Creuser le sillon de l'égalité des chances professionnelles

Au fil de ce dossier, quatre femmes témoignent et prouvent qu'il est possible d'avoir de beaux parcours et d'avancer. Elles sont devenues première femme jardinier-paysagiste chez les Compagnons du devoir et responsable d'un Institut des métiers de la nature, du jardin & du paysage ; ingénieur à la direction de l'environnement urbain d'une ville ; directrice d'une Maison familiale rurale, engagée dans plusieurs structures professionnelles ; directrice d'une station d'expérimentation. Chacune a adapté ses façons d'être et de faire au contexte spécifique auquel elle était confrontée. Tact, persévérance et confiance en soi ont été nécessaires. Interrogée par La France agricole, le 6 avril 2012, sur les nouvelles complémentarités entre personnes travaillant sur une exploitation agricole, la sociologue Alice Barthez, affirmait : « Sortons de la plainte. Avoir un statut, c'est nécessaire, mais cela ne résout pas tout. Il y a autre chose à l'intérieur de soi qui empêche d'exister, un ennemi intérieur qui dit “je ne vais pas y arriver, je ne suis pas capable”. C'est sans doute ce qu'il faut travailler. En quelque sorte, il s'agit d'oser briser le mythique “plafond de verre”. »

Femmes et mixité : deux priorités en formation

Pour faire avancer l'égalité des chances, la reconnaissance des droits ou le développement d'emplois pérennes, non subalternes et non précaires font partie des actions en cours. L'accès au foncier et aux capitaux lors de l'installation de femmes et l'égalité des salaires doivent encore évoluer. Mais la formation continue reste le fer de lance des démarches entreprises ces deux dernières années, notamment par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), Vivea (Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant) et le Fafsea (Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles et activités annexes). Jusqu'à présent, une offre spéciale ciblait les femmes. À la suite d'une étude conduite en 2010, Vivea a créé une mission nationale sur l'accès des femmes à la formation continue et a engagé un plan d'action national 2011-2012. Prioritaires, elles doivent être davantage intégrées aux sessions existantes pour mieux mixer les publics autour des compétences dont ils ont besoin. Vivea a aussi mis en place un baromètre de l'égalité pour comparer l'évolution de la situation entre les femmes et les hommes parmi ses contributeurs, et la FNSEA réalise des enquêtes tous les trois ans.

Le baromètre Vivea 2011 a permis de mettre en avant plusieurs signaux d'inégalité :

- les femmes représentent un potentiel de 30 % mais seulement 19 % des bénéficiaires de formation (8,6 % pour l'année 2009), et 21 % des heures « stagiaire » ;

- leur taux d'accès à la formation (13 %) est inférieur de 12 points à celui de leurs homologues masculins. Parmi les freins identifiés : la non-reconnaissance de leur travail et de leur PAROLE D'EXPERT compétences, la peur des sujets trop techniques, les difficultés liées à la gestion des plannings. En agriculture, elles restent moins représentées dans les emplois de technicien et de cadre.

Le club RH du Fafsea Pays de la Loire a consacré en septembre 2012 une rencontre sur l'égalité professionnelle hommes-femmes, et l'Aract a proposé aux adhérents du Fafsea un accompagnement gratuit, via un dispositif « Tempo », car le sujet croise d'autres problématiques plus globales comme la pénibilité du travail et diverses obligations réglementaires.

Pour le Cneap (Conseil national de l'enseignement agricole privé), les actions doivent débuter très tôt. Il s'est donc investi dans une campagne d'information pour sensibiliser les jeunes au respect mutuel et à la mixité dès la classe de quatrième. Il s'engage aussi à ne pas opérer de distinction dans les démarches d'orientation.

Le ministère de l'Agriculture a organisé, le 14 décembre dernier, un colloque sur l'enseignement agricole. Son réseau national et ses quarante- six chargés régionaux devront amplifier leurs missions pour l'égalité des chances dans les différentes filières.

Les matériels à la rescousse

Les évolutions pourraient se prolonger grâce aux fabricants et aux fournisseurs. Le développement du machinisme et des équipements prend mieux en compte l'ergonomie et la sécurité, et la situation de l'emploi reste tendue du côté des mécaniciens agricoles dans toutes les filières. En avril 2012, une convention a été signée entre Vivea, le réseau Trame, la FNGEDA (Fédération nationale des groupes d'études et de développement agricole), et l'Ancema (Association nationale des cercles d'échanges et de machines agricoles) pour renforcer l'égalité d'accès hommes-femmes à la formation.

Constatant que le métier de tractoriste manque de bras, le CFPPA (Centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de Gironde à Bordeaux-Blanquefort, le Fafsea, et l'Arefa (Association régionale pour l'emploi et la formation en agriculture) Aquitaine ont mis en place, avec plusieurs domaines viticoles, une formation expérimentale de 40 heures, ouverte aux femmes, sur le principe d'un tracteur-école. « Pourquoi ne pas valoriser les apports spécifiques des agricultrices, leur redoutable créativité, leur vision de l'ergonomie... Leurs remarques sur la maniabilité des tracteurs profiteront à leurs collègues masculins, qui peuvent, eux aussi, avoir mal au dos », soulignait d'ailleurs Alice Barthez. À l'avenir, hommes et femmes devront peut-être apprendre à travailler plus intelligemment ensemble sur les tâches réputées « masculines ».

Odile Maillard

Pour en savoir plus : - Guide des femmes en agriculture (gratuit) : contact FDSEA 82, tél. : 05 63 66 84 12. - Histoire des femmes en campagnes, l'agriculture au féminin, ouvrage paru en octobre 2012. Collection FNSEA. - blogfnsea.blogspot.fr/