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Maladies du buis : des alternatives en attendant mieux

Le buis joue un rôle de structure dans les espaces verts publics où il est très présent. Ambassadeur des topiaires, il symbolise l'art des jardins à la française.

Confrontés, depuis plusieurs années, au déclin massif des buis attaqués par la pyrale ou les maladies du dépérissement, les producteurs et les gestionnaires d'espaces verts n'ont parfois pas d'autres choix que d'envisager leur remplacement par d'autres genres ou des variétés tolérantes, comme Ilex crenata, un houx qui ressemble au buis et se prête à la sculpture végétale.

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Comme le palmier avec le charançon rouge et le papillon Paysandisia archon, le buis subit depuis quelques années d'importants dégâts conduisant à son déclin : outre les maladies du dépérissement Volutella buxi et surtout Cylindrocladium buxicola, il doit faire face désormais à la voracité de la pyrale Cydalima perspectalis (1). Le contrôle de ces bioagresseurs est difficile. La journée nationale d'études sur le buis du 4 mars 2015 à Vaux-le-Vicomte (2) a permis de communiquer sur l'avancée des recherches et de constater le désarroi des professionnels à travers les témoignages de gestionnaires de parcs et jardins (Saint-Jean-de-Beauregard - 91, ville de Paris, Levens Hall en Angleterre...).

Dans ce contexte, il est difficile de ne pas se tourner vers des substituts, en attendant de trouver une solution aux fléaux dont le buis est victime. Les attentes sont réelles, comme l'illustrent les deux récompenses du concours Eco-Innovation lors du salon Aquiflor, le 9 septembre dernier, à Bordeaux (33) : le premier prix a été remis à l'entreprise Rezo Plants pour Ilex crenata 'Dark Green', un houx ressemblant au buis ; le second prix a été décerné à la société JPCO (pépinières du Bocage), pour sa sélection d'alternatives au buis, rassemblant des végétaux connus et d'autres moins... En outre, depuis 2014, le GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest (33) étudie le comportement d'une vingtaine de taxons appartenant à six genres. Mais postuler à la succession de cette plante qui symbolise à elle seule l'art du jardin à la française relève du défi. D'autant que la présence du buis dépasse le cadre des jardins patrimoniaux, pour s'imposer dans de nombreux espaces verts et en espaces naturels.

1. TOUT-EN-UN IRREMPLAÇABLE ET SUBSTITUTS

Un végétal robuste aux petites feuilles vertes persistantes et denses, supportant bien la taille notamment en topiaire, à croissance lente, durable et tolérant presque tous les emplacements : le buis rassemble de nombreuses qualités qui le rendent difficilement remplaçable. À défaut de trouver son équivalent, il est possible de sélectionner quelques caractéristiques essentielles du végétal à sélectionner, selon son usage (topiaire, haie basse ou haute...), le sol, les contraintes d'entretien... Quelques plantes (chèvrefeuille, Ilex...) peuvent remplacer le buis dans certaines situations, sans donner entièrement satisfaction dans les jardins à la française aux impératifs esthétiques précis. Les essais de substitution conduits par la ville de Paris, confrontée à des problèmes de pyrale, n'ont pas vraiment convaincu. Dans le parc de Bercy par exemple, véroniques, germandrées, cotonéasters, mais aussi charmes et osmanthes pour les haies, ont remplacé les buis bon gré mal gré. Au domaine de Levens Hall, qui a subi les ravages des maladies du dépérissement, hormis la germandrée (Teucrium x lucidrys), les plantes testées dès 2012 (lavande, sauge, cotonéasters, berbéris, Ilex...) n'ont pas non plus apporté entière satisfaction.

2. DES VARIÉTÉS DE BUIS PLUS OU MOINS TOLÉRANTES

Si les moyens de lutte contre la pyrale Cydalima perspectalis se précisent, il semble peu envisageable de trouver des variétés de buis qui lui résistent, le papillon étant inféodé à Buxus. Quant au dépérissement, de nombreux travaux de recherche sur la sensibilité des différentes espèces et cultivars ont été entamés ou sont en cours (États-Unis, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Angleterre...). Les chercheurs de la North Carolina State University Cooperative Extension ont ainsi évalué la sensibilité à Cylindrocladium buxicola d'une trentaine de variétés de buis en 2012 et 2013 (3). La majorité des variétés sempervirens ont été classées sensibles ou très sensibles. La variété qui s'est avérée la plus tolérante est B. microphylla var. japonica 'Green Beauty'. Les recherches américaines portent désormais sur la mise au point des tests génétiques facilitant la sélection d'individus tolérants.

En dehors de ce facteur intrinsèque, la tolérance varie en fonction de la densité du feuillage et de la santé générale. De bonnes pratiques culturales et d'entretien peuvent limiter l'apparition des maladies (irrigation localisée, fertilisation azotée limitée, absence de tassement du sol...).

3. ILEX CRENATA : UNE DOUBLURE PLAUSIBLE

Ilex crenata est un houx aux petites feuilles lustrées qui ressemble beaucoup au buis et se prête parfaitement à la sculpture végétale. La société belge Oprins en a fait un argument commercial pour vendre ses variétés 'Dark Green' et 'Blondie' en tant qu'alternatives. L'espèce sauvage a une croissance plus vigoureuse que certaines variétés ('Dark Green', 'Stokes', 'Glory Gem'...).

À Levens Hall, Ilex crenata 'Dark Green' semble bien s'accommoder mais ne satisfait pas totalement Chris Crowder, chef jardinier du domaine, car la variété a développé des parties jaunissantes incontrôlées et ne pousse pas uniformément (apparition de longs rejets), ce qui complique la taille. « Ilex crenata jaunit si le sol et le climat ne lui conviennent pas, confirme Jérôme Jullien, expert référent national en surveillance biologique du territoire (Draaf-Sral des Pays de la Loire). Son aire de plantation est donc plus limitée que celle des buis, qui font preuve d'une plus grande plasticité. De plus, ce houx, lorsqu'il est cultivé en situations chaudes et sèches, craint les attaques d'acariens (tétranyques tisserands) en été. » Autres contraintes soulevées par Chris Crowder : sa moindre durabilité (à remplacer environ tous les 15 ans, contre tous les 50 ans pour les buis), ses besoins en fertilisation, sa sensibilité au gel. 'Dark Green' est aussi le choix du parc du château du Paleis Het Loo, aux Pays-Bas, dont les buis sont touchés par Cylindrocladium depuis 2009. En 2015, deux ans après la première plantationdu houx crénelé, le jardinier Marco Zieleman ne regrette pas son choix, tout en notant qu'Ilex est sensible à la pourriture des racines et qu'il doit être taillé deux fois par an au lieu d'une fois pour Buxus.

4. CANDIDATS POUR GRANDES HAIES ET TOPIAIRES

Le classi-que Taxus baccata au port compact et aux petites aiguilles souples est une alternative à privilégier pour les grandes topiaires. Il est résistant au gel et supporte très bien les tailles répétées et de toutes formes. Rustique, l'if peut être planté partout, excepté dans les emplacements trop humides. « Taxus baccata est souvent associé aux buis dans les jardins paysagers du début du XXe siècle, précise Jérôme Jullien. Attention, ses baies sont toxiques. De plus, il est sensible à des cochenilles à carapace. Il conviendrait moins pour les petites bordures en remplacement de Buxus sempervirens 'Suffruticosa'. » Le charme Carpinus betulus est classiquement utilisé dans les jardins réguliers à la française sous forme notamment de charmille, où il est conduit comme un arbuste. « Il y a donc des limites de hauteur pour assurer un port compact. De plus, le feuillage est marcescent, donc roussit en automne pour redémarrer au printemps, ce qui peut altérer l'esthétique d'un jardin d'ornement. Il est plutôt destiné à la réalisation de grandes haies ou rideaux pour souligner les perspectives (Versailles - 78, Vaux-le-Vicomte - 77, Chantilly - 60...). »

Pour des formes boules, les variétés à croissance lente de Pinus mugo, comme 'Humpy' ou 'Benjamin', peuvent se substituer au buis. Prunus lusitanica 'Angustifolia' (laurier du Portugal), arbuste touffu au feuillage persistant et luisant, peut être taillé en boules d'au moins 50 à 60 cm, mais il préfère les hivers doux. Phillyrea angustifolia supporte également la taille.

5. QUELQUES POSTULANTS POUR PETITES BORDURES

Pour les petites haies d'enceinte qui doivent garder en permanence une hauteur de 20 à 30 cm, le choix est plus délicat et doit se porter sur des végétaux rustiques, à petit développement et/ou croissance lente, à feuillage dense et persistant, et tolérant la taille. Parmi les candidats, citons Lonicera nitida (chèvrefeuille à feuille de buis) 'Maigrün' et Berberis buxifolia 'Nana' (attention aux épines). C'est aussi le cas d'Osmanthus x burkwoodii, « mais ses feuilles sont plus larges que celles du buis et son port moins compact », selon Jérôme Jullien, qui l'estime difficilement utilisable pour la confection de petites bordures. « Il conviendrait mieux à la réalisation de certaines topiaires (à partir d'un diamètre d'environ 40 cm) ou buissons de hauteur moyenne. » L'osmanthe donne en avril une profusion de petites fleurs blanches parfumées.

Dans son article « Peut-on vivre sans bordures de buis ? » (18 mai 2015, https://natureenvilleacergypontoise.wordpress.com), Gilles Carcassès, chargé de mission « biodiversité » à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (95), propose le lierre, « à condition de choisir une variété à port compact et petites feuilles (comme Hedera helix 'Sagittifolia' par exemple, mais il en existe beaucoup d'autres) et de lui faire garnir un support métallique. Il faudra de la patience, mais ce sera très solide ». La contrainte du support, nécessaire à l'obtention d'un port compact, « constitue un coût supplémentaire non négligeable, sans garantie de succès quant à l'homogénéité des bordures », complète Jérôme Jullien.

La santoline est une plante de mosaïculture classique. La variété type à feuillage vert convient pour constituer des petites bordures. Elle est toutefois beaucoup moins pérenne que le buis (jusqu'à quarante ans, voire soixante ans et plus). « Au bout de quelques années, la santoline produit du vieux bois à cause des tailles répétées et se dégarnit. » De même, l'alchémille vit moins longtemps, mais est intéressante pour les bordures de massifs fleuris.

D'autres genres présentent trop d'inconvénients pour offrir une solution satisfaisante, comme Rosmarinus officinalis 'Prostratus' (port trop rampant, sensible au gel et à la chrysomèle américaine, une défoliatrice aussi vorace que la pyrale du buis). Euonymus fortunei et Euonymus japonicus 'Microphyllus' sont des plantes solides au feuillage persistant et au port relativement compact, intéressantes pour les haies basses. « Mais leur inconvénient majeur est leur sensibilité à l'oïdium (surtout en plantation serrée à cause du confinement de végétation) et à la cochenille à bouclier du fusain, souligne Jérôme Jullien. Donc, à éviter, si l'objectif de la substitution des buis est de limiter les traitements phytosanitaires ! »

6. UNE OPPORTUNITÉ DE DIVERSITÉ

Pour Gilles Carcassès, « peut-être que la vraie question, comme pour les désherbants, n'est pas "par quoi je remplace ?" mais "comment je m'en passe ?" » Pour le naturaliste, il est important de prendre du recul sur cette question des bordures et des topiaires : « N'y a-t-il pas d'autres esthétiques possibles pour nos aménagements modernes ? Il faudrait aussi au passage tordre le cou au diktat des haies persistantes. Retrouvons le plaisir des saisons avec des haies composées d'arbustes caduques, aux couleurs et formes si variées. Et n'oublions pas que le besoin d'intimité au jardin se fait vraiment sentir aux saisons où l'on en fait usage, c'est-à-dire lorsque les feuilles ont poussé ! »

Reste la question des jardins historiques. En l'absence de solutions adaptées, ils devront certainement subir quelques évolutions, avec le remplacement de leurs buis par d'autres genres ou un renouvellement contemporain...en attendant mieux.

Valérie Vidril

(1) Voir les Lien horticole :- n° 728 « Maladies et ravageurs du buis », pages 12-13 ; - n° 855 « La pyrale du buis toujours plus gourmande », page 6 ; - n° 939 « C'est la cylindrocladiose du buis », pages 12-13. (2) Voir le Lien horticole n° 930 « Buis : l'avenir en noir des bordures et broderies de nos châteaux », pages 12-13 et le compte rendu téléchargeable sur http://tinyurl.com/q3fxnx6p://tinyurl.com/nvwk3cgurl.com/psbksh8 (3) Synthèses téléchargeables sur http://tinyurl.com/nvwk3cg et http://tinyurl.com/q3fxnx6

La pyrale du buis occasionne des dégâts spectaculaires. Sa répartition est telle que son éradication n'est plus envisageable. En laboratoire, les essais de lutte biologique démarrent seulement.

Les maladies de dépérissement du buis, dont Cylindrocladium buxicola qui se développe en Europe depuis une dizaine d'années, provoquent le déclin massif des buis dans les jardins et en milieu naturel.

Malgré ses inconvénients (pousse irrégulière, sensibilité au pH du sol et aux acariens...), llex crenata 'Dark Green' représente actuellement l'une des meilleures alternatives pour remplacer le buis.

Depuis 2014, le GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest (33) étudie le comportement d'une vingtaine de taxons appartenant à six genres : Buxus, Berberis, Euonymus, Ilex, Pittosporum et Myrtus.

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