Login

Mildiou de l'impatiens : les professionnels doivent faire preuve de patience

La riche floraison d'Impatiens walleriana est menacée par le mildiou, causé par l'oomycète Plasmopara obducens, un organisme aquatique classé parmi les algues.PHOTO : ODILE MAILLARD

Confrontés aux ravages causés par le mildiou de l'impatiens, les producteurs et les gestionnaires d'espaces verts doivent limiter leurs plantations en attendant mieux... Et en espérant que le travail des obtenteurs et des chercheurs débouche sur de nouvelles solutions comme l'arrivée sur le marché de cultivars résistants ou une protection phytosanitaire efficace.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Des feuilles qui jaunissent, dont les bords s'enroulent, recouvertes d'un duvet blanc grisâtre sur leur face inférieure pour finalement chuter et ne laisser qu'un bouquet de tiges dégarnies, des plantes rabougries avec de rares boutons floraux : le mildiou de l'impatiens peut être vu comme une malédiction pour quiconque se risque encore à planter Impatiens walleriana. Les plantes infectées périssent en seulement quelques jours. Ce peut aussi être une opportunité de renouveler la gamme, de faire découvrir d'autres plantes ou, pour les obtenteurs, de travailler et de proposer de nouveaux cultivars résistants.

1 UN FLÉAU MONDIAL PROVOQUANT DE MULTIPLES DÉGÂTS.

Le mildiou de l'impatiens fait régulièrement parler de lui depuis une dizaine d'années en Europe et en Amérique du Nord ; dernièrement, il a été détecté au Japon et à Taiwan, et il est présent en Amérique centrale, en Inde, en Chine, en Corée, en Australie, en Afrique du Sud... Outre-Atlantique, il a causé des pertes économiques considérables en production et dans les aménagements paysagers. À tel point que le Syndicat des producteurs en serre du Québec considérait très risquées la production et la plantation de l'impatiens pour la saison 2014 ; et qu'en 2013, l'USDA-Aphis (United States Department of Agriculture-Animal and Plant Health Inspection Service) a alloué plus d'un million de dollars des fonds du Farm Bill pour développer la recherche sur deux maladies : le dépérissement du buis et le mildiou de l'impatiens.

2 À LA FAVEUR DE CONDITIONS DOUCES ET HUMIDES.

Le mildiou de l'impatiens, causé par l'oomycète Plasmopara obducens (ce n'est pas un champignon, mais un organisme aquatique classé parmi les algues), touche spécifiquement l'Impatiens, surtout I. walleriana, I. balsamina et les espèces sauvages. Aucun cas de transmission de ce pathogène via la semence n'a été rapporté. Les impatiens de Nouvelle-Guinée (Impatiens hawkeri) et leurs hybrides s'avèrent tolérantes à la maladie, mais le risque existe et des symptômes ont pu être observés. La maladie se propage rapidement (reproduction et réinfection en cinq à quatorze jours), favorisée par des températures comprises entre 15 et 22 °C et des conditions humides. De ce fait, une culture précoce, dans des petits pots, une irrigation par aspersion, une plantation en conditions pluvieuses sont également propices à l'apparition du mildiou. Les spores sont dispersées par les projections d'eau, mais aussi par le vent, sur des centaines de kilomètres. Les traitements curatifs sont peu efficaces. Préventifs, ils peuvent éviter l'infection ou retarder l'expression de la maladie de quelques semaines, celle-ci apparaissant alors en espaces verts ou chez le particulier, contaminant durablement le sol, la confiance du client et l'image du producteur. « Durablement » car le mildiou possède une structure de survie (oospores) et est capable d'infecter des impatiens saines plantées au même endroit plusieurs années après la première attaque.

3 TRAITEMENTS CHIMIQUES : DES ESSAIS EN COURS.

Le mildiou mutant facilement, les programmes de traitement nécessitent de pouvoir alterner des molécules de différentes familles. Au Royaume-Uni, où la maladie a explosé en 2011, des souches résistantes au métalaxyl-M (méfénoxam) utilisé seul sont apparues. Selon le Fera (Food & Environment Research Agency), ces souches n'ont pas été détectées en 2012, grâce aux actions menées pour réduire le risque d'infection (plants issus de semis, traitements fongicides, mesures prophylactiques).

En France, des essais sont en cours. Les spécialités commerciales homologuées (voir e-phy.agriculture.gouv. fr, usages « Cultures florales diverses - traitement des parties aériennes - mildiou » et « Toutes espèces florales - maladies diverses ») sont à base de chlorothalonil et métalaxyl-M, d'azoxystrobine, de cyazofamid, ou de mancozèbe et métalaxyl-M. Le SRAL (Service régional de l'alimentation, chargé de la protection des végétaux) et la Fredon d'Île-de-France, à Faremoutiers (77), ont commencé des essais en 2012, en testant Folio Gold à base de chlorothalonil (action de contact) et de méfénoxam (action systémique). Les trois applications réalisées à la fin du mois de juillet au moment de la plantation, puis mi-août et début septembre ont assuré un bon contrôle (dose de 0,2 l/hl). Les stations d'expérimentation Astredhor (notamment Seine-Manche et Loire-Bretagne) ont également entrepris des essais en 2012-2013 (ils se poursuivent en 2014) : sur différentes variétés d'Impatiens walleriana, avec des applications en production ou en production puis en massif, et avec des produits chimiques seuls, des phytostimulants seuls, ou des alternances de produits. Sur une variété moins sensible, un phytostimulant peut légèrement retarder la maladie. Un traitement en production seul ne suffit pas à empêcher l'expression de la maladie après plantation. Les produits associant différents modes d'action semblent offrir une meilleure efficacité. Une fois le délai de rémanence passé, la maladie s'exprime.

4 EN PRODUCTION : DÉPISTAGE ET PRÉVENTION.

Il est conseillé de séparer les impatiens issues de semis de celles issues de bouture, plus susceptibles d'être contaminées. La surveillance régulière, dès la réception des jeunes plants, est essentielle pour assurer une lutte efficace en identifiant rapidement les symptômes. En cas de doute, il est possible de faire diagnostiquer ses plants par un laboratoire (*). Les experts du réseau d'avertissements phytosanitaires du Mapaq (ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec) proposent un test pour détecter des infections latentes ou non visibles : prendre trois à quatre feuilles, les laver, les éponger, les déposer dans un sac en plastique transparent, le gonfler pour le saturer d'humidité, le fermer hermétiquement et le laisser à température ambiante loin de la lumière directe, puis surveiller l'échantillon tous les jours. En cas de maladie, une poudre blanche sous la feuille devrait être visible après un à trois jours. Les plantes infectées - et leurs voisines - doivent être jetées dans un sac en veillant à ne pas disperser les spores du mildiou. Traiter préventivement et régulièrement (trois à quatre applications) l'ensemble de la culture avec un produit homologué (veiller à bien atteindre le dessous des feuilles), et surveiller l'apparition de nouveaux foyers jour après jour. Contrôler l'humidité par ventilation-chauffage ou à l'aide d'un déshumidificateur (humidité relative inférieure à 85 %), notamment au coucher du soleil, irriguer le matin (de préférence par goutte-à-goutte ou subirrigation), espacer les plantes, nettoyer et désinfecter les surfaces de culture. Sur les massifs, des traitements préventifs permettront de retarder l'apparition de la maladie.

5 CULTURES ALTERNATIVES : EN ATTENDANT MIEUX.

Le choix de cultures alternatives à l'impatiens reste encore aujourd'hui la meilleure solution pour éviter les pertes en production. Mais difficile de remplacer la plante par excellence des situations ombragées et humides ! Les propositions (sources : obtenteurs, bulletins conseils...) sont le bégonia, l'impatiens de Nouvelle-Guinée, Torenia, Lobelia, Browallia, Tiarella... parmi les plantes fleuries, ou encore Coleus, Dichondra, Hypoestes, Plectranthus... parmi les plantes à feuillage.

La profession (producteurs, espaces verts) s'organise, mais qu'en est-il de la demande des consommateurs ? Sans information sur la maladie et son développement, les clients peuvent ne pas comprendre l'absence de leur plante dans les rayons, ou pire, se plaindre auprès de leur détaillant après avoir vu dépérir leur massif. Aux États-Unis, la Michigan State University (MSU) a développé en 2013 le site internet Alternatives to Impatiens. Ce site (flor.hrt.msu.edu/IDM/index.htm), à destination des particuliers, explique brièvement les problèmes pouvant subvenir et présente des alternatives à cette plante. La MSU a également réalisé un poster que les détaillants peuvent afficher dans leur magasin pour une meilleure sensibilisation.

Valérie Vidril

(*) Voir « Les laboratoires d'analyses garants de la qualité en cultures ornementales », article paru dans le Lien horticole n° 773, pages 8 et 9, comportant une liste des laboratoires d'analyses phytosanitaires et leurs coordonnées.

Le jaunissement des feuilles, leur incurvation, les pousses déformées sont les premiers symptômes de la maladie.

PHOTO : DON FERRIN, LOUISIANA STATE UNIVERSITY AGRICULTURAL CENTER, BUGWOOD.ORG

Le duvet blanc grisâtre à la face inférieure des feuilles d'Impatiens walleriana correspond au développement des sporangiophores qui produiront soit des sporanges et leurs zoospores (issues de la reproduction asexuée) en conditions favorables, soit des oospores (reproduction sexuée) en conditions défavorables.

PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

Les plantes infectées par la maladie perdent leurs feuilles puis dépérissent.

PHOTO : MARY ANN HANSEN, VIRGINIA POLYTECHNIC INSTITUTE AND STATE UNIVERSITY, BUGWOOD.ORG.

L'impatiens de Nouvelle-Guinée, qui offre une forte tolérance à Plasmopara obducens, est proposée en alternative. Encore faut-il en informer le consommateur : en vignette, un poster, mis à la disposition des détaillants américains, présente la maladie, apporte quelques alternatives et renvoie, grâce à un QR code, à un site plus complet.

PHOTO : ODILE MAILLARD

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement