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De nouveaux rosiers pour de nouveaux horizons

L'entreprise André Eve dispose d'une roseraie de démonstration et d'un point de vente qui lui permettent d'écouler 20 % de sa production. Mais l'essentiel de l'activité commerciale est réalisée via la vente par correspondance.PHOTO : PAUL TRANSON

Historiquement créées autour d'un monoproduit, le rosier, les pépinières André Eve, installées à Pithiviers-le-Vieil (45), sont désormais capables de répondre aux besoins du marché du paysage, grâce à un travail d'hybridation activement mené depuis de nombreuses années.

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La simple évocation du nom d'André Eve fait apparaître à tous, ou presque, une image : les roses anciennes. Celles qui l'ont passionné et qu'il a réhabilitées dans les années 1980. Qu'il a vendues sur de nombreuses expositions horticoles, mais aussi par correspondance. Qu'il a collectionnées dans son jardin près de Pithiviers (45) autant que dans sa pépinière. Ce que l'on sait moins, c'est qu'André Eve, qui nous a quittés début août, n'a pas attendu que le marché des roses anciennes s'érode à nouveau pour se lancer dans une autre de ses passions, l'hybridation et la sélection. Mettant dès 1969 sur le marché la rose Sylvie Vartan®, un polyantha rose vif remontant et (déjà) très résistant aux maladies ou plus récemment 'Red Parfum'®, un grimpant très parfumé. D'ailleurs, le slogan de l'entreprise était sans équivoque : « André Eve, roses anciennes et modernes ».

Un axe de sélection : la résistance aux maladies

Quand il cède sa pépinière en 2000, ce travail de sélection n'est pas abandonné, bien au contraire. Jérôme Rateau, qui travaillait au pôle recherche de la société Delbard, à Hyères (83), est recruté dès 2003 à Pithiviers pour le poursuivre et l'amplifier. Sa mission : sélectionner des variétés résistantes aux maladies. « La prise de conscience des problèmes environnementaux n'en était qu'à ses débuts », se souvient-il. « À l'époque, lorsque les gens achetaient des rosiers, ils considéraient qu'ils devaient forcément avoir recours à des traitements phytosanitaires. Mais on commençait à sentir le vent tourner. La bonne direction était celle qui menait à la réduction de l'usage de ces produits. »

Arrivé en mai, il commence les hybridations dès le mois de juin. Depuis, chaque année, sauf en 2015 pour cause de déménagement (lire en page suivante), quelque 30 000 graines sont semées sous tunnel. Elles donneront autour de 12 000 plants de rosiers qui seront sélectionnés sans pitié pendant six à huit ans au moins pour former, au final, 2 ou 3 variétés nouvelles. « L'important, pour sélectionner des roses résistantes aux maladies, est de bien choisir les parents. En particulier la mère, la plante qui recevra le pollen. Et la collection d'André Eve était suffisamment riche pour permettre de démarrer ce travail rapidement », poursuit Jérôme Rateau. Parmi les 12 000 hybrides d'une année, seuls 300 à 600, selon les millésimes, seront ensuite cultivés sous tunnel, puis en pleine terre, toujours sans traitements, puisque toute plante sensible sera irrémédiablement rejetée. Au bout de trois ans, les premiers essais de multiplication sont réalisés : une plante parfaite dont la multiplication serait trop difficilesera également mise au rebut...

Des rosiers paysagers pour les collectivités

Au départ, ce travail d'hybridation devait permettre de trouver d'autres variétés susceptibles de répondre aux attentes des consommateurs, le créneau commercial de base de l'entreprise, alors que le marché des roses anciennes s'essoufflait. Mais rapidement, le travail de sélection a été étendu à des rosiers paysagers, adaptés à de nouveaux secteurs, en particulier celui du paysage et des collectivités. Pour se tourner vers cette cible, l'établissement a diversifié sa prospection commerciale, participant, par exemple, cette année, aux assises régionales du fleurissement de la région Centre - Val de Loire, à Chartres (28), le 17 septembre dernier.

Et si l'entreprise tire à 80 000 exemplaires un catalogue grand public dont la qualité a été récompensée lors des Journées de Courson-Monteloup (91), en mai dernier (désormais à Chantilly - 60), si elle réalise 90 % de son chiffre d'affaires sur le marché du particulier, surtout par de la vente par correspondance, mais aussi grâce à un point de vente sur son site accueillant des clients en provenance de la région, ainsi que de l'Île-de-France toute proche, c'est bien vers le marché professionnel qu'elle compte se développer. « Nous disposons désormais d'une gamme de 4 rosiers paysagers, qui s'enrichira d'une variété supplémentaire l'an prochain. Elle doit permettre aux collectivités de réaliser des plantations très florifères tout en résolvant les difficultés liées à la gestion des adventices. En un an, les rosiers paysagers sont capables de couvrir totalement le sol, supprimant complètement les opérations de dé-sherbage. Et avec l'interdiction des produits chimiques dans les collectivités qui s'annonce, le désherbage deviendra rapidement le problème numéro un dans les prochaines années », explique Jean-Claude Foucard, qui préside aujourd'hui l'entreprise André Eve.

Gros sujets et associations avec d'autres végétaux

Pour que les variétés maison puissent être proposées partout en France, un réseau de producteurs est en cours de développement. En Île-de-France, les pépinières Euvé (Feucherolles, 78) sont désormais habilitées à cultiver et à vendre les variétés dédiées au paysage d'André Eve, tout comme les Établissements horticoles du Cannebeth, à Mauguio (34), en Languedoc-Roussillon, les pépinières de Kerisnel, à Saint-Pol-de-Léon (29), en Bretagne, Végé 85, à La-Chaize-le-Vicomte (85), pour le Centre-Ouest, et les pépinières Lafitte, à Mendionde (64), pour le Sud-Ouest.

L'essentiel des quelque 600 variétés que compte actuellement le catalogue André Eve reste donc orienté vers le marché du particulier. L'entreprise va à la rencontre de sa clientèle via son fameux catalogue, mais aussi par l'intermédiaire des nombreuses fêtes des plantes auxquelles elle participe, sous la houlette de son directeur commercial François Denise. Pour diversifier son offre axée sur les rosiers en conteneurs de 3 et 5 litres ou en racines nues, elle propose maintenant des plantes de grand développement en conteneurs de 20 et 40 litres, parmi lesquelles des « tipis », rosiers grimpants palissés sur 3 tuteurs de bambou reliés en tripode. Au coeur de ces rosiers vendus le plus souvent en fleurs, la société propose parfois une clématite pour obtenir un contraste de couleurs dont raffolent les amateurs. Cette association toute simple a cependant dû être étudiée d'un point de vue technique, comme le précise David Legendre, chef de culture : « Le rosier et la clématite ont des besoins en eau différents, il a fallu trouver une astuce pour qu'elles cohabitent... »

La vente par correspondance représente le plus gros du chiffre d'affaires. Les plantes sont expédiées en racines nues ou en conteneurs. Les expéditions se font soit par Chronopost, soit en dépôt dans un relais. Le Chronopost permet une livraison optimale chez le client, avant 13 heures le lendemain de la préparation de la commande. Même en fleurs, un rosier arrive en parfait état chez le client, tout particulièrement depuis que le packaging a été renforcé avec des cerclages plastiques réalisés à l'aide d'une botteleuse.

Déménager pour rationaliser et trouver des synergies

Outre une gamme plus large lui permettant d'accéder à des marchés plus diversifiés, l'établissement est également passé par une rationalisation de son outil de production pour assurer son avenir. En bordure de Pithiviers, il était jusqu'ici installé dans un cadre plutôt industriel collant mal avec l'image plutôt luxueuse du rosier. De plus, avec une roseraie immense et difficile à entretenir, des parcelles de production éclatées et peu modernes, la pépinière devait trouver le moyen de se restructurer. Le problème sera résolu dans le courant de l'hiver qui vient, avec un déménagement à quelques kilomètres de l'emplacement actuel. Elle va s'installer en limite du domaine d'un château du XVIIe siècle, celui de Chamerolles, à Chilleurs-aux-Bois (45), qui, outre le fait qu'il soit apprécié du public pour son esthétique et son jardin, dispose d'un musée du parfum. Des synergies devraient ainsi pouvoir être trouvées entre ce lieu qui accueille chaque année plus de 40 000 visiteurs et la pépinière, qui en reçoit de 7 000 à 10 000. Comment ne pas trouver de ponts entre un musée consacré aux senteurs et une entreprise qui cultive, entre autres, des fleurs pour un célèbre parfumeur ? Le nouveau site accueillera une roseraie plus grande que celle qui existe, plus rationnelle, et permettant de présenter une palette très large (elle a été en partie dessinée par André Eve, et l'ensemble a été imaginé par le paysagiste Pierre-Alexandre Risser), un hangar pour les expéditions optimisé avec des bureaux contigus, et des aires de culture. Ces dernières seront composées d'une plate-forme au goutte-à-goutte pour les gros contenants, d'une en aspersion pour les rosiers paysagers et d'une troisième en subirrigation pour les potées fleuries, sur un système Erfgoed, basé sur un drainage en pouzzolane. L'ensemble des effluents de culture et des eaux pluviales sera collecté dans un bassin et recyclé. Enfin, une aire de bitunnels sera destinée aux hybridations et aux cultures. Le point de vente sera pour sa part, ce qui est certainement une première, équipé de subirrigation. De quoi maintenir les positions de la société sur le marché des rosiers, ce qui n'est pas forcément simple : « Notre clientèle est très fidèle, mais il n'est pas facile de toujours se réinventer avec le produit unique qu'est la rose. C'est pourquoi nous nous orientons vers de nouveaux marchés avec des outils renouvelés », conclut Jean-Claude Foucard.

Pascal Fayolle

Diversification Quatre variétés pour le paysage ont été sélectionnées. Ariel® (rose) est accompagné de Moraya® (rouge), de Philippe Stark® (blanc) et de 'Rosée du Matin'® (blanc rosé).

PHOTO : PÉPINIÈRES EVE

Sélection Responsable des hybridations au sein des pépinières André Eve, Jérôme Rateau a pour objectif de trouver de nouvelles variétés qui résistent parfaitement aux maladies.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Commercialisation Les plantes sont principalement vendues en racines nues et en conteneurs. Outre le paysage, un autre axe de diversification a été mené avec des variétés grimpantes.

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Direction

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