Espoirs au premier trimestre, déception depuis Pâques
La saison de printemps 2014 a fait naître des espérances vite ternies par la morosité persistante, climatique mais aussi (surtout ?) économique. Certains produits et réseaux de commercialisation tirent cependant leur épingle du jeu...
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Le marché du jardin a commencé l'année par un premier trimestre en fanfare, affichant parfois des croissances au-delà de 10 % récupérant ainsi une partie de la valeur dégradée de 2013. Les ventes des trois premiers mois de l'année, soutenues par une météo très clémente, ont conforté des chiffres d'affaires qui en avaient besoin et ont redonné l'espoir aux différents acteurs de la filière. Le printemps s'annonçait bien. Malheureusement, la dynamique s'est cassée à cause du retournement météorologique défavorable à compter du week-end de Pâques. Depuis cette date, le temps toujours maussade a remis en évidence les effets structurels de la dégradation économique. On avait un peu trop imputé la baisse de la consommation des végétaux d'ornement aux seules conditions météorologiques particulièrement défavorables de l'année 2013, occultant en partie les réelles conséquences des difficultés économiques structurelles sur le pouvoir d'achat et les arbitrages des ménages. De plus, l'hiver doux n'ayant pas opéré un nettoyage naturel, la végétation ornementale n'a pas vraiment souffert et, animés par des chaleurs précoces, beaucoup de végétaux d'ornement ont très tôt repris de la vigueur, - peu de géraniums par exemple ont été détruits - minimisant de ce fait les intentions d'achat des consommateurs.
Des journées évènementielles peu marquées
Saint-Valentin, fête des grands-mères, 1er mai, fête des mères : ces périodes traditionnellement porteuses pour les ventes de fleurs et plantes n'ont pas vraiment fait ressortir ces rendez-vous classiques comme des périodes de très forte activité, ni en termes de prix, ni de volumes. Si les objectifs pour la Saint-Valentin et la fête des grands-mères ont été péniblement atteints, il n'en va pas de même pour le 1er mai, car le muguet qui accompagne les ventes d'autres végétaux avait quinze jours d'avance et cet événement ne semble plus susciter l'enthousiasme des clients. La fête des mères s'est bien déroulée dans ce contexte de consommation tendu. Le panier moyen n'a pas augmenté mais les fleuristes ont confirmé une fréquentation un peu supérieure à celle de 2013. L'intérêt des consommateurs s'est porté sur des compositions de fleurs coupées au détriment des bouquets monoproduits. Les compositions de plantes ont été prisées dans la mesure d'un prix raisonnable et les plantes montrant une différence affirmée ont été très appréciées, comme les rosiers à parfum, les hortensias Harlequin ou à fleurs striées.
Disparité selon la taille des entreprises et les régions
La disparité entre les différentes catégories d'entreprises de production et de distribution se renforce. Les producteurs vendant au détail font jusqu'à ce jour une bien meilleure saison que l'année précédente. Les ventes ont été très soutenues jusqu'au 20 avril et un peu plus en dents de scie depuis ; la grosse période de vente se situant de fin mai à fin juin, tout est encore possible. La flexibilité et l'adaptabilité de ces petites structures ont été reconnues par les consommateurs locaux, et ce sont surtout les petites entreprises dynamiques, communicantes, imaginatives, orientées vers le service et l'accompagnement des clients qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu. Les producteurs vendant une partie de leurs cultures au détail en sont satisfaits, ils ont eu, par contre, beaucoup plus de difficultés avec la partie de leurs cultures destinées à la vente en gros. Ce sont les pépiniéristes et les producteurs des gammes classiques de printemps qui ont été les plus touchés. Pour les producteurs vendant en gros, la saison est considérée comme mauvaise à très mauvaise. Leurs clients distributeurs et principalement ceux de grande distribution ont commencé très tôt avec des promotions. Et au moment du plus fort de la production, le retournement des conditions météorologiques a provoqué l'engorgement de tout le circuit long. Cet engorgement a surtout été ressenti en grande région parisienne où les ponts du mois de mai ont encouragé le départ des consommateurs déjà limités dans leurs moyens financiers. Les acteurs de la moitié sud de la France, moins touchée par le temps maussade et les transhumances de fin de semaine, semblent mieux résister.
Les performances sont aussi contrastées selon les circuits de distribution. Les circuits ayant su exploiter les tendances de fond porteuses (développement de la sensibilité environnementale, attention croissante des Français à leur jardin considéré comme une pièce de vie sur laquelle ils investissent, utilisation des ressources d'internet et des réseaux sociaux) affichent une croissance supérieure à la moyenne. C'est notamment le cas d'enseignes de jardineries et Lisas qui, tout en travaillant correctement leur renommée végétale, développent des segments connexes et se renforcent dans les loisirs verts, des GSB (grandes surfaces de bricolage) qui se positionnent comme des multi-spécialistes de l'habitat et de la décoration. Les autres circuits enregistrent une croissance inférieure à la moyenne. Les GSA (grandes surfaces alimentaires) stagnent, pénalisées par une approche essentiellement basée sur les prix, une offre étroite et un déficit dans la mise en valeur de l'offre, le conseil et le service. Les grossistes doivent, pour leur part, gérer l'atomisation des commandes : le nombre de références par roll CC augmente aussi vite que la demande de fractionnement des livraisons.
Effet dévastateur des actions spéciales et promotions
Les actions spéciales programmées et promotions des GSA, GSB et de plus en plus d'enseignes de jardineries ont des conséquences négatives sur l'ensemble de la filière. Principalement sur les marges des producteurs qui supportent la plus grosse partie de l'effort. Plus graves à plus long terme, ces actions spéciales généralisées détériorent le niveau des prix psychologiques qui s'installe dans l'esprit des consommateurs pour le végétal d'ornement et jouent en définitive au détriment de la qualité. Alors que, dans un passé récent, ces promotions avaient pour but de créer un événement spécial ou de relancer les ventes après la saison, elles sont maintenant installées en permanence dans l'ensemble du paysage commercial au plus fort de la saison et à la veille des principales périodes de vente. Elles deviennent le principal argument pour attirer les clients, occultant même les autres aspects différenciants.
En fait, les promotions et actions spéciales baissent le prix de référence, provoquent une habitude d'attente du dernier moment chez le consommateur, diminuent l'intérêt des actions de fidélisation générant des effets de zapping, brouillent l'image raisonnée de la saisonnalité et entraînent des périodes de faibles ventes post-promotionnelles. Les consommateurs opportunistes et financièrement tendus profitent pour le moment des « aubaines ». Malheureusement, le tissu économique de la production et de la distribution se détériore d'année en année.
Pour la première fois, en 2014, on a remarqué des actions « deux chariots pour le prix d'un » mises en avant par une production un peu engorgée, et beaucoup d'enseignes proposent sur les produits basiques deux plantes pour le prix d'une. Est-ce bien raisonnable ?
L'évolution des produits
L'hiver peu rigoureux a surtout porté préjudice aux ventes de produits basiques. Bien que leurs prix soient déjà très tirés, les géraniums et les plantes à massif classiques en godet n'ont pas eu les faveurs des consommateurs. Les plantes à massif de diversification et les plantes vivaces fleuries, généralement issues de bouturage ont un peu mieux tiré leur épingle du jeu, pour peu que les contenants aient été distinctifs, par la forme, la couleur ou la matière. Les dipladénias qui s'étaient imposés sur le marché ces dernières années, se dévalorisent en raison de la trop grande quantité de produits de qualité moyenne. En ce qui concerne les plantes en coupe et en composition (pot, coupe, jardinière), le seuil de prix acceptable est en baisse, mais ce genre de produit prend progressivement en volume la place des assortiments basiques délaissés. Les potées mixtes, par exemple, ont rencontré leur public. Les plantes en pot destinées à l'intérieur comme à l'extérieur, telles que les hortensias, les campanules, les Zantedeschia, gardent leur place à condition que l'originalité variétale et la différenciation par les contenants soient bien mises en valeur sur les points de vente. Les plantes méditerranéennes, principalement en provenance d'Italie et d'Espagne, gardent leur part de marché au détriment du prix moyen. La part des plantes à caractère exotique (orchidées, Anthurium, broméliacées...) reste stable mais les exigences de « plus-value contenant » sont généralisées et la qualité se devait de monter d'un cran. Seule vraie progression, les plants de légumes et potées aromatiques, bien que les prix ne soient pas à la hausse comparativement à 2013, ce type de produit garde les faveurs des consommateurs.
Le mois de juin et la première quinzaine de juillet permettront peut-être de faire basculer la saison du côté positif, mais d'ores-et-déjà, il est certain que la marge dégagée au cours de la première partie de saison ne sera pas conforme aux espoirs et aux attentes des professionnels.
Brand Wagenaar
ClimatL'hiver doux n'a pas nettoyé les jardins, comme le montraient de nombreux balcons parisiens fin mai.
CircuitLes ventes en gros enregistrent une mauvaise saison. Celles au détail tirent mieux leur épingle du jeu.
ProduitLes plants de légumes continuent à tirer leur épingle du jeu. Les prix sont cependant stagnants...
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