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Plus bios, les rosiers peinent à convaincre les jardineries

Jean-Luc Leplat, rosiériste, Violaine Le Péron, conseillère PBI au CDHRC, Isabelle Tabillon, formatrice au CFA de Bellegarde, et Florence Caule, stagiaire au CDHRC, mènent le projet Bioberos depuis deux ans.PHOTO : AUDE RICHARD

Le CDHR Centre a installé des essais pour développer la biodiversité chez les rosiéristes de Bellegarde (45). Un argument qui peut aider à obtenir certains marchés, mais qui a encore besoin d'être affiné. Décryptage des pratiques avecJean-Luc Leplat.

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Des champs de rosiers à perte de vue. Bienvenue à Bellegarde, au pays de la rose. Sur la commune voisine, Villemoutiers (45), Jean-Michel et Jean-Luc Leplat exploitent 60 ha, dont 10 % de rosiers. Depuis quelques années, les frères tentent de diminuer les intrants sur cette culture traditionnelle, véritable fleuron de la qualité française. Mais la pression du marché est forte, comme le souligne Jean-Luc Leplat. « Si un client trouve un puceron dans sa commande, il lance une procédure de litige et la marchandise nous revient. Même les jardineries bio ne veulent pas de pucerons. » Alors comment concilier une baisse des intrants et une amélioration de la biodiversité tout en gardant une qualité irréprochable pour satisfaire les clients ? C'est le pari du Gaec de la Vallée des Merles. Dès la sélection, Jean-Luc Leplat réfléchit à la baisse des intrants. Il choisit, chez différents obtenteurs, les variétés les plus résistantes aux maladies. « Certains de mes clients souhaitent des anciennes variétés, qui elles sont peu résistantes. Mais quand je leur explique mon choix, ils le comprennent. Je fais aussi des formations dans les jardineries, pour sensibiliser les vendeurs. »

130 000 rosiers greffés

Avant de planter les porte-greffes, les frères choisissent une terre dite « neuve », c'est-à-dire qui n'a pas produit de rosiers depuis plus de 6 ans. Ils limitent ainsi le risque de maladie. Puis, ils sèment de la moutarde. Cet engrais vert bon marché sert également d'anti-nématode. Une culture d'oeillet d'Inde peut également être semée avant pour servir d'engrais organique. Vient ensuite une autre étape importante, le choix du porte-greffe. Jean-Luc Leplat opte pour un Rosa laxa, très résistant au calcaire et au froid, et pour un Rosa mutiflora, une variété vigoureuse pour sol argileux, pour les rosiers grimpants et les buissons. Une fois les porte-greffes plantés, les 7 saisonniers greffent, en juillet et août, les 130 000 rosiers à raison de 120 greffes à l'heure.

C'est alors que commence la culture du rosier qui nécessite une lutte permanente contre les pucerons. Côté matériel, le Gaec de la Vallée des Merles a investi dans un pulvérisateur à informations embarquées. Cela permet d'avoir toutes les mesures de produits, à chaque endroit et d'éviter les surdosages. « Le nombre de jets de pulvérisation est paramétrable. En fonction du développement, si la plante ne couvre pas tout le sol, je peux ne traiter qu'un rang sur deux. J'apporte la juste dose au bon endroit », ajoute Jean-Luc Leplat. Il a également acheté une bineuse en copropriété avec laquelle il travaille le sol et incorpore de l'engrais retard aux pieds des rosiers.

Attirer les auxiliaires

Son désir de diminuer les intrants le rapproche du CDHR Centre, la station régionale d'expérimentations et du projet Bioberos. Il s'agit de mettre en place différents aménagements pour attirer, favoriser et conserver la biodiversité fonctionnelle sur une parcelle de rosiers et d'évaluer l'impact de ces aménagements sur l'état sanitaire et l'IFT (indice de fréquence de traitement) de la culture ainsi que sur la qualité finale de la production. Soutenu par la région Centre Val de Loire, le projet résulte d'un appel à projet Ambre (Action pour le maintien de la biodiversité et la restauration des écosystèmes). Il a débuté il y a deux ans pour se finir en avril 2016. Les résultats ne sont donc pas complètement finalisés, mais des tendances se dégagent.

Deux types d'essais sont mis en place : d'une part des tests sur des abris à auxiliaires et sur des nichoirs à chauve-souris et d'autre part des relevés et des piégeages sur une parcelle de rosiers en pleine terre. Les relevés sont effectués chez deux des dix rosiéristes du secteur, ainsi qu'au CFA (centre de formation d'apprentis) de Bellegarde. Les abris sont placés au sein de deux types de milieux. Un milieu est végétalisé avec la présence de bandes enherbées et d'espaces semi-sauvages. La majorité des parcelles de l'exploitation sont bordées d'une rivière et d'une voie de chemin de fer ; elles sont donc adaptées à ce type d'essai. Des bandes enherbées ou fleuries sont déjà en place. Les abris sont également placés en milieu dit « urbanisé » (bâti horticole, surface de culture hors-sol, cultures diversifiées où des produits phytosanitaires sont utilisés).

Des syrphes et des pucerons...

En 2014, la première notation des abris à auxiliaires a eu lieu le 30 janvier. Au total, 80 chrysopes ont été dénombrés dans les abris par les élèves du CFA de Bellegarde encadrés par Isabelle Tabillon, leur formatrice, et Violaine Le Péron, conseillère PBI (protection biologique intégrée) au CDHR Centre. « Cet hiver, aucune coccinelle n'était présente. À notre étonnement, les chrysopes ont préféré l'abri à coccinelles pour hiverner, où nous avons observé jusqu'à 38 individus. Un des sites s'est montré particulièrement riche en chrysopes ; l'environnement très végétalisé explique ce constat. »

Mais malgré la présence d'insectes auxiliaires, Jean-Luc Leplat a dû faire face à une attaque de pucerons. Le producteur réfléchit à deux fois avant de traiter. « C'était au début de l'été. Avant, j'aurais traité systématiquement. Cette fois, j'ai choisi un produit contre les pucerons, qui préserve les coccinelles et les abeilles, un insecticide à base de pymétrozine. Dix jours après, je n'avais plus de pucerons mais une multitude d'auxiliaires. »

Dans les champs de rosiers, on peut observer des syrphes, des araignées, des hyménoptères parasitoïdes, des cécidomyies prédatrices, etc. Bref, tout un tas d'auxiliaires qui aident à lutter contre les ravageurs. « Grâce à ce projet, j'ai découvert une partie de la faune qui vit sur mes rosiers », explique Jean-Luc Leplat. Violaine Le Péron souhaiterait que cette expérimentation se poursuive encore deux ans pour intégrer la rotation avec les grandes cultures. « Après la restitution, qui se déroulera le 11 décembre, nous allons organiser des formations pour sensibiliser les rosiéristes aux différents auxiliaires. Il est important de leur montrer que dans leurs parcelles, certains sont déjà présents. Avec l'aide des différents aménagements et en observant les auxiliaires définis dans le projet Bioberos, ces producteurs pourront ainsi diminuer l'IFT insecticides du rosier. »

Un argument commercial

Pour développer des marchés avec les collectivités, la biodiversité est un argument. Les deux frères se servent de cet essai pour expliquer leur démarche écologique lors des appels d'offre. Ils ont ainsi obtenu une commande d'une ville du nord de la France. « C'est un atout pour se démarquer », confirme Jean-Luc Leplat. Mais tous les marchés ne sont pas prêts à jouer le jeu, notamment les jardineries.

S'il limite les traitements anti-pucerons aux champs, il traite la commande avant l'expédition, lors du chargement de la palette. « Cela ne nous plaît pas du tout. Mais nous sommes contraints de le faire face à la pression du circuit de vente », ajoute le producteur. En parallèle de cette démarche, il s'implique dans l'association « Excellence végétale », pour que le rosier soit reconnu en Label rouge. Une démarche qui s'appliquerait à toute la chaîne de distri-bution et qui pourrait peut-être faire changer les choses. Réponse de l'Inao (Institut national des appellations d'origine) dans les jours à venir.

Aude Richard

Des rosiers Choix de variétés résistantes, observation des auxiliaires, bandes enherbées et pulvérisation évolutive améliorent la biodiversité.

PHOTO : AUDE RICHARD

Des syrphes Quelques secondes au sein des rosiers permettent d'apercevoir de multiples auxiliaires, comme une larve de syrphe...

PHOTO : CDHR CENTRE

Et des coccinelles ... ou des pontes de coccinelles. Autant d'auxiliaires qui lutteront efficacement contre les pucerons dans les champs.

PHOTO : CDHR CENTRE

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