L'érable argenté
Depuis quelques années, l'érable argenté brille par sa présence dans les parcs et jardins. Apprécié pour la beauté de son feuillage, il pose cependant certains problèmes de gestion...
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PORTRAIT DE L'ARBRE
Originaire de l'est du continent nord-américain, l'érable argenté (Acer saccharinum) est très présent dans la région des grands lacs et le long du Saint-Laurent dans la province du Québec. Encore appelé érable blanc ou « Plaine blanche » au Canada, il a été introduit en Europe en 1725. Dans de bonnes conditions stationnelles, un sujet adulte peut atteindre 30 voire 35 m de hauteur. Doté d'une grande vigueur, il croît rapidement. Sa longévité reste modérée (environ 150 ans). Parfois, son houppier apparaît très évasé, notamment lorsqu'il est conduit en cépée. Ses branches souvent de grande longueur et flexueuses ont tendance à s'affaisser. C'est essentiellement à son feuillage que l'érable argenté doit sa popularité. Fixées à un pétiole rouge, les feuilles opposées - vertes dessus et blanches et pubescentes au revers - sont profondément découpées en cinq lobes et jaunissent vivement à l'automne. Elles ressemblent à celles de l'érable rouge (Acer rubrum) mais sont toutefois nettement plus découpées.
Ses fleurs printanières sont discrètes mais attirent les insectes butineurs. Son écorce gris argenté se fissure avec l'âge et devient « écailleuse ». Son bois tendre n'intéresse guère l'industrie. En Europe, on utilise exclusivement l'érable argenté comme arbre d'ornement dans les parcs et les jardins - en forme « cépée » dans les grands espaces - ou pour la constitution d'alignements urbains - en forme « tige ».
En raison de sa forte aptitude à développer des enfourchements à « entre-écorce », un suivi régulier et des tailles de formation du jeune arbre s'imposent. Sur un sujet adulte, ces fourches à écorce incluse fragilisent fortement l'ancrage des charpentières. Ce problème apparaît également sur les formes « cépée » sur lesquelles des arrachements de « brins - maîtres » sont alors possibles. Sur les formes « tiges », les troncs se couvrent fréquemment de rejets qui méritent d'être taillés. Puissantes et superficielles, les racines de l'érable argenté endommagent les revêtements de surface compacts et imperméables (enrobé, dallage...). Leur forte affinité pour l'eau les entraîne parfois à coloniser les canalisations enterrées et à les obstruer. Voilà pourquoi cette essence doit être tenue éloignée des ouvrages et des bâtiments... d'autant plus qu'elle supporte assez mal la taille ! Actuellement, les variétés en vogue sont Acer saccharinum 'Laciniatum Wieri' au feuillage lacinié et 'Pyramidalis' au port redressé.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Dans sa région d'origine, l'érable argenté vit dans les fonds des vallées humides et le long des cours d'eau. Il affectionne une grande humidité des sols et tolère même les submersions ponctuelles. Par contre, il supporte mal les sécheresses estivales. En cas de manque d'eau prolongé, son feuillage tend à flétrir puis se développe une nécrose à la marge des limbes foliaires pouvant aller jusqu'à la chute complète des feuilles. L'arbre s'accommode des terrains argileux mais préfère des sols bien aérés. Il redoute les sols calcaires dans lesquels il souffre d'une carence en fer : ses limbes foliaires blanchissent alors que les nervures restent bien vertes (symptôme de chlorose ferrique) et en présence de fortes teneurs en calcaire actif, il ne survit pas. De par ses origines géographiques, il supporte les basses températures hivernales de nos régions ; une période prolongée de froid hivernal lui est même nécessaire. C'est une essence de pleine lumière mais il accepte un certain ombrage. En revanche, le rayonnement solaire direct a un impact fort sur le tronc d'un sujet élevé en « tige ». Cette « échaudure corticale » ou « nécrose orientée » se manifeste particulièrement sur un arbre récemment planté. La fragilité du bois de l'érable argenté associée au port souvent désaxé des branches rend des ruptures d'axes possibles en présence de fortes charges de vent ou de pluies verglaçantes. L'essence est par ailleurs très sensible aux pollutions par les sels de déneigement épandus sur les voiries.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
De façon générale, les érables argentés souffrent des mêmes problèmes parasitaires que ceux rencontrés sur le genre Acer. Mais depuis quelques années, une affection occasionnée par Phytophthora cinnamomi provoque chez eux un faciès chancreux assez spectaculaire sur leur tronc. Par ailleurs, la grande sensibilité des érables vis-à-vis des capricornes asiatiques (Anoplophora sp.) récemment introduits en Europe, commence à inquiéter...
Affections des feuilles
Sur les jeunes pousses en croissance au printemps, puis au revers des feuilles étalées, s'aventure le puceron du sycomore (Periphyllus testudinaceus). Il n'affecte que peu les arbres sur lesquels il ponctionne la sève élaborée mais provoque des écoulements de miellat souvent gênants. Une autre espèce d'origine américaine, Drepanaphis acerifoliae, récemment introduite en Europe pourrait faire son apparition en France. Elle est redoutée pour ses abondantes excrétions de miellat. Parmi les cochenilles, la pulvinaire de l'hortensia (Pulvinaria hydrangea) est la plus assidue. Elle se repère par la présence d'ovisacs blancs accrochés au revers des feuilles à la fin du printemps et par son miellat. Ses populations efficacement régulées restent généralement à des niveaux acceptables. En fin d'été, le tétranyque tisserand (Tetranychus urticae) est parfois signalé ; il déclenche une décoloration progressive des limbes foliaires.
Du côté des maladies foliaires, l'oïdium (Phyllactinia guttata) se distingue en développant un feutrage blanc qui tapisse les limbes des jeunes feuilles. Mais cette affection est moins fréquente sur les érables argentés que sur les autres Acer. La surprenante maladie des « croûtes noires » encore appelée « maladie des taches goudronneuses » (Rhytisma acerinum) s'identifie par de grosses taches circulaires noires luisantes auréolées de jaune sur les feuilles. Bien que spectaculaire, cette affection d'arrivée tardive ne perturbe pas vraiment les arbres. Enfin, lors d'années pluvieuses, plusieurs mycètes parasites du feuillage (Phyllosticta sp., Marssonina sp...) sont à l'origine de taches nécrotiques.
Parasites et ravageurs des branches et du tronc
Les branches de l'érable argenté sont parfois colonisées par une petite cochenille à bouclier, la cochenille virgule du pommier (Lepidosaphes ulmi). En forme de « coquilles de moule », les carapaces des femelles tapissent les écorces formant de denses encroûtements. Les branches affectées s'affaiblissent et perdent prématurément leur feuillage. Xylophage assez commun sur cette essence, la zeuzère du poirier, encore appelée la « coquette », creuse une galerie rectiligne dans les branches ; elle se repère par la présence d'un trou sur les écorces libérant une sciure colorée et humide. Les branches ainsi minées se fragilisent et peuvent se rompre. Dans certaines régions européennes (Lombardie en Italie), le développement des capricornes asiatiques (Anoplophora glabripennis et A. chinensis) fait peser une lourde menace sur les érables argentés qui ont déjà montré une grande sensibilité à ces insectes sur le continent nord-américain. Anoplophora glabripennis colonise la partie aérienne (tronc et charpentières) des arbres alors que A. chinensis fore ses galeries dans les mâts racinaires. Les larves s'installent dans l'aubier récent ainsi que dans la zone sous-corticale ; les sujets atteints dépérissent rapidement.
Sur des arbres peu vigoureux ou fortement mutilés par de sévères tailles, des chancres occasionnés par Nectria cinnabarina peuvent se développer. Un méplat se forme, l'écorce se fendille et des pustules orangées ou rouges apparaissent. Appelée maladie du corail, cette affection ne s'exprime que sur des sujets en déclin physiologique. Des cas de verticilliose sont également mentionnés sur les érables argentés. Cette maladie vasculaire provoquée par Verticillium albo-atrum se déclare essentiellement en pépinière de production. C'est un flétrissement limité à certaines branches pouvant aller jusqu'à leur dessèchement qui alerte. Sur la coupe, un anneau sombre plus ou moins continu se dessine dans l'aubier de l'année.
Depuis peu, des atteintes à Phytophthora cinnamomi sont constatées dans le sud-ouest et l'ouest de la France. S'ensuivent sur les troncs des nécroses corticales rapidement recouvertes par un nouveau cal. Ainsi, les écorces se craquellent et se boursouflent ; elles sont souvent mouchetées d'écoulements noirs goudronneux. Grâce à cette réaction des arbres et à leur efficace compartimentation, le danger est généralement écarté. La symptomatologie relevée est proche de celle de la maladie de l'encre sur le chêne rouge (voir Lien horticole n° 893 du 9 juillet 2014 p. 8-9).
Pathologies des racines
Le pourridié des racines occasionné par l'armillaire couleur de miel (Armillaria mellea) prend place le plus souvent sur des arbres situés en conditions difficiles. Il provoque leur mort soudaine suite au développement du champignon sur les mâts racinaires. Le mycélium blanc de l'armillaire forme des palmettes dans la zone sous-corticale.
Champignons lignivores
L'espèce de champignon lignivore la plus fréquente sur érable argenté est l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius). Le bois profond est fortement fissuré puis envahi par une pourriture blanche. La fragilisation des axes est importante et rapide. En été, apparaissent les fructifications du polypore soufré (Laetiporus sulfureus) ; elles sont multiples, imbriquées et vivement colorées en jaune orangé. Sur les échaudures corticales des troncs, se développent souvent les petits sporophores blancs du schizophylle commun (Schizophyllum commun). Enfin, sur les mâts racinaires et dans la base des troncs, le ganoderme européen (Ganoderma adspersum) provoque une active pourriture blanche. Ses consoles vivaces et aplanies, brunes sur leur face supérieure et blanches à leur revers, investissent le collet des arbres.
Pierre Aversenq
Bien que spectaculaire, la « maladie des taches goudronneuses » ne perturbe pas vraiment les arbres.
Tetranychus urticae déclenche une décoloration progressive des limbes foliaires suite aux ponctions qu'il effectue dans les cellules épidermiques.
Une nécrose à la marge des limbes foliaires se développe en cas de manque d'eau prolongé.
Les fourches à écorce incluse fragilisent fortement l'ancrage des charpentières.
Une bande nécrotique longitudinale orientée à l'ouest/sud-ouest et bordée de cals de cicatrisation se dessine sur le tronc victime d'échaudure. PHOTOS : PIERRE AVERSENQ
À l'automne, des sporophores en touffes denses d'armillaire couleur de miel surgissent parfois au pied des arbres malades.
Les consoles coriaces et vivaces, en forme de « sabot », de l'amadouvier officinal se multiplient sur les troncs et les charpentières.
La maladie du corail ne s'exprime que sur des sujets en déclin physiologique.
Écoulements noirs goudronneux provoqués par Phytophthora cinnamomi.
Les écorces attaquées par Phytophthora cinnamomi se craquellent et se boursouflent.
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