Jardins éphémères : une inspiration pour un métier en pleine (r)évolution
Le Festival de Chaumont-sur-Loire (41), entre autres exemples, offre un aperçu de la créativité que permet le végétal grâce à ses jardins éphémères. Une créativité que les Assises du fleurissement de la région Centre ont soulignée en 2013, en pointant l'enrichissement du métier de jardinier, à la fois technicien et artiste.
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L'an dernier, la 19e édition des Assises régionales du fleurissement et de l'embellissement (ARF Centre) s'est déroulée le 19 septembre à Montargis (45) sur le thème « Jardinier... Artiste et technicien... Un métier en pleine (r)évolution... ». Les intervenants ont montré combien le jardinier devait savoir faire preuve de technicité, pour entretenir et pour protéger ses aménagements tout en respectant l'environnement et en préservant la biodiversité, mais aussi de créativité. Dans ce domaine, le festival international de Chaumont-sur-Loire constitue une belle source d'inspiration, comme l'illustrent nos photos de l'édition 2013 « Jardins des sensations ».
Quel intérêt à être créatif ? Pour valoriser avec finesse les atouts de la ville, lui donner une identité, cacher discrètement ses cicatrices ; pour offrir du végétal là où cela semble impossible, le rendre accessible aux habitants sans le cloisonner derrière des grilles de fer forgé ; pour les faire rêver, sourire, se sentir mieux... entre autres exemples. Et pour faire tout cela à moindres frais et en respectant l'environnement, il faut en effet être créatif !
1 UN MÉTIER QUI N'EST PLUS SIMPLE AUJOURD'HUI.
Le « bon » jardinier est un véritable professionnel aux compétences horticoles, faisant preuve d'observation, d'organisation et de méthode. C'est aussi souvent - toujours ? - un passionné qui aime pouvoir exprimer son inventivité, et partager sa passion. De plantations rectilignes et monochromes, le fleurissement a ainsi évolué, aidé en cela par une recherche croissante de diversité, tant dans le choix des végétaux que dans celui des aménagements. Il faut apporter de la couleur et de la structure, de l'éphémère ou du permanent. Mais aujourd'hui, le jardinier doit aussi répondre à des contraintes économiques et environnementales, d'où une gestion différenciée, raisonnée et certainement plus compliquée : plantes indigènes vs. exotiques, sauvages vs. horticoles, vivaces vs. annuelles, plantes mellifères et attirant les auxiliaires, espèces non invasives, rustiques, résistantes au froid ou/et à la sécheresse, arbres à petit développement... ! La palette végétale s'élargit, mais les critères de sélection se multiplient aussi. Expert ès plantes, le jardinier s'adapte à de nouveaux outils ou de nouvelles réglementations. Il se fait parfois animateur et pédagogue, soigneur (écopâturage), ébéniste...
2 LE VÉGÉTAL TRANSVERSAL, EN PHASE AVEC LA SOCIÉTÉ.
Dans le même temps, les limites autrefois si claires des aménagements paysagers s'estompent. Les pelouses mangent les allées et elles s'effacent sous les pas des promeneurs qui tracent eux-mêmes les chemins ; les herbes et les fleurs poussent au pied des murs ou dans leurs interstices et elles y sont désormais bienvenues ; les toitures et les façades se parent de sedums ou de fougères ; les grimpantes forment des abris ou des arches vivantes ; les prairies fleurissent dans les zones périurbaines ; les noues ou les bassins de phytoépuration deviennent des éléments de paysage... Les habitants eux-mêmes s'approprient un espace en transition, une friche urbaine ou un pied d'arbre pour y créer un jardin. Finalement, les périmètres des différents services techniques des agglomérations finissent par se rejoindre autour du végétal : espaces verts, environnement, voierie, propreté, communication, urbanisme...
3 LE JARDINIER, UN CRÉATEUR DE SENS ET DE SENSATIONS.
Comme l'exprime Sylvie Schlumberger, directrice du service des espaces verts d'Aulnay-sous-Bois (93) lors des ARF Centre, « la création artistique, c'est 1 % du métier, mais c'est ce qui nous rend fiers. » Les 99 % restants ? Du travail, des efforts, pas toujours reconnus d'ailleurs. Le SEV a décidé il y a quinze ans de permettre à chaque équipe de concevoir les massifs de son secteur. « Aujourd'hui, les aménagements sont plus harmonieux. Mais la composition ne s'improvise pas, il faut des années à des jardiniers pour exprimer cette sensibilité. » Avant l'arrachage, tous les massifs sont photographiés pour « ouvrir le regard de tous aux bonnes et mauvaises compositions... » Les massifs fleuris servent à valoriser un paysage avant toute chose. Le sécateur, « outil privilégié pour la taille des arbustes et grimpantes » sert à « dégager le squelette de l'arbuste », mettre en valeur sa silhouette, jouer sur la transparence. Les conifères sont ainsi taillés en nuage. La palette végétale permet au jardinier de jouer sur les couleurs de fleurs et de feuillages, les hauteurs, les volumes, avec des contraintes variables selon les régions, qu'il s'agisse de faire naître des massifs colorés au printemps dans le Nord, ou en été dans le Sud. Mais outre le regard, ce « compositeur » cherche aussi à séduire nos autres sens : le toucher, l'odorat, l'ouïe, voire le goût.
4 DU VÉGÉTAL, MAIS ÉGALEMENT DU BOIS, DU VERRE, DU MÉTAL...
Différentes astuces permettent d'architecturer l'aménagement : des tressages de saule pour créer des écrans verts, des compositions en bambous support de grimpantes pour apporter du volume et de la hauteur, des sculptures en bois ou en métal pour une pointe de fantaisie... Pour répondre aux contraintes budgétaires, le recyclage s'impose : récupérer et transformer les décors de l'année précédente, détourner des palettes de livraison, des tiges métalliques, des sacs de jute...
Le jardinier créatif manie les plantes, mais il peut aussi manier le bois, la peinture, le béton cellulaire, et bien d'autres matériaux pour créer ses compositions. « Comme un cuisinier, il doit savoir utiliser tous les ingrédients à sa disposition », illustre Gilles Ribière, fleuriste-jardinier au SEV de Bourges (18). Il sait également travailler avec les autres corps de métier, par exemple l'éclairagiste, pour mettre sous le feu des projecteurs un arbre remarquable ou une mise en scène. Sculpteur végétal, il ajoute le mouvement aux trois dimensions, en jouant avec le vent : les graminées lui offrent ici une panoplie de choix, parmi d'autres plantes ; et pourquoi pas quelques écharpes de tulle et des girouettes ?
5 LE FLEURISSEMENT, VECTEUR DE CONVIVIALITÉ.
À Guyencourt-Saulcourt, village de 140 habitants dans la Somme, classé 4 Fleurs depuis 2002 et médaille d'or Entente florale 2010, la créativité s'est traduite dans les ressources mobilisées pour fleurir avec très peu de moyens. Début des années 1980, l'objectif était de créer un cadre attractif pour retenir les habitants. Pour mener le projet d'aménagement et de fleurissement sur dix ans, une association a été créée. La commune produit ses plantes (12 000 par an). Le maire et les habitants participent aux plantations. Ensuite, des végétaux sont remis gratuitement aux habitants et du troc est effectué avec les communes voisines. Au concours des maisons fleuries organisé chaque année, tout le monde est récompensé par un sachet de bulbes et des jeunes plants. Projets pédagogiques avec les écoles, journées découvertes (mare, maison des insectes...), fête du village sont autant d'occasions de mettre en valeur les aménagements dans la convivialité. « Un petit village sans trop de moyens peut vivre une aventure humaine, en utilisant toutes ses compétences ; et ça crée des liens entre les habitants », souligne Jean-Marie Blondelle, le maire, lors des ARF-Centre de 2013.
Valérie Vidril
« Le jardin de l'ivresse ». Recycler : bouteilles et tiges métalliques pour délimiter le massif, culs-de-bouteille pour orner les allées.
« Les parfums du vignoble ». Faire beaucoup avec peu : le jeu des axes verticaux, le contraste des couleurs, et un effet miroir avec le plan d'eau.
« Le jardin des enfants ». User de matières naturelles : cabane en gaulettes de châtaignier, paillage en bois, bordure en plessis.
« Les sniffettes ». Jouer sur l'humour : ce pourrait être des lampadaires... ce sont des « casques à sniffs ».
« Un paysage à goûter ». Présenter une tendance : le Straw Bale Gardening ou jardinage sur bottes de paille.
« En apesanteur ». Penser aux accessoires : des boules à facettes qui se reflètent, pour une touche de poésie...
« La rivière des sens ». Architecturer le paysage : cette structure en bois se fait support de plantes grimpantes.
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