Tourbes : des substrats « allégés » qui pourraient peser lourd
La tourbe fait l'unanimité sur ses qualités horticoles tout en soulevant la controverse sur son impact environnemental. Au final, pour la production, la pression sociétale et politique suffit seule à s'interroger sur l'opportunité de diminuer sa proportion dans les substrats.
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Parmi les professionnels de l'horticulture, les avis sont unanimes : rien ne vaut la tourbe dans un substrat pour gérer au mieux sa production. Ses propriétés physico-chimiques permettent une conduite technique souple en matière de fertilisation et d'irrigation. Si la stabilité biologique (elle ne fermente pas), l'absence de phytotoxicité, un pH acide et une CEC (capacité d'échange cationique) facilitant son emploi sont des propriétés qu'il est possible de retrouver assez facilement dans d'autres matières premières, rares sont celles offrant une aussi bonne disponibilité en eau. Il n'existe toutefois pas une tourbe, mais différentes tourbes dont les propriétés spécifiques dépendent de leur origine (tourbière à sphaigne, à carex...), âge ou granulométrie (elle-même dépendant de la méthode d'extraction, du criblage du produit). La tourbe blonde de sphaigne irlandaise 20-45 mm offre ainsi une bonne aération ; la tourbe noire, peu aérée, retient plus l'eau et s'incorpore afin d'adapter le terreau à la fréquence d'arrosage...
Ne pas compter que sur la tourbe
Pourquoi songer à remplacer ce matériau presque parfait aux gisements importants ? D'abord parce que son emploi semble difficilement conciliable avec l'image « verte » que souhaitent valoriser nombre de producteurs auprès des consommateurs. L'évocation de tourbières exploitées, dont l'échelle de renouvellement est de l'ordre de milliers d'années, peut faire tache dans le CV de la profession, et ce quels que soient les arguments avancés pour défendre la tourbe : un usage horticole inférieur à l'usage énergétique (chauffage, électricité), des actions de réhabilitation des tourbières, leur gestion raisonnée, d'énormes volumes disponibles... Après la limitation des produits phytopharmaceutiques, le recyclage des déchets ou les économies d'eau, l'emploi limité de tourbe pourrait donc être le prochain combat à mener à l'heure des bilans carbone et du réchauffement climatique. Si la polémique n'est pas encore réellement engagée en France, les débats sont largement entamés au Royaume-Uni, en Suisse ou en Allemagne.
Faut-il se contenter d'attendre ? Sans vouloir totalement remplacer la tourbe - ce qui serait une erreur aux dires des fabricants -, le producteur peut la substituer en partie (jusqu'à 60 à 70 % selon les usages), pour répondre aux préoccupations environnementales, justifiées ou non, et surtout pour anticiper une future pression sociétale et politique. Il s'offre ainsi un temps d'avance pour réaliser avec son fournisseur des essais sur son exploitation et formuler un produit compatible avec ses conditions de culture (espèce, irrigation, fertilisation...), voire pour ajuster sa conduite aux contraintes de son nouveau substrat. Un temps d'avance également pour trouver un moyen de valoriser sa démarche de substitution...
Trouver la recette idéale
Les matériaux susceptibles de remplacer, tout au moins en partie, la tourbe sont plus ou moins locaux, plus ou moins controversés également. C'est le cas du coco (ou « coir »), sous-produit de l'industrie certes, mais qu'il faut importer d'Asie. Ces substituts peuvent permettre de fabriquer un substrat à la carte, voire meilleur que celui composé uniquement de tourbe, en associant leurs propriétés : mouillabilité du coco, légèreté de la fibre de bois... Côté fabricants, ils permettent de sécuriser les approvisionnements. Le prix de la tourbe, de plus en plus utilisée pour produire de l'énergie, augmente. L'exploitation des tourbières est soumise aux aléas climatiques. Les précipitations supérieures à la moyenne sur toute l'Europe, au cours de l'été 2012 et en début d'automne, ont ainsi eu un impact sur les opérations de récolte de tourbe. Les autres matières premières ne sont pas à l'abri, comme l'atteste la crise d'approvisionnement en écorce de pin des Landes en 2008-2009. Il y a quelques années, c'était le coco qui avait rencontré des difficultés d'approvisionnement à cause de la mousson. La multiplicité des sources limite ainsi les risques de pénurie. Les fabricants travaillent donc sur des mélanges propres à satisfaire les exigences qualité-prix de la production. En parallèle, les recherches ne portent plus seulement sur les caractéristiques C'est le cas du coco (ou « coir »), sous-produit del'industrie certes, mais qu'il faut importer d'Asie.Ces substituts peuvent permettre de fabriquerun substrat à la carte, voire meilleur que celuicomposé uniquement de tourbe, en associant leurs propriétés : mouillabilité du coco, légèreté de la fibre de bois... Côté fabricants, ils permettent de sécuriser les approvisionnements. Le prix de la tourbe, de plus en plus utilisée pour produire de l'énergie, augmente. L'exploitation des tourbières est soumise aux aléas climatiques. Les précipitations supérieures à la moyenne sur toute l'Europe, au cours de l'été 2012 et en début d'automne, ont ainsi eu un impact sur les opérations de récolte de tourbe. Les autres matières premières ne sont pas à l'abri, comme l'atteste la crise d'approvisionnement en écorce de pin des Landes en 2008-2009. Il y a quelques années, c'était le coco qui avait rencontré des difficultés d'approvisionnement à cause de la mousson. La multiplicité des sources limite ainsi les risques de pénurie.
Les fabricants travaillent donc sur des mélanges propres à satisfaire les exigences qualité-prix de la production. En parallèle, les recherches ne portent plus seulement sur les caractéristiquesphysico-chimiques des substrats à l'instant T. Elles évoluent vers l'étude des interactions entre ses composants (matières premières, microorganismes, engrais...) et le système racinaire, ainsi que la dynamique de l'ensemble tout au long de l'itinéraire cultural (voir l'encadré).
Nouvelle façon de produire, nouveau produit, nouvelle consommation
L'utilisation de substituts à la tourbe oblige le producteur à adapter sa conduite culturale. Elle devient moins sécurisante, au même titre que l'introduction de la protection biologique intégrée, des engrais organiques ou des mycorhizes. Avec l'expérience, le surcroît de charge occasionné peut diminuer. Reste qu'une communication sera forcément nécessaire pour valoriser ces pratiques et pour rassurer le consommateur. Le produit final n'aura peut-être pas l'aspect éclatant auquel il est habitué, mais ne serait-il pas prêt à l'accepter si on lui garantissait la reprise et l'épanouissement chez lui ?
DOSSIER RÉALISÉ PAR VALÉRIE VIDRIL
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