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Agroforesterie : un bénéfice pour l'agriculture, le territoire et le paysage

Avec l'arrivée des remembrements, le paysage rural de Seine-et-Marne, qui comptait de nombreux arbres, a été profondément modifié.PHOTO : CAUE 77

Association d'arbres et de cultures sur une même parcelle, l'agroforesterie permet d'optimiser les productions agricoles. Ces dernières bénéficient des auxiliaires présents dans les bordures de champs, où l'exploitation du bois compense la perte de surface cultivée. Outre l'agriculture, les collectivités s'y intéressent de plus en plus car le procédé propose des paysages variés...

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La 29e Arborencontre organisée par le CAUE 77 (Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) au lycée Bougainville de Brie-Comte-Robert (77) en juin dernier s'est intéressée à l'agroforesterie, un système qui consiste à associer sur une même parcelle des arbres et une activité agricole (élevage, grande culture, viticulture, maraîchage) avec des bénéfices non seulement pour les exploitants mais également pour les paysages et l'aménagement du territoire.

1 AGRICULTURE ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DURABLES.

L'agroforesterie est un terme issu de l'anglais apparu à partir des années 1970. Il désigne « l'association d'arbres et de cultures ou d'animaux sur une même parcelle agricole, en bordure ou en plein champ », a précisé en introduction de l'Arborencontre du CAUE 77, Alain Canet, président de l'association française d'agroforesterie et directeur de l'association Arbre et Paysage 32, l'une des structures pionnières de ce domaine en France. L'agroforesterie se caractérise par une grande diversité d'aménagements, en fonction du contexte territorial et des objectifs des exploitants : haies, arbres émondés, alignements dans les parcelles, arbres isolés, plantations en bordure des cours d'eau... Peuvent être développés des systèmes agro-sylvicoles (cultures et arbres), sylvo-pastoraux (arbres et animaux), agrosylvo-pastoraux, ou pré-vergers (animaux pâturant sous des vergers de fruitiers).

Si le terme est relativement récent, la pratique était très courante jusqu'au milieu du XXe siècle, période à laquelle l'avènement de la mécanisation des travaux et des produits phytosanitaires a profondément modifié les techniques agricoles. Elle a été remise sur le devant de la scène ces dernières années dans le contexte de crise environnementale que l'on connaît. En effet, l'agroforesterie offre de multiples avantages non seulement pour l'agriculteur (optimisation des ressources, gain de productivité, diversification et sécurisation des revenus) mais aussi pour la collectivité et l'aménagement durable de ses territoires (régulation de la ressource en eau et amélioration de sa qualité, bonification de la structure et de la fertilité des sols, préservation de la biodiversité ordinaire, participation à la trame verte et bleue, diversification des paysages...). « Cette approche incite également à profiter de la végétation qui se développe spontanément en bordure des parcelles, le long des cours d'eau et des routes ; une végétation gratuite, formant un réservoir de biodiversité qui peut constituer un complément de biomasse valorisable », ajoute Alain Canet.

2 LA VALORISATION DES PRODUITS DE L'AGROFORESTERIE.

Pour Raphaël Trembleau, technicien au CRPF (centre régional de la propriété forestière) Île-de-France - Centre, certains éléments clefs ne doivent pas être négligés si l'exploitant souhaite obtenir une source de revenus complémentaires grâce à l'agroforesterie, au premier rang desquels se trouve la nécessité de s'engager de manière approfondie dans la démarche. Il sera nécessaire d'anticiper le temps de préparation pour la mise en place du projet un an à l'avance : constitution du dossier d'aides, analyse de terrain, choix du bon « couple » arbre et culture ou élevage - en fonction du type de production souhaitée (bois d'oeuvre, de chauffage, fruits, miel...), du terroir et des matériels disponibles sur l'exploitation -, commande des végétaux , préparation du sol, organisation du chantier de plantation y compris l'installation de protections (gibier ou bétail) et le paillage... Par ailleurs, il faudra prévoir chaque année, et pendant dix à quinze ans, du temps pour réaliser les travaux d'entretien des arbres : élimination de la végétation concurrente, travaux de taille de formation et d'élagage permettant d'obtenir des sujets vigoureux, avec des troncs sans défauts sur 3 à 4 m de haut (dans un objectif de production de bois d'oeuvre). « En Seine-et-Marne, le coût d'installation (fourniture, travaux, conseils sur trois ans, hors préparation du sol) est estimé entre 15 à 60 euros hors taxes par plant, les aides pouvant aller jusqu'à 70 % uniquement sur les frais d'installation, pas sur l'entretien. Les revenus varieront selon les essences exploitées et la qualité de l'entretien réalisé, la présence de défauts ayant une influence marquée sur le prix de vente du bois. »

3 DES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT AU COeUR DES PRATIQUES.

Comme l'a précisé Christian Sotteau, chargé de mission biodiversité à la chambre d'agriculture de Seine-et-Marne : « Les agriculteurs peuvent être accompagnés dans l'évolution de leurs pratiques agricoles, afin de mieux prendre en compte la biodiversité et de mettre en place des aménagements et une gestion différenciée plus adaptés au contexte actuel. En outre, depuis 2006, les parcelles agroforestières présentant moins de deux cents arbres par hectare sont reconnues comme des parcelles agricoles, avec un régime foncier et fiscal agricoles. Et du fait qu'elles participent aux BAEC (bonnes conditions agro-environnementales), elles sont éligibles pour des aides de la Pac (politique agricole commune). » Les mesures d'accompagnement à disposition peuvent notamment relever :

- des MAET (mesures agro-environnementales territorialisées) biodiversité, une démarche volontaire de contractualisation menée sur cinq ans pour favoriser le développement des auxiliaires de culture (respect d'un cahier des charges élaboré à l'échelon départemental) ;

- du Plan végétal pour l'environnement (plantation de haies ou restauration de mares, par exemple) ;

- de la mesure 222 du PDRH (Programme de développement rural hexagonal) qui vise à accompagner les mutations de l'espace rural et qui est financé par les fonds européens agricoles.

4 L'AGROFORESTERIE ET LE PAYSAGE À TRAVERS LES SIÈCLES.

Quel lien établir entre l'agroforesterie et le paysage ? Agnès Sourisseau, paysagiste et correspondante Île-de-France de l'association française d'agroforesterie, rappelle qu'au Moyen Âge, celui-ci allait de soi, le paysage correspondant à une vision globale du territoire avec ses champs bordés d'arbres, ses friches, ses bois, mais aussi l'eau, les animaux et les villages. Cette approche se poursuit au siècle des Lumières, comme en témoigne l'ouvrage de René-Louis Girardin, intitulé De la composition des paysages ou des moyens d'embellir la nature autour des habitations, en joignant l'agréable à l'utile, dans lequel il donne des conseils : « Les pâtures communes réunies également par la voie de l'échange pourraient se trouver au milieu des villages ou du moins contiguës... En entourant d'arbres et de barrières ces pâtures communes, ce seront en même temps une place d'agrément pour la promenade et les jeux du village. Les habitants n'auraient qu'à ouvrir leur porte pour y laisser en liberté leurs bestiaux... »

Un éloge de la diversité des paysages et des usages que l'on retrouve dans les peintures des artistes de l'école de Barbizon ou les cartes postales de la Seine-et-Marne du début du XXe siècle, où l'on voit des saules têtards border les parcelles, des moutons paître jusque sur la place du village ou des pommiers se développer sur les bords de route à l'entrée des bourgs, souligne la paysagiste. Vient ensuite la période des remembrements, de la politique agricole commune, des quotas... qui ont contribué à uniformiser les paysages agricoles. Suivi de près par le développement du zonage et la consommation des espaces périurbains agricoles et naturels au profit de lotissements et de zones d'activités. « À partir des années 1950 et jusqu'au début des années 2000, on assiste à un mécanisme d'étalement urbain, de sectorisation progressive des villes, des bourgs et des villages. C'est l'avènement des trames grises, qui ont façonné un nouveau paysage, monotone et peu qualitatif. Même la loi sur la décentralisation de 1983 n'a pas permis un renversement de cette tendance, les communes peu compétentes en matière d'urbanisme s'en étant remis aux acteurs privés pour aménager, avec pour conséquence une absence de vision d'ensemble. » Le développement des trames vertes et bleues, outil d'aménagement né du Grenelle de l'environnement, permet d'envisager une nouvelle approche globale et cohérente des territoires et des paysages au service de la biodiversité et des hommes qui font partie intégrante du système. Une approche dans laquelle les systèmes agroforestiers ont toute leur place pour contribuer au maillage du territoire.

Yaël Haddad

Pour en savoir plus : - plate-forme nationale de l'agroforesterie, de l'agroécologie et de l'arbre champêtre : www.agroforesterie.fr - site du CAUE 77 : www.arbres-caue77.org

Avec l'arrivée des remembrements, le paysage rural de Seine-et-Marne, qui comptait de nombreux arbres, a été profondément modifié.

PHOTO : CAUE 77

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