta...), Saissetia oleae (sur Ficus pandurata...). Les softscales sont abondants sous serre. Elles ont une biologie très variable suivant les espèces. On observe une à deux générations par an dans les régions tempérées. Sous serre, il peut y avoir six générations par an. Les crawlers se déplacent et se fixent à proximité des autres cochenilles composant d'importantes colonies. Contrairement aux diaspines, le deuxième stade larvaire femelle et la femelle adulte sont mobiles. Le deuxième stade larvaire mâle se fixe rapidement. Le tégument de ce stade est caractéristique : à moitié transparent, vitreux, composé d'une série de plaques chitineuses. La larve mâle s'arrime à la plante hôte par des secrétions et se fabrique une « boîte » protectrice où l'insecte se métamorphosera jusqu'à l'émergence des mâles adultes.

Les femelles adultes ont des formes diverses, leur taille varie de 1 à 6 mm. La plupart des espèces sont dénommées cochenilles-tortues (face ventrale aplatie, la face dorsale peu à très convexe). Elles peuvent exceptionnellement se déplacer si elles sont dérangées. Les femelles coccidées n'ont pas à proprement parler de carapace, mais une cuirasse dure et coriace imprégnée de chitine. Les spécialistes anglais utilisent le terme de « test » signifiant « couvrant le corps de cochenille »). Lorsqu'on soulève ce « test », le reste du corps vient avec. Cette astuce permet de faire généralement la distinction entre Coccidae et diaspines. Certaines, dont les pulvinaires (genre Pulvinaria comprenant 140 espèces), ont un ovisac blanc très visible attaché au corps atteignant plusieurs fois la taille du corps de la femelle. D'autres n'ont pas d'ovisac et gardent les oeufs sous leurs corps.

6 FAMILLE DES PSEUDOCOCCIDAE.

Les femelles adultes se caractérisent par une sécrétion farineuse blanche recouvrant tout le corps, d'où le nom « cochenilles farineuses » ('Mealybugs' en anglais). Elles sévissent sur un grand nombre de plantes ornementales cultivées en serre. Elles peuvent coloniser toutes les parties de l'hôte, des racines aux feuilles. C'est une grande famille (environ 2 221 espèces de Pseudococcidae dans 288 genres) avec des biologies très diverses, la seule famille dont quelques espèces s'attaquent aux cultures légumières sous abri (Pseudococcus viburni, Planococcus citri...). La parthénogenèse et la reproduction sexuée sont fréquentes : une ou deux générations par an, mais en cultures protégées, il peut y avoir huit générations. Quelques espèces sont souvent rencontrées sous serre : Planococcus citri, Pseudococcus longispinus, Pseudococcus viburni... Les femelles mesurent de 3 à 7 mm de long. Elles sont souvent de couleur blanche (certaines sont roses, rouges, brunes, voire noires) et de forme ovale. Les oeufs sont généralement pondus dans un ovisac qui peut inclure tout ou partie du corps de la femelle. Elle pond 300 à 600 oeufs disposés dans une masse floconneuse par groupes d'une centaine. Tous les stades de la plupart des pseudococcidés participent à la survie hivernale. Même si la plupart des espèces ont des pattes à tous les stades de développement, la majorité restent immobiles pendant leur vie. Très peu d'espèces sont décrites comme se déplaçant d'une zone à l'autre sur la plante hôte pour passer la mauvaise saison, se nourrir, pondre ou muer.

7 FAMILLE DES MONOPHLEBIDAE.

Souvent appelées cochenilles géantes (« giant mealybugs »), les femelles adultes présentent une grande variété de formes, elliptiques, ovales, rondes, aplaties et allongées. Les Monophlebidae sont de grandes cochenilles, parfois plus de 35 mm, peu sont petites (1,5 mm). La couverture cireuse varie d'une ornementation marquée comme chez Icerya à une simple poudre chez certaines espèces de Llaveia. Dans beaucoup de groupes, le corps est très coloré d'orange ou de rouge avec des marques noires contrastantes, quelques-unes sont jaune pâle, brunes, ou blanches. La plupart des espèces ont des pattes et des antennes noires.

8 LE CONTRÔLE DES COCHENILLES.

Quand les phéromones sexuelles existent (par exemple pour Planococcus citri), la stratégie consiste à piéger les mâles pour prévoir exactement la date d'apparition des crawlers (variable selon les espèces et le lieu) et programmer, au moment le plus opportun, les traitements chimiques ou les lâchers d'auxiliaires. Les auxiliaires prédateurs polyphages sont efficaces dans le contrôle des cochenilles farineuses adultes et des crawlers. Les plus connus sont les chrysopes et les coccinelles dont Cryptolaemus montrouzieri. Des tests de prédation par l'hémérobe Micromus angulatus sur Pseudococcus longispinus donnent des perspectives encourageantes. Le contrôle peut s'effectuer avec l'utilisation de parasitoïdes, mais ces auxiliaires étant spécifiques (par exemple, Leptomastix dactilopii sur Planococcus citri) il est nécessaire d'identifier l'espèce de cochenille avant les lâchers. À noter que les sites Scalenet fournissent des informations sur les auxiliaires répertoriés par les chercheurs pour chaque espèce de cochenilles.

Catherine Çaldumbide, Alter'Nature (alter-nature.123siteweb.fr)

Remerciements à Jean-François Germain, entomologiste, Laboratoire de la santé des végétaux, campus international de Baillarguet, Montferrier-sur-Lez (34), pour sa participation.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement