Érosion, qualité de l'air et de l'eau : les végétaux ont beaucoup de génie...
Le colloque « Génie végétal, génie écologique », organisé par Val'hor le 11 décembre dernier, a permis de faire le bilan sur différentes techniques. Si leur point commun est de recourir au végétal au bénéfice d'un écosystème, les résultats attendus vont de l'épuration de l'eau à la lutte contre l'érosion...
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Habitués que nous étions à regarder les plantes sous leur aspect ornemental, nous en aurions presque oublié qu'elles disposent souvent de propriétés techniques intéressantes. Elles peuvent, entre autres, débarrasser l'air ou l'eau de certains polluants, retenir la terre lors de pluies battantes ou le long des cours d'eau... Au-delà de ces aspects liés au génie végétal, on peut même rappeler que les plantes ont longtemps été le seul médicament de l'homme, qu'elles nous ont offert nos premiers arcs, nos premières cordes, nos premières maisons, et on en passe. Ne jurant plus depuis la révolution industrielle que par la technologie, nous avions un peu mis de côté ces bienfaits. Les limites de la technologie et le besoin de retrouver le contact avec le végétal font que ces techniques reviennent sur le devant de la scène. À point nommé pour certains producteurs, qui y voient une chance de s'ouvrir de nouveaux horizons commerciaux... Même si tout n'est pas gagné d'avance en la matière !
1 CONCENTRER LES MICROPOLLUANTS DANS DES PLANTES ADAPTÉES
C'est à une pépinière spécialisée dans la production de plantes aquatiques située près de Nîmes, Nymphéa, que l'on doit le développement du projet ZHART (Zone Humide ARTificielle). Voyant son développement toujours limité dans le domaine des aquatiques ornementales, l'entreprise a souhaité miser sur un nouveau marché et s'est intéressée, notamment, à l'épuration de l'eau, grâce à une gamme dite « environnementale ». Marie-Ange Lebas, chargée de développement, explique que les plantes peuvent être intéressantes dans le domaine des eaux usées, pour constituer des filtres de roseaux, des lits de séchage de boues et des zones de rejet végétalisées. Nymphéa s'est placé sur ce créneau tant pour fournir des végétaux que pour proposer des prestations de conception, auprès d'entreprises spécialisées ou de grosses structures comme Véolia, Suez Environnement ou encore la Lyonnaise des Eaux. Si elle peut fournir des filtres de roseaux, la société s'est tout particulièrement penchée sur le cas des zones de rejet végétalisées (ZRV). Il s'agit d'une zone où s'opèrent bioaccumulation des polluants dans les végétaux, séquestration par la rhizosphère et dégradation moléculaire et bactérienne. Car si les macropolluants sont dégradés par la station d'épuration, il n'en va pas forcément de même pour les micropolluants, métaux lourds ou résidus médicamenteux, par exemple, qui sont présents en quantité infinitésimale mais dont on ne connaît pas encore le processus de dégradation. C'est tout l'objet du projet ZHART, mené avec des grands groupes industriels, des universités et des bureaux d'études.
Même pour une station d'épuration classique à boues activées, l'adjonction d'une ZRV renforce la dégradation des micropolluants, et ce pour un coût bien moindre que par adsorption sur du charbon actif ou par ozonation. « Notre entreprise s'efforce de proposer, avec ces ZRV, des solutions techniquement et économiquement intéressantes », insiste Marie-Ange Lebas. Avec un plus au niveau de la biodiversité... L'université de Tours travaille sur l'intégration paysagère des ZRV et sur leurs spécificités en fonction du contexte géographique, sachant qu'on ne peut les mettre en oeuvre partout de la même manière. De son côté, la Lyonnaise des Eaux mesure, sur cinq sites en France, l'abattement en micro et macropolluants à l'entrée et à la sortie des installations, et recueille le maximum de données sur l'étude physico-chimique de l'eau. L'entreprise cherche ainsi à dresser une base de données nationale sur les performances hydrauliques et épuratoires des ZRV. Le bureau d'études Rive, basé à Tours, met en place un modèle de prédiction de l'évolution de la biodiversité dans ces ZRV selon leur entretien a posteriori. En effet, le maître d'ouvrage est toujours satisfait de disposer de ce genre de zones, mais personne ne lui propose de solution pour les entretenir. Or, leur surface peut aller jusqu'à 5 hectares, et le coût peut en être important. Le développement de la végétation étant spontané, il faut prendre en compte cet aspect de l'exploitation et de l'entretien à terme... Nymphéa, pour sa part, dispose aujourd'hui de 2 ha d'expérimentations et devrait en avoir 3 de plus sous peu. Les tests portent, entre autres, sur les performances épuratoires de différentes espèces et de groupes d'espèces, considérant qu'il peut y avoir des synergies entre certaines. De l'eau, dont le taux de pollution est connu, est alors mise en présence d'une dizaine d'espèces choisies pour leur adaptation au climat méditerranéen et leur facilité à être produites. L'eau est régulièrement analysée pour voir dans quelle mesure le taux de pollution diminue. Une trentaine de micropolluants, métaux lourds ou produits phytosanitaires sont ainsi testés. Des analyses des tiges et des racines des plantes sont ensuite réalisées pour savoir où sont partis les polluants. Mais là, tout reste à faire, car on ignore encore comment traiter les déchets de végétaux ayant accumulé des polluants dans leurs tiges ou leurs racines.
2 NOURRIR DES MICRO-ORGANISMES DÉPOLLUEURS
L'astredhor travaille sur la phytorestauration, ou phytoremédiation, c'est-à-dire « l'ensemble des techniques qui utilisent les plantes comme principal agent de traitement des pollutions et vise à restaurer l'eau, les sols, l'air, mais aussi la valeur sociale, économique, écologique et paysagère des sites traités ». Un partenariat entre l'Astredhor Seine-Manche, Plante & Cité et Degrémont France Assainissement (DFA) a permis de créer un prototype de traitement de l'air vicié pour une station d'épuration, à Fauville-en-Caux (76) : c'est la tour « Air de Caux », un biofiltre végétal, qui permet une désodorisation « verticale »...
Le prototype conçu par DFA et Plante & Cité est composé de trous d'un diamètre de 30 à 40 mm dans lesquels les plantes sont installées. Le passage de l'air vicié se fait par convection forcée à travers la tour qui contient le substrat. Les racines permettent le développement de microorganismes dans le substrat en leur fournissant des éléments carbonés indispensables à leur survie. Le substrat agissant en fixateur des polluants et les micro-organismes les dégradant, l'ensemble forme donc un « biofiltre ». « Le rôle des plantes peut ici sembler assez secondaire, il est en réalité fondamental, car ce sont elles qui entretiennent les micro-organismes », note l'Astredhor dans une fiche synthétique remise aux participants au colloque de décembre. Dans le cas présent, l'objectif est de débarrasser l'air des composés soufrés (H2S, SO2) et azotés (NH3). « Les travaux s'attachent à identifier le pouvoir dépolluant du dispositif, mais également à reconnaître les végétaux les plus adaptés aux contraintes de l'installation. La capacité de dépollution étant dépendante du type de plante (qui conditionne les types de micro-organismes du substrat), les études évaluent les végétaux les plus performants », poursuit l'Astredhor.
Les premières expérimentations se sont attachées à mesurer l'efficacité hivernale, la tour devant rester fonctionnelle toute l'année. Les végétaux qui se « plaisent trop » ont également été supprimés, la diversité devant être une garantie de la capacité à éliminer des polluants de nature différente. La première année d'essais a mis en évidence l'intérêt de Myosotis palustris, Geum rivale, Carex riparia et Eupatorium rugosum. Iris pseudacorus, Mentha aquatica et Symphytum officinale se sont pour leur part montrés envahissants. Des différences de comportement sont apparues selon les faces de la tour, nécessitant d'adapter les végétaux en fonction de l'exposition. Les observations ont permis de noter l'absence d'odeurs, mais cet aspect devra être affiné au travers des mesures de qualité de l'air entrant et sortant. Des appareils de mesure des gaz à dépolluer et des enregistreurs vont être installés en collaboration avec l'université de Lille.
3 DES HAIES ET DES GRAMINÉES POUR RALENTIR L'ÉROSION
Les phénomènes d'érosion sont bien connus et ont été cartographiés par l'Inra dans les années 2000, mais en grandes cultures, dans le nord de la France, ils ont été observés dès les années 1970. Et encore avant en viticulture... Deux régions sont essentiellement concernées, a rappelé Jean-François Ouvry, directeur de l'Association régionale pour l'étude et l'amélioration des sols (AREAS). Il s'agit de l'arc méditerranéen, qui subit des pluies très violentes, et du Nord, en grandes cultures sur sols limoneux. Les problèmes posés sont de deux ordres : menaces sur les sols érodés, qui perdent en productivité, et désordres dans les collectivités situées en aval, qui reçoivent les particules érodées.
Dans le Nord, l'érosion se fait à l'échelle de bassins versants, sur de grandes surfaces, parfois 10 000 ha. Certaines actions doivent être menées à cette échelle, ce qui oblige à coordonner plusieurs acteurs, mais d'autres concernant les pratiques culturales, par exemple, sont gérées à la parcelle. À ce niveau, l'enherbement des bouts de champs permet de piéger les particules efficacement. Quand on descend dans le bassin versant et que le ruissellement se concentre, les chenaux enherbés sont intéressants, mais également les haies ou les fascines. Implantées perpendiculairement aux axes d'écoulement, les fascines ou les haies filtrent le ruissellement. Si l'eau circule à la vitesse de 10 cm par seconde lorsqu'une haie est jeune, on sait qu'avec le vieillissement, cette vitesse ne sera plus que de 5, voire 2 cm, par seconde. Mais pour que la sédimentation soit efficace, la densité de tiges de la haie doit être supérieure à 50 par mètre linéaire.
Il faut donc bien choisir les espèces qui, au bout de cinq à dix ans, atteindront l'efficacité attendue. Au moment de la plantation, 6 plantes sont installées par mètre linéaire, pour un coût estimé (en 2009) à 30 euros HT et un coût d'entretien annuel à 3 euros HT toujours par mètre linéaire. Le cornouiller sanguin, le prunellier, le noisetier, la viorne, le fusain d'Europe et le charme conviennent bien à ce type d'ouvrage et ont été les espèces les plus utilisées si l'on en croit une enquête menée auprès de 44 collectivités réparties dans trois départements et ayant planté 46 km de haies. Un mulch au pied de la haie renforce son efficacité. En 2014, cela faisait dix ans que Jean-François Ouvry suivait ces démarches de lutte contre l'érosion, et 80 km de haies avaient été replantés, soit 600 chantiers réalisés dans la Haute-Normandie.
Les fascines ont, quant à elles, un coût supérieur, à savoir 83 euros le mètre linéaire, pour une durée de vie limitée à 5 ans. Par contre, elles se montrent efficaces dès leur mise en place.
Pascal Fayolle
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