Désherbage : des données objectives pour faire les bons choix
Plante & Cité, le Cetev, EVEA et la Fredon Île-de-France ont dévoilé le 11 mars dernier les résultats du programme d'étude comparative des méthodes de désherbage en zones non agricoles, Compamed ZNA, au cours d'un séminaire qui a abordé les problématiques liées à l'efficacité, aux impacts environnementaux ainsi qu'à la caractérisation des principales familles de désherbage.
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Le désherbage représente une tâche récurrente pour les gestionnaires d'espaces publics et privés avec des objectifs variés : offrir au public des aménagements paysagers et un espace public soigné ; maîtriser la colonisation de certains sites par des plantes considérées comme envahissantes et perturbatrices de l'équilibre du milieu ; préserver les qualités esthétiques et techniques d'un terrain de sports ; assurer la sécurité des usagers, notamment pour les infrastructures de transport ou dans les sites industriels.
À partir de la seconde moitié du XXe siècle et jusque dans les années 1990, l'utilisation de produits chimiques constituait l'une des solutions les plus employées par les collectivités territoriales et autres gestionnaires. En effet, ils étaient considérés comme faciles à mettre en oeuvre, efficaces et peu coûteux. La prise de conscience de la donne environnementale au début des années 2000 a conduit le gouvernement à se lancer dans une réflexion visant à mieux encadrer l'usage de ces produits pour en réduire les effets néfastes, en particulier sur les milieux naturels sensibles et la ressource en eau potable. Cette nouvelle approche a incité les professionnels chargés de l'entretien à rechercher des solutions techniques alternatives au désherbage chimique, avec, à la clef, le développement d'une large palette de matériels permettant d'arracher, de broyer ou de brûler les plantes indésirables. Une diversité qui s'est avérée parfois problématique pour juger lesquels étaient les plus adaptés à leurs besoins, d'autant que l'on disposait de peu d'informations fiables et impartiales sur ces nouveaux produits.
C'est dans ce contexte que Plante & Cité s'est associée, en 2010, à plusieurs partenaires (voir encadré) dans le cadre d'un consortium pour réaliser une évaluation globale des diverses techniques de désherbage en zones non agricoles, au travers du programme Compamed ZNA. Celui-ci s'est structuré autour de quatre actions : l'analyse comparée de l'efficacité des différentes méthodes de désherbage ; l'évaluation technico-économique de ces méthodes ; l'évaluation de l'impact environnemental par l'analyse du cycle de vie ; l'élaboration d'un guide d'aide à la décision et de fiches techniques pour chacune des méthodes de désherbage étudiées.
1 ÉVALUATION DE L'EFFICACITÉ DES MÉTHODES.
L'efficacité de sept méthodes de désherbage, réparties au sein de trois familles (chimique, thermique et mécanique), a été testée durant deux années par le Cetev (Centre d'expertises en techniques environnementales et végétales), au travers de trois protocoles expérimentaux. Le premier porte sur l'évaluation de l'efficacité des techniques alternatives comparées au traitement chimique et à témoin non traité, sur support perméable et imperméable.
Les méthodes testées sont : le traitement chimique à base de glyphosate (pulvérisateur à dos et système à détection opto-électronique) ; la binette ; le traitement mécanique (brosse ou herse selon les supports traités) ; le brûleur à gaz ; l'eau chaude ; la vapeur. À cela s'ajoute à chaque fois un témoin non traité.
Un deuxième protocole s'intéresse à l'efficacité des méthodes thermiques (brûleur, vapeur, eau chaude) vis-à-vis de la destruction de la flore spontanée, selon les espèces présentes et leur stade phénologique. La dernière expérimentation concerne l'évaluation du nombre d'interventions nécessaires pour un seuil de gestion donné dépendant du niveau d'acceptation de la flore spontanée, (contraignant ou moins contraignant) sur support perméable ou imperméable.
Dans la première et la seconde expérimentation (efficacité et impact selon le type de végétation et le stade de développement), il apparaît que les techniques mécaniques sont intéressantes pour détruire les dicotylédones annuelles et pluriannuelles (supports perméables ou imperméables) ainsi que les graminées estivales à tous les stades végétatifs (supports perméables) et les graminées en fin de cycle végétatif (supports imperméables). L'effet visuel est immédiat et se prolonge sur une quinzaine de jours. En revanche, ces techniques montrent des limites sur supports imperméables pour les graminées estivales, avec des repousses dès sept jours. Au sein des méthodes thermiques, l'eau chaude ou la vapeur obtiennent de bons résultats en termes d'efficacité sur l'ensemble des adventices. La végétation détruite reste cependant en place, ce qui peut poser un problème selon le niveau de rendu visuel attendu. Avec le brûleur à gaz, l'efficacité s'avère satisfaisante lorsque la végétation est en fin de cycle, mais insuffisante en cours de développement. Là aussi, les plantes détruites restent sur place. Concernant l'efficacité du désherbage chimique, celle-ci est avérée sur le long terme, mais l'action est lente à se mettre en place (à partir de quatorze jours). Cette technique doit être utilisée sous certaines conditions (délai de rentrée) et reste interdite en sites sensibles ou lorsque les conditions météorologiques ne sont pas favorables (pluie, vent). À noter que le désherbage chimique par détection opto-électronique (système infrarouge) n'est pas adapté lorsque la végétation indésirable est concentrée sur une petite zone, par exemple une fissure, car l'ensemble de la végétation peut ne pas être atteint par le produit.
Concernant l'expérimentation portant sur l'évaluation du nombre d'interventions nécessaires sur une année, pour un seuil d'intervention donné, elle confirme, pour les méthodes alternatives, que pour maintenir un niveau de rendu élevé (seuil contraignant), le nombre de passages (NPA) et la durée d'intervention annuelle (DIA) sont toujours supérieurs à ceux nécessaires pour un niveau de seuil moins contraignant. Et ce, quelle que soit la technique utilisée. Le désherbage thermique à gaz et la binette sont les techniques qui nécessitent les DIA les plus élevées, le gaz étant plus chronophage sur surface perméable, la binette sur surface imperméable. Les méthodes thermiques à eau chaude et à vapeur demandent un NPA ainsi qu'une DIA les plus réduits. L'efficacité de la brosse mécanique dépend fortement du résultat attendu et du type de surface traitée : sur surface perméable, DIA faible mais NPA élevé ; et sur surface imperméable, DIA et NPA très faibles pour un seuil moins contraignant, DIA et NPA parmi les plus élevés pour un seuil contraignant.
L'ensemble des résultats permettent de souligner qu'aucune technique ne se révèle « parfaite » et polyvalente. L'efficacité de la méthode retenue va dépendre de plusieurs facteurs : mode d'action de la méthode, nature du support traité (perméable, imperméable), espèces végétales présentes et stade de développement, période d'intervention, niveau de gestion. Cela confirme la nécessité de bien connaître les espaces à traiter (support, accessibilité, environnement), la flore présente (aspects qualitatifs et quantitatifs) et le rendu attendu, avant de choisir la technique de désherbage la plus pertinente pour chaque site.
2 ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE PAR L'ACV.
L'évaluation de l'impact environnemental des techniques de désherbage étudiées dans le cadre du programme Compamed a été réalisée par la société de conseils EVEA en utilisant la méthode de l'analyse du cycle de vie (ACV). Cette approche a pour objectif d'établir un bilan environnemental des matériels utilisés en se basant sur une analyse globale multicritères des impacts environnementaux d'un produit ou service depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la gestion du déchet ultime. Les différentes phases prises en compte, sur la base des résultats issus des données d'expérimentation et de l'observatoire, sont : les matières premières et consommables utilisés lors de la fabrication, le transport sur site du matériel, l'utilisation en phase d'application, la fin de vie. C'est une méthode d'évaluation rigoureuse normalisée par les normes ISO 14040 et ISO 14044, centrée sur la fonction rendue par le produit. Elle permet ainsi de déterminer les leviers d'amélioration d'un produit.
L'unité fonctionnelle de référence utilisée est la suivante : « Traiter un mètre carré de surface enherbée, de type perméable ou imperméable, pendant un an et avec un objectif de gestion défini par un seuil d'intervention quantifié, contraignant ou moins contraignant. » Onze critères ont été retenus : consommation d'énergie non renouvelable, consommation d'eau, changement climatique, création d'ozone photochimique, eutrophisation des milieux, écotoxicité aquatique, destruction de la couche d'ozone, épuisement des ressources non renouvelables, acidification des milieux, le double critère toxicité pour l'homme (cancer et autres). Des interrogations ont été soulevées pour ce onzième point. EVEA a souligné qu'il ne prend pas en compte l'impact direct des produits phytosanitaires sur l'homme, faute de données de référence, mais considère en revanche la toxicité des carburants utilisés pour les matériels, ce qui peut paraître réducteur. Il a été rappelé que le protocole devait être lu avec attention pour comprendre les modes de calcul des différents indicateurs.
Les problématiques environnementales ne sont pas de même nature selon que l'on est sur un désherbage chimique (impact plutôt local sur l'écotoxicité) ou une technique alternative (impacts globaux liés à l'utilisation de carburants fossiles ou de ressources non renouvelables). Il est intéressant de souligner que c'est la phase d'application qui apporte la contribution la plus élevée en termes d'impact, hormis pour la technique de la binette pour laquelle c'est l'usure des équipements de protection individuelle (EPI). Un volet que l'on retrouve aussi pour les autres techniques et qui n'était pas forcément jusquelà bien identifié. La part du matériel représente au minimum 10 % des impacts au global. Réduire le NPA constitue ainsi le premier axe pour diminuer l'impact environnemental de ses pratiques pour un gestionnaire : moins on désherbe, moins on pollue ! Une incitation à changer le regard sur la flore spontanée et à travailler toujours plus en amont pour concevoir des aménagements qui, soit ne favorisent pas leur développement, soit favorisent l'acceptation par la population.
Si la binette est la technique la plus « propre », mais pas la plus confortable pour les utilisateurs, viennent ensuite les techniques mécaniques, puis thermiques (gaz, vapeur et eau chaude). Les méthodes thermiques sont les plus impactantes sur la quasi-totalité des indicateurs environnementaux sauf sur le plan de l'écotoxicité. La technique eau chaude est la plus impactante des trois en particulier sur sol perméable. Les techniques mécaniques ont un impact peu élevé, mais il faut souligner l'usure des brosses métalliques qui influence de façon non négligeable l'indicateur de consommation de ressources.
3 UN OUTIL D'AIDE À LA DÉCISION POUR LES COLLECTIVITÉS.
Parmi les objectifs du programme Compamed figurait la nécessité de proposer aux gestionnaires des collectivités territoriales des outils d'aide à la décision pour leur permettre de mieux choisir les techniques de désherbage en fonction de leurs attentes et de leurs contraintes et ce, en disposant de données fiables, scientifiquement éprouvées. La construction d'un outil d'auto-évaluation, disponible sur une plate-forme informatique dédiée, va leur permettre de répondre à cette attente. Celui-ci a été testé grandeur nature par les membres du comité de pilotage, afin de s'assurer de son approche didactique et conviviale. L'outil d'auto-évaluation offre plusieurs possibilités : construire des scénarios personnalisés en utilisant des données propres à son contexte personnel ; comparer entre eux différents scénarios personnels ou illustratifs, ces derniers ayant été construits sur la base des données issues de l'observatoire de terrain ; analyser les coûts directs et indirects (main-d'oeuvre, intrants, matériel, EPI...) ou les impacts environnementaux des différents scénarios. Soulignons que les éléments saisis par les collectivités pour construire leurs scénarios personnels resteront confidentiels.
4 UN SITE INTERNET DÉDIÉ AUX TECHNIQUES DE DÉSHERBAGE.
Face à la somme de données recueillies durant ce programme sur les techniques de désherbage, il a été décidé de créer un site internet dédié (www.compamed.fr), actif depuis la mi-mars. Outre l'accès à l'outil d'auto-évaluation, le site met à disposition les rapports complets ou les synthèses des différents observatoires, études, enquêtes, évaluations des coûts de désherbage, bilans d'efficacité des techniques, évaluations environnementales par la méthode ACV. De plus, des fiches synthétiques sur les usages observés, les matériels rencontrés, les impacts sur l'environnement, les composantes du coût, les leviers d'action, ainsi que les protocoles et les fiches de suivi de l'observation, sont disponibles. En 2015, d'autres éléments viendront compléter la base de données existante grâce au résultat du programme Compamed Santé. Piloté par l'institut d'hygiène industrielle et de l'environnement du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) des Pays de la Loire, il apportera un éclairage complémentaire sur la caractérisation et l'évaluation de l'impact sur la santé des différentes techniques.
Yaël Haddad
Les villes désherbent pour offrir des espaces soignés, assurer la sécurité des usagers, etc. Mais du niveau d'intensité de gestion choisi pour chaque espace dépendra largement l'impact environnemental du désherbage, quelle que soit la technique retenue. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Les traitements chimiques sont moins utilisés aujourd'hui pour des raisons sanitaires et environnementales. Comme pour les autres techniques, l'essentiel reste d'intervenir le moins souvent possible : moins on désherbe, moins on pollue ! PHOTO : YAËL HADDAD
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