PBI : des outils pour mieux cibler les interventions
L'institut technique de l'horticulture, Astredhor, et l'Institut national de la recherche agronomique, Inra, travaillent de concert pour mettre au point des outils destinés à aider les producteurs dans la gestion sanitaire de leurs cultures en protection biologique intégrée (PBI).
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Le projet OAD Serres, initié en 2012, consiste à développer des outils d'aide à la décision (OAD) pour la protection raisonnée des cultures horticoles sous serre. Accessibles sur ordinateurs, tablettes et smartphones, ils permettent un suivi de l'ensemble des espèces présentes dans les cultures : maladies, ravageurs mais aussi auxiliaires. Quatre stations Astre-dhor sont partenaires de ce programme Casdar (Scradh, Arexhor Pays de la Loire, Creat et GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest), avec l'Institut Sophia Agrobiotech de Sophia-Antipolis (Unité mixte de recherche Inra-CNRS-Université de Nice, 06), et la chambre d'agriculture des Alpes-Maritimes. La rose fleur coupée a servi de modèle pour un premier prototypage. Des OAD sont depuis peu en cours d'expérimentation en culture de plantes en pot (projet Otelho).
1. LA NÉCESSITÉ D'UNE OBSERVATION RÉGULIÈRE EN PBI
En protection biologique intégrée (PBI), la surveillance continue des cultures doit permettre de détecter la pression montante des nuisibles suffisamment tôt (avant les pics), pour que l'intervention soit efficace. Lâchés trop tôt en saison, les auxiliaires peuvent ne pas s'installer faute de nourriture ou de conditions environnementales appropriées ; trop tard, ils peuvent ne plus être en mesure de juguler l'infestation. Le maintien d'un équilibre optimal entre bioagresseurs et auxiliaires est donc crucial pour la réussite de la lutte biologique. Les observations doivent respecter un protocole adapté aux contraintes du producteur afin d'obtenir des données exploitables : échantillonnage des plantes sur la parcelle, technique de battage, périodicité et conditions de notations, échelle de gravité des symptômes... Par ailleurs, l'observateur doit être en mesure de reconnaître les ravageurs et les maladies et il doit porter une attention particulière aux auxiliaires, qu'ils soient introduits ou indigènes. Ces derniers peuvent, en effet, se révéler précieux dans le maintien de l'équilibre des populations biodéfenseurs - bioagresseurs.
2. FACILITER LA PRISE DE DÉCISION EN PRODUCTION
Les outils télématiques du projet OAD Serres ont été développés en 2012 à partir de ceux mis au point en interne par l'Inra Sophia Antipolis, qui a commencé à travailler sur le sujet dès 2002. Une plate-forme gérée par l'institut de recherche (Sophi@datamarket ou S@M, en ligne sur http://sam.sophia.inra.fr/sam/index_courant.html) rend disponible, à tout moment et n'importe où, l'accès aux outils (logiciels de saisie, d'interprétation, de modélisation) et aux informations enregistrées. Sur la parcelle, le producteur ou l'expérimentateur saisit ses notations directement sur tablette (en mode connexion ou hors-ligne), ou a posteriori sur ordinateur. Les données sont centralisées sur la base de S@M. Les variables enregistrées (jusqu'à vingt-neuf selon l'équipement de l'exploitation) sont agronomiques (stades de culture, longueur de tige...), épidémiologiques (ravageurs, maladies, auxiliaires), abiotiques (température, hygrométrie) et peuvent aussi intégrer les interventions (gestion de la serre, traitements chimiques et biologiques). À partir de ces enregistrements, S@M fournit des tendances de risque épidémiologique pour chaque bioagresseur. Le producteur peut visualiser la dynamique des populations (utiles et nuisibles) semaine après semaine, et ainsi déclencher les interventions en temps voulu. La représentation graphique proposée est non seulement temporelle mais également spatiale. « L'OAD ne fournit pas de proposition de traitement », précise Christine Poncet, directrice adjointe de l'Institut Sophia Agrobiotech. « Il ne remplace pas le producteur dans la prise de décision. » Elle ajoute : « La plate-forme ne travaille pas avec des seuils d'intervention. Avec cette notion, on bannit en effet les spécificités d'une production. Un seuil peut être plus ou moins bas selon l'ambiance de la serre et les dynamiques de population qu'elle induit (croissance rapide ou lente). C'est au producteur de fixer éventuellement des seuils, parce qu'il connaît son exploitation. »
3. RESSOURCES ET MODÈLES DE PRÉVISION
S@M propose des outils de reconnaissance facilitant l'observation : photothèque, modules de formation. Les modes opératoires d'échantillonnage sont détaillés. La plate-forme fournit d'autres ressources : liste des produits phyto-sanitaires compatibles, espèces végétales utilisables comme plantes de biocontrôle, forum de discussion...
La base de données conserve l'historique des problèmes épidémiologiques et des interventions. Les chercheurs peuvent ainsi exploiter les données récoltées sur le terrain pour produire des connaissances génériques sur les épidémies (impact des pratiques culturales et des traitements, interactions biotiques...) et établir des modèles prévisionnels.
Avec la généralisation de ces outils sur les exploitations, le transfert automatique des observations pourrait à terme implémenter les bulletins de santé du végétal. Encore faudrait-il que les protocoles d'observation établis pourle projet OAD Serres et pour le Guide d'épidémiosurveillance des productions horticoles soient harmonisés.
4. UN TEMPS D'OBSERVATION À DIMINUER
« Nos métiers changent, l'observation devient obligatoire », analyse Benjamin Fourmillier, producteur de roses à La Crau (83), qui a testé l'OAD pendant un an (voir l'encadré de la page 12). « Une heure de surveillance hebdomadaire, ça devient acceptable, ça peut permettre d'éviter un traitement (soit une intervention d'une heure et demi en moyenne). Nous sommes sur la bonne voie, mais ce n'est pas fini. » Pour Pascal Portella, rosiériste à La Garde (83), pour tenir compte de l'hétérogénéité de l'exploitation (variétés différentes, effets de bordure...), « il faudrait faire des observations sur sa totalité et là, c'est un autre travail ! » Au final, l'observation des zones d'échantillonnage prend encore trop de temps pour les producteurs. Et ce, malgré l'utilisation du protocole « QuickSampling » créé par l'Inra pour simplifier le suivi épidémiologique. Cette méthode de classes visuelles d'abondance est moins précise que l'observation par comptage, mais donne des tendances. Ainsi, pour la rose, sur une zone de 500 m2, un échantillon pour 5 m2 de culture est observé. Pour chaque point, différentes strates de la plante sont notées (« poumon » et tige récoltée). Pour chacune d'elles, l'observateur attribue une note indiquant l'intensité de présence de l'agent nuisible ou utile (1 absence, 2 présence, 3...). Le stade de développement du ravageur est également précisé.
5. LA VALORISATION DÉPENDANTE DES FINANCEMENTS
Sur le terrain, les OAD présentent un réel intérêt, en incitant le producteur à surveiller de manière régulière et cadrée ses cultures. D'année en année, l'observation des dynamiques de population dans le contexte de sa serre (températures, hygrométrie, variétés...) peut lui permettre d'affiner sa stratégie de protection en lui offrant une meilleure connaissance du comportement des ravageurs et auxiliaires. Certains points restent cependant à optimiser, comme le temps d'observation et l'échantillonnage. L'outil n'est pour l'instant exploitable qu'en culture de rose. « Pour assurer pleinement son utilisation, des modules complémentaires restent toutefois à développer, telles les bases de reconnaissances des ravageurs et auxiliaires spécifiques des cultures concernées », précise Fabien Robert, directeur scientifique et technique d'Astredhor. « Doivent également être optimisées les possibilités d'accès via les tablettes et smartphones. Ces développements restent dépendants de financements FranceAgriMer à venir, qui permettraient d'envisager un accès aux producteurs en fin d'année 2015. »
Valérie Vidril
Consultation graphique des données grâce à la plate-forme S@M. PHOTO : INRA
Les observations doivent respecter un certain protocole, l'idéal étant d'effectuer les mesures à la même heure. Ici, battage du bouton floral. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Après le battage du poumon des rosiers, les individus récoltés sur fond blanc feront l'objet d'observations. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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