Les animaux, véritables alliés des gestionnaires écoresponsables
Avec le développement de la gestion durable des territoires, les collectivités ont porté un nouveau regard sur les animaux en tant que partenaires pour l'entretien des espaces naturels et paysagers.La 30e Arborencontre organisée par le CAUE de Seine-et-Marne, au domaine de La Grange-la-Prévôté, à Savigny-le-Temple (77), a permis de faire le point sur les différentes utilisations possibles.
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Ces dernières années, les expériences de collectivités territoriales faisant appel à des animaux domestiques pour entretenir certains sites se sont multipliées. Cette nouvelle approche peut être mise en relation avec le développement de la gestion différenciée, les contraintes législatives de plus en plus fortes sur les désherbants chimiques et la nécessité de mettre en oeuvre des techniques plus respectueuses de l'environnement. Trois grandes catégories de pratiques ont été abordées lors de cette journée : l'écopâturage, l'emploi de la traction animale et l'utilisation d'oiseaux ou de mammifères comme auxiliaires des cultures.
1. L'ÉCOPÂTURAGE, UNE SOLUTION POUR LA GESTION EXTENSIVE
L'utilisation d'animaux domestiques (vaches, moutons, chèvres) pour l'entretien d'espaces enherbés est une pratique ancestrale dans les zones rurales et de montagnes. En revanche, son développement en milieu urbain est plus récent, soit une vingtaine d'années pour les expériences les plus anciennes. Aujourd'hui, on estime à près de 200 le nombre de collectivités ayant recours à ces pratiques pour entretenir des sites le plus souvent caractérisés par de grandes superficies, un relief escarpé ou un accès difficile.
Si le pastoralisme fait appel à un berger qui déplace son troupeau au gré de la présence de nourriture, l'écopâturage consiste à installer le bétail sur un lieu, en le laissant sans surveillance constante. Les bénéfices apportés à la collectivité par cette technique sont multiples. Tout d'abord, elle permet de réduire l'impact environnemental des travaux d'entretien (baisse des émissions de polluants, de la consommation de carburants, de la production de déchets...).Ensuite, elle peut contribuer à la lutte contre les plantes envahissantes et à la conservation de milieux ouverts, ce qui favorise la diversité floristique et faunistique. Cela peut notamment être une façon de préserver des espèces que l'on a peu l'habitude de rencontrer en milieu urbain, comme les insectes ou champignons coprophages, se nourrissant de déjections, ou certains oiseaux insectivores. L'écopâturage favorise également la sauvegarde de races domestiques anciennes dont certaines étaient menacées d'extinction. Enfin, parce que ce type d'animaux dispose d'un fort capital sympathie auprès des citadins, l'écopâturage s'avère un outil intéressant pour entrer en contact avec la population et la sensibiliser sur les questions environnementales.
2. DIVERSES RÈGLES À PRENDRE EN COMPTE ET RESPECTER
Mais pour être bien comprise et acceptée, la démarche doit être accompagnée d'une communication adaptée qui précise les enjeux de l'écopâturage et les règles à respecter pour le bien-être des animaux et pour éviter les accidents. Réussir sa mise en place implique de l'intégrer dans une démarche globale de gestion différenciée. Les animaux n'étant pas installés à demeure, il est indispensable de planifier les rotations en tenant compte des objectifs de gestion, du contexte environnemental et social. Un inventaire du milieu et des contraintes doit être réalisé en préalable à l'installation des bêtes, afin d'adapter le cheptel (nombre d'individus, races et durée d'installation sur les parcelles). Des relevés réguliers au fil des années permettront d'ajuster le plan de gestion, si les objectifs fixés au départ ne sont pas atteints. Il faut aussi réfléchir au mode de fonctionnement - régie ou prestataire de service - en fonction des moyens humains, matériels et financiers à disposition au sein de la collectivité. La gestion et le transport d'animaux vivants sont soumis à diverses lois et réglementations et à un suivi sanitaire. Cela impose en premier lieu de respecter des conditions de vie compatibles avec les besoins vitaux des animaux. En outre, les personnes en charge des troupeaux doivent disposer d'une formation appropriée.
3. DES CHEVAUX EN VILLE, DE MULTIPLES SERVICES RENDUS
Si quelques communes ont fait appel dès le début des années 1990 aux chevaux ou aux ânes pour effectuer différentes tâches au sein de leurs territoires, il faut attendre les années 2000 et l'engagement plus généralisé des collectivités vers des démarches de développement durable pour voir se multiplier ces pratiques. La Fédération nationale des chevaux territoriaux estime à une trentaine le nombre de communes concernées en 2006 et près de dix fois plus aujourd'hui. Les principaux usages du cheval ou de l'âne se répartissent en plusieurs catégories :
- Médiation et sécurité : surveillance des parcs, insertion sociale ;
- Traction : débardage, tonte, labour sur des sites fragiles ;
- Transport : collecte de déchets, arrosage de pieds d'arbres ou de massifs ;
- Transports de personnes : transports scolaires, promenades touristiques ;
- Entretien : pâturage sur des espaces ruraux ou boisés.
Sur le plan environnemental, l'utilisation du cheval s'intègre parfaitement dans une politique de développement durable, avec une diminution de l'empreinte écologique des travaux ainsi réalisés et une réduction des nuisances par rapport à l'utilisation de matériels motorisés. Du point de vue social, les atouts sont multiples : réintroduction du vivant dans la ville, valorisation des agents, échanges facilités avec la population, image positive des services techniques et de la ville...
4. DES EMPLOIS, MAIS ÉGALEMENT DES CONTRAINTES
En termes économiques, cela peut permettre la création d'emplois et indirectement de toute une filière, le reclassement d'agents jardiniers, une réduction des coûts d'investissement et de fonctionnement (comparé à du matériel mécanisé). Mais le travail avec des chevaux nécessite des connaissances spécifiques et il existe de nombreuses lois et réglementations relatives aux droits et devoirs des propriétaires ou détenteurs de chevaux. Le plus souvent, la présence d'au minimum deux personnes qualifiées est requise : un cocher qui mène le cheval et un accompagnateur arrière qui réalise les tâches (ramassage des déchets, arrosage, montée des enfants...). Les qualifications sont délivrées par la Fédération française d'équitation (galop attelage) et le ministère de l'Agriculture (certificat de spécialisation agricole « utilisateur de chevaux attelés »). À noter qu'un véhicule hippomobile sur la voie publiquedoit respecter le code de la route.
La Fédération nationale des chevaux territoriaux est une association composée d'élus et de techniciens qui accompagne les collectivités dans leurs projets hippomobiles. Elle propose un appui technique et financier, la mise à disposition d'un expert indépendant pour la réalisation d'études de faisabilité, des conseils sur le choix des races, du matériel de traction, des formations... Elle a permis la création du Centre national des chevaux territoriaux, à l'hippodrome de Clairefontaine (14), un site de démonstration et de formation pour les collectivités territoriales et les citoyens. Elle organise aussi le congrès annuel des chevaux territoriaux qui se déroulera en 2015, les 17 et 18 octobre au Mont-Saint-Michel (50).
5. OISEAUX ET MAMMIFÈRES, AUXILIAIRES DES CULTURES
Le pôle agroécologie et biodiversité fonctionnelle du Ctifl (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes) de Balandran (30)s'intéresse aux relations entre les animaux et le développement des cultures. « Si certains insectes, oiseaux ou rongeurs sont considérés comme des ennemis des cultures, d'autres peuvent s'avérer de précieux alliés pour réguler les populations de nuisibles, avec des coûts faibles et un impact environnemental réduit par rapport à la pose de pièges ou à la mise en oeuvre de traitements phytosanitaires », souligne Michel Jay, chercheur au sein de ce pôle. Il cite l'exemple des mésanges qui se nourrissent de chenilles et peuvent prospecter près de 1 100 arbres par jour en hiver. De nombreux autres oiseaux sont insectivores (sitelles, grimpereaux, pics, fauvettes...) ainsi que les chauves-souris. Certains insectes ravageurs peuvent aussi être régulés par les carabes ou les araignées. Les rapaces, eux, s'avèrent très utiles pour lutter contre les ravageurs de type rongeurs, car ils sont à la base de leur alimentation. Ainsi, un hibou moyen-duc peut consommer plus de 3 300 campagnols par an. Le maintien dans l'environnement de ces populations d'auxiliaires passe par l'arrêt des traitements chimiques pouvant les impacter, la préservation d'un paysage diversifié et l'installation, si besoin, de gîtes artificiels permettant de compenser la faible présence de sites naturels.
Yaël Haddad
L'arrosage des jeunes arbres nouvellement plantés, au lac Daumesnil, dans le bois de Vincennes (94), s'effectue à l'aide d'une remorque hippomobile. PHOTO : VILLE DE PARIS
Friande de chenilles, la mésange peut prospecter plus de 1 100 arbres par jour en hiver pour assurer sa nourriture et celle de sa nichée. PHOTO : MICHEL JAY
À Savigny-le-Temple (77), le domaine de La Grange-la-Prévôté est sillonné par une garde équestre. PHOTO : YAËL HADDAD
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