Oser rendre le végétal omniprésent dans les aménagements paysagers
La présence du végétal dans les espaces verts n'est pas toujours une évidence ! La tendance est toutefois à l'amélioration et certains jardins en sont la preuve. Actuellement en cours le chantier de l'avenue du Château-du-Loir, à Courbevoie, montre que les plantes peuvent prendre place dans les moindres espaces disponibles... pour peu que la volonté soit au rendez-vous.
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L'aménagement du square et de l'avenue du Château-du-Loir, à Courbevoie (92), est né d'un concours de circonstance. Le lieu est longé par la voie SNCF qui relie Paris à La Défense et à Versailles. Les rails surplombent le site, et le talus qui sépare la voie de la ville n'a pas été entretenu pendant de nombreuses années. Or, à la fin des années 2000, une volonté semble émerger pour faire de ce talus en friche un espace entretenu. La SNCF passe une convention avec le conseil régional d'Île-de-France et une association d'insertion par l'écologie, Espaces, pour convenir d'un programme d'entretien qui serait assuré par du personnel en insertion. « Cela s'est passé à l'époque du Grenelle de l'environnement », se souvient Jacques Macret, directeur du service des espaces verts de Courbevoie. « On commençait à prendre conscience de l'importance de mailler les espaces verts et la nature, de créer des trames vertes et bleues. Les notions de démarches solidaires et d'insertion montaient également en flèche. Un comité de suivi du site a été créé, auquel j'ai été associé. J'ai voulu que cet espace concilie l'ensemble de ces notions issues du Grenelle. » Cela tombe d'autant mieux qu'un collège sort de terre en contrebas de la voie de chemin de fer. Cette construction impose la requalification de l'avenue qui doit desservir l'établissement scolaire pour en faire un axe de circulation laissant la part belle aux plantes. Un appel d'offres est lancé auprès des concepteurs, et c'est le cabinet rb & Cie qui est retenu comme mandataire. Ce dernier doit travailler avec les cabinets Sol Paysage et Techni-Cité, chargés respectivement de l'analyse des sols en place et de la réalisation des mélanges terre-pierre et de la mise en place des réseaux de voirie.
La première tranche de travaux sera terminée en 2011, date à laquelle le collège sera opérationnel. Il s'agit de la mise en oeuvre de l'avenue du Château-du-Loir. Sur une surface totale de 4 000 m2 longeant le collège, une allée carrossable est réalisée en pavés posés sur un mélange terre-pierre et une couche drainante, à joints larges de 2 cm. Le mélange donne de la stabilité au substrat pour éviter que les pavés bougent. Les joints larges permettent d'accueillir une flore diversifiée et font de cet axe (qui n'est emprunté que par le personnel de l'établissement scolaire, les véhicules de livraison et éventuellement de secours) une zone qui reste perméable plutôt que de devenir une sempiternelle surface bitumée. Entre cette avenue et le talus de la voie ferrée, une noue plantée recueille l'ensemble des eaux de pluie et leur permet de s'infiltrer localement.
Des formations pour mieux gérer les arbustes
« Depuis que la gestion différenciée a été mise en place sur le talus de la SNCF, l'association Espaces recense la flore et la faune présentes », précise Jacques Macret. « Le projet de plantation a été élaboré sur la déclinaison d'espèces allant du type à des variétés plus horticoles, au fur et à mesure que l'on se dirige vers l'intérieur du square. Concernant les arbustes, afin de conserver leur port naturel, une taille raisonnée sera mise en place. Elle fait suite à une formation reçue par le service des espaces verts pour l'ensemble de ses responsables de secteur et les membres de l'encadrement. À l'occasion du chantier, cette pratique est également demandée à l'entreprise titulaire du marché de plantation. En fin d'année, un stage sera suivi par les représentants de cette société et l'équipe de maîtrise d'oeuvre dans l'objectif d'acquérir les compétences nécessaires à la période de parachèvement et de confortement. »
La seconde partie du chantier, sur 6 000 m2, est actuellement en cours. Son contenu a été déterminé en concertation avec les habitants (un comité de pilotage présidé par le maire de Courbevoie et où les habitants étaient représentés a piloté les travaux). « Il a fallu faire des choix », nuance cependant Jacques Macret. « Les attentes exprimées étaient nombreuses. Nous avons montré aux gens que faire une mare, c'était possible, mais qu'il fallait qu'elle soit suffisamment grande pour qu'une vie s'y développe. » Un labyrinthe, des zones de jardins partagées vont également voir le jour. « Les gens avaient peur que les élus modifient le fruit de leur concertation. Mais au final, le comité de pilotage a validé leur proposition. Pour rendre hommage à la qualité de ce travail en commun, un gros chêne sera planté : il fera office d'arbre à palabres. Une partie de la zone est occupée par une dalle en béton, vestige d'un ancien bâtiment appartenant à un traiteur, mais qui a brûlé. Il était difficile de l'évacuer totalement, mais elle sera percée dans certaines zones pour planter des poches de végétaux : ce sera le jardin des reconquêtes.
Un petit espace très vert pour une ville très dense
Pour l'instant, le square est en travaux. Il a été délimité par une palissade de planches, qui ont été décorées par des jeunes de la ville ou des communes limitrophes. « Toujours dans notre volonté de démarche participative, nous avons fait appel à une centaine de filles et de garçons pour la décoration des palissages. Ils sont ensuite allés voir un concert à Bercy. Cette opération a été réalisée en partenariat avec le groupe Orange dans le cadre de leur programme Rockcorps “Tu donnes, tu reçois” », poursuit Jacques Macret. Lorsque le chantier sera terminé, le site offrira un cadre très végétal sur une échelle certes petite, 1 hectare en tout, mais non négligeable dans une ville comme Courbevoie. Cette agglomération se situe à moins de 10 km de Paris et accueille 88 000 habitants sur 416 ha, soit un environnement urbain très dense où toute poche de verdure est la bienvenue. « Le plus grand parc de la ville ne mesure que 3,5 ha », précise Jacques Macret. « La tendance est donc à planter partout où c'est possible pour intensifier la présence de la nature en ville. Nous essayons de faire déborder les squares sur la rue quand nous les réaménageons, en faisant venir les espaces plantés le plus loin possible vers le trottoir. »
Une redéfinition des rôles au sein des services techniques
Le chantier du Château-du-Loir présente aussi une autre caractéristique technique intéressante : il n'aura fait l'objet d'aucune évacuation de déblais. Les terres en place ont été analysées par l'entreprise Sol Paysage et là où le besoin s'en faisait sentir, elles ont été enrichies en compost de déchets verts. Mais ce que Jacques Macret retient surtout, c'est que ce type de réalisation, qui traduit une tendance forte du moment en termes d'aménagement, – à savoir verdir la voirie et faire entrer les végétaux le plus loin possible dans l'espace urbain –, remet en cause la répartition des tâches entre les services des espaces verts et les services de la voirie. « L'épisode de neige de janvier l'a bien montré : si l'avenue du Château-du-Loir, avec ses pavés jointés de végétaux, est salée, rien ne va repousser au printemps prochain », explique Jacques Macret. « De la même manière, dans les squares nouvellement réaménagés, lorsque nous orientons les eaux pluviales des trottoirs vers des noues paysagères, la moindre pollution risque de détruire tout ce qui s'y trouve. Auparavant, nous entretenions les trottoirs situés devant les parcs et les jardins, mais nous devons être de plus en plus attentifs pour éviter que le salage des axes de circulation ne s'effectue trop près des plants. Le zonage des interventions de chacun doit être totalement repensé. » D'ailleurs, les services de la voirie préfèrent ne pas avoir à trop intervenir sur ces espaces qui mixent les revêtements en dur à entretenir et les zones vertes. Ils s'en remettent volontiers aux espaces verts, qui sont les maîtres d'ouvrage de ces aménagements nouveaux. « Quelque part, c'est un peu comme si on disait que l'on ne désherbe plus parce que l'on ne met plus de produits chimiques », estime Jacques Macret. Mais « introduire le végétal en ville est encore souvent un acte militant. Loin de générer des querelles de clocher entre les différents intervenants, cette démarche induit une nouvelle lecture partagée de l'espace public et une nouvelle gestion au service de la planète et de sa population », conclut-il.
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