Déshumidification : des économies au cas par cas en fleurs coupées
Dans le Lien horticole n° 929, un article présentait les résultats du programme national Astredhor mené sur des conduites économes en énergie en plantes en pot à l'Arexhor Grand-Est et au GIE Fleurs et plantes (Astredhor Sud-Ouest). Dans ce numéro, sont donnés les bilans de ce même programme obtenus en fleurs coupées sous abri par le Scradh et le Cate.
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En production de fleurs coupées sous abri, les conduites climatiques économes en énergie font appel à la diminution des températures de chauffage, à l'accroissement des écarts de température entre jour et nuit, et à l'augmentation des écarts entre les consignes de chauffage et d'aération. Ces consignes sont choisies de façon à moins chauffer la nuit et mieux profiter des apports solaires gratuits dans la journée. Les températures plus élevées des jours ensoleillés compensent les températures plus faibles des jours couverts. C'est l'intégration des températures. Ces conduites permettent d'économiser de 5 à 25 % d'énergie (parfois plus) selon le type de culture, le climat local et l'intensité de l'intégration appliquée. Mais elles sont difficiles à mettre en oeuvre en hiver quand il y a peu d'ensoleillement.
1. CONFINEMENT ET RISQUES PHYTOSANITAIRES
Elles se traduisent par un confinement plus important des serres. On accroît alors les risques d'excès d'hygrométrie, et donc les risques phytosanitaires et de manque de qualité. Ces risques ne sont pas à négliger en zone océanique entre octobre et mars. Ils sont moins systématiques en région méditerranéenne. Or, la lutte contre les excès d'hygrométrie par la technique classique qui associe chauffage et aération est très énergivore. Pour maximiser les économies d'énergie, le Cate (Astredhor Loire-Bretagne) et le Scradh (Astredhor Méditerranée) se sont demandés s'il était possible de recourir à une gestion découplée des températures et de l'hygrométrie en utilisant les déshumidificateurs thermodynamiques. Ces appareils sont équipés d'un groupe frigorifique. L'air à traiter traverse un échangeur froid sur lequel la vapeur d'eau se condense. Puis l'air refroidi est réchauffé par passage sur le condenseur avant sa réinjection dans la serre.
2. ESSAIS DANS L'OUEST SUR DES FLEURS ANNUELLES
Des essais ont été conduits au Cate sur différentes annuelles (lisianthus, giroflée, tournesol, célosie, muflier) pour évaluer des conduites climatiques économes en énergie. Ils ont été réalisés avec un chauffage allant de 5 à 14 °C selon les espèces et les périodes dans une serre très confinée pour garder le plus de chaleur possible et en utilisant un déshumidificateur thermodynamique (surtout la nuit). L'appareil est un Micro HortiDeshu de ETT aux caractéristiques suivantes : puissance électrique de 4,5 kW, débit d'air de 2 500 m3/h, poids d'eau évacué de 3,2 kg/h à 10 °C et 85 % HR (humidité relative), température minimale de fonctionnement : 10 °C. Ces essais ont montré une réelle efficacité pour limiter l'hygrométrie de la serre qui chute rapidement jusqu'au seuil choisi lorsque l'appareil se met en route et cela, avec une consommation électrique modérée qui a été de 10 à 19 kWh/m²/an. Pour limiter la consommation électrique, un fonctionnement par intermittence a été choisi (1 heure de fonctionnement suivi d'un arrêt de 1 à 2 heures avant le redémarrage).
Économies d'énergie et qualité sanitaire
Les problèmes de condensation sur les plantes ont été très atténués. Un très bon état sanitaire des cultures a été obtenu contre les parasites Botrytis, oïdium et mildiou, y compris en diminuant les traitements. Des répercussions très positives sont donc observées pour des cultures réalisées en période hivernale dans des conditions très confinées.
Les économies d'énergie ont atteint 20 à 30 % (en tenant compte de la consommation électrique du déshumidificateur) pour les espèces exigeantes en chaleur (célosie, lisianthus) car on peut confiner beaucoup plus les serres. Du fait des différences de coût unitaire entre le gaz et l'électricité, l'économie en termes de coût est de 10 à 20 %. L'intérêt du dé-shumidificateur est moindre pour les cultures en période estivale - puisqu'on peut aérer plus facilement - et/ou les espèces à faibles besoins de chauffage (giroflée, muflier). Pour ces dernières, la déshumidification permet surtout de diminuer les risques sanitaires d'une conduite économe en énergie et il est nécessaire d'utiliser un déshumidificateur fonctionnant jusqu'à des températures de 5 °C (ETT, Giordano Industries).
3. ESSAIS DANS LE VAR SUR ROSIER POUR LA FLEUR COUPÉE
En rosierpour la fleur coupée, le contrôle de l'hygrométrie de la serre est la base de la lutte contre le Botrytis dont les symptômes peuvent s'exprimer durant toutes les étapes du circuit commercial et entraîner le déclassement du produit. La déshumidification reposant sur l'aération de la serre et/ou, si cela est insuffisant, sur le chauffage associé à une ouverture plus ou moins prononcée de l'abri, est prioritaire sur les économies d'énergies qui sont donc limitées par le risque sanitaire. L'objectif des essais réalisés au Scradh a été d'observer l'intérêt technique et la rentabilité d'un déshumidificateur thermodynamique pour une culture en climat méditerranéen de façon à optimiser la consommation d'énergie.
Déshumidification et conduite de chauffage abaissée
La consommation énergétique a été comparée pour deux cultures de rosier économes en énergie (même consigne de température et même conduite de plantes) mais gérées différemment pour la déshumidification : une serre de référence avec déshumidification classique par chauffage et aération, et une autre serre avec un déshumidificateur thermodynamique. Le rendement en fleurs et la qualité ont été mesurés sur les variétés 'Sweet Avalanche' et 'Milva', présentes dans les deux unités. Selon les saisons et le stade des cultures, les consignes de chauffage variaient de 5 à 15 °C. On sait que cette conduite permet d'obtenir 50 % d'économie d'énergie par rapport à une conduite de référence, tout en produisant en hiver. Le déshumidificateur utilisé était un Micro HortiDeshu de ETT. Sa limite de fonctionnement à 10 °C a été un frein. Une limite à 5 °C aurait été préférable.
Pas de botrytis, pas d'économie financière
Durant les campagnes de 2011 à 2013, et malgré des automnes et hivers humides, la qualité des roses a été normale et aucun symptôme de Botrytis n'a été observé. Les deux itinéraires techniques comparés ont été efficaces du point de vue sanitaire. Les productions de fleurs des deux serres ont été très proches. L'impact du déshumidificateur sur le climat a été nettement visible. L'hygrométrie a très bien été contrôlée et, en période non chauffée, elle est gérée plus facilement par l'appareil que par le chauffage et l'aération. Cet essai permet de valider l'adaptation de l'appareil Micro Horti Déshu pour une surface d'abri de 500 m².
Si l'efficacité technique du déshumidificateur thermodynamique a été démontrée, son utilisation n'a pas généré dans cet essai d'économies financières. En effet, la consommation électrique avec un kWh électrique plus cher que le kWh gaz a compensé l'économie de gaz qui a été réalisée. Un amortissement raisonnable de la machine dont le prix d'achat reste élevé n'est donc pas possible dans ces conditions.
4. INTÉRÊT DÉPENDANT DE LA GÉOGRAPHIE
La déshumidification thermodynamique permet la mise en oeuvre de conduites climatiques économes en énergie avec un confinement important des abris sur de longues durées tout en limitant les risques liés aux excès d'hygrométrie. Une analyse technico-économique avec un dimensionnement pertinent doit être menée au cas par cas pour préciser la rentabilité prévisionnelle d'un tel investissement. La déshumidification thermodynamique sera plus difficile à justifier économiquement en zone continentale ou méditerranéenne. Dans l'ouest de la France où la proportion d'énergie consommée pour la seule déshumidification des abris est plus importante, la période d'utilisation est plus longue et l'intérêt technique est nettement plus évident. La rentabilité économique sera alors plus facile à trouver. L'évolution du prix des déshumidificateurs participera également aux possibilités de développement de cette technique en horticulture. D'autres techniques de déshumidification sont également en cours d'évaluation en serre comme la ventilation double flux.
Laurent Mary (1) et Laurent Ronco (2)
(1) Astredhor Loire-Bretagne - Cate, 29250 Saint-Pol-de-Léon (laurent.mary@astredhor.fr).(2) Astredhor Méditerranée - Scradh, 83400 Hyères (laurent.ronco@astredhor.fr).
Pour la giroflée ou le muflier (ici à l'approche de la récolte, le 28 octobre 2014), moins exigeants en température, la déshumidification permet surtout de diminuer les risques sanitaires d'une conduite économe en énergie, en particulier en hiver, mais le potentiel d'économie d'énergie est plus faible. PHOTO : CATE
Serre de rosier en hors-sol et déshumidificateur (au fond de la serre). PHOTO : SCRADH
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