« Il n'y a plus de volumes vendus mais juste des prix »
Pour Pierre Carté, il est de plus en plus difficile de travailler avec les enseignes dédiées au jardin. Toujours amoureux de son métier, le producteur dénonce les prix tirés et le manque de prise de risques des jardineries qui n'ont jamais été aussi nombreuses mais ne vendent plus assez de végétaux...
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« Aujourd'hui l'horticulteur que je suis prend tous les risques : je m'engage au mois de septembre à acheter 2,5 millions de jeunes plants de plantes annuelles, plus ceux que je commande au fil de la saison. Je passe commande en mai pour les bisannuelles afin d'être livré en octobre », explique le producteur Pierre Carté. « Je dois avoir en stock tous les contenants avec le bon code-barres, et je ne sais pas ce que je vais vendre au final, cela dépend de la météo, avec des commandes qui arrivent au dernier moment. Nous sommes des intermédiaires, compressés, pressurés. Je n'ai plus de marge de manoeuvre. Et pour espérer compter sur le marché, je dois pouvoir proposer une gamme, un stock et une livraison à tout moment. » Pierre Carté produit 4 millions de plantes annuelles et bisannuelles sur 6 hectares de serres chauffées. Il a démarré en 1972 avec une serre de 30 m2 chauffée à l'aide d'un poêle à bois. Installé à Fleurance (32), entre Auch (32) et Agen (47), il a commencé la production horticole à l'âge de 21 ans avec des géraniums, des plantes à massif du moment et des plants de légumes, à côté de ses parents qui étaient maraîchers et cultivaient un peu de vigne. L'évolution de la surface a été progressive, tout se faisant en auto-construction de serres et tunnels.
Pierre Carté est-il devenu amer au fil des années ? Oui et non : « Moi, j'aime mon métier et il faut l'aimer sans regarder les soucis. J'ai toujours envie de rire, de sourire, de travailler, et de continuer mon activité. Mais voir les collègues qui arrêtent, ça m'embête. Il n'y a jamais eu autant de jardineries dans notre pays mais paradoxalement on ne vend plus de végétaux. »
Pierre Carté commercialise toute sa production auprès de jardineries, dont un tiers est constitué de magasins indépendants, dans un rayon de 350 kilomètres : « Mes camions doivent pouvoir faire l'aller et retour dans la journée, pour venir recharger la marchandise et repartir le lendemain. » Une flotte de dix véhicules en propre au sein de l'entreprise donne de la souplesse et de la réactivité : « S'il faut une livraison le samedi en dépannage, nous sommes prêts. Les points de vente ne veulent plus de stock. Il faut être prêt à tout, à livrer ou à jeter ! »
De nouveaux lots de plantes chaque semaine
Les 4 millions de végétaux sont répartis en 50 % de plantes à massif classiques, dont près d'1 million de bisannuelles, 25 % de géraniums et 25 % de plantes de diversification. À cela s'ajoutent 80 000 chrysanthèmes, 500 000 plants de légumes traditionnels mais aussi des plants greffés (tomates, aubergines, poivrons, pastèques, melons) et 50 000 aromatiques et médicinales. « Cette année, nous allons proposer 4 variétés de courgettes et 14 de tomates, dont 4 apéritives. Nous mettons en culture 50 000 plants de tomates par semaine pour garantir une fraîcheur des produits livrés tout au long de la saison. » De 200 000 et 300 000 plants germés, au total, nous sont livrés chaque semaine, entre les mois de février et de juin. Près de 50 000 à 80 000 plants sont rempotés chaque jour, dans 100 m3 de terreau par semaine. Les plantes sont cultivées en plaques de distançage, avant d'être reconditionnées en barquettes de 6 ou 10, selon les besoins de la distribution. « Quand un client nous fait une demande particulière, de telle plante en godet de 8 au lieu de 7, nous sommes obligés d'y répondre positivement, sinon nous arrêtons tout ! », explique Pierre Carté.
Toutes les barquettes ou les pots ont leur propre code-barres spécifique. Ce système, qui simplifie la vie du distributeur, implique considérablement le producteur. En effet, il doit se constituer en début de saison son stock complet de pots et de barquettes avec tous les codes-barres spécifiques, ce qui suppose une mobilisation de trésorerie conséquente.
Entre 25 et 70 personnes travaillent au sein de l'entreprise selon les saisons, soit un équivalent de 40 travailleurs à temps plein. Ces personnes connaissent les exigences du métier, la souplesse à avoir pendant les deux mois et demi que dure la saison. Elles sont impliquées et volontaires. Le chef de culture est un jeune homme titulaire d'un BTS, Pierre Alberny.
Le climat s'en mêle aussi
L'hiver 2015-2016 a connu une météo très spéciale, un temps très doux. En conséquence, les plantes sont très en avance, en particulier les primevères (voir le Lien horticole n° 963 du 9 mars 2016, p. 4). Mais les bisannuelles ne sont pas seules concernées. « Les géraniums sont en avance, il faut également les effleurer. Nous sommes complètement tributaires des aléas climatiques. L'été dernier, il a fait 50 °C dans les serres. Toutes les plantes que nous avions en 3 l pour la période estivale ont carrément brûlé. Le pourcentage de pertes est passé de 10 ou 12 % à 20 % à cause de la mévente. Il n'y a plus de volumes vendus, il n'y a plus que des prix, » constate Pierre Carté.
Garder le sourire et continuer
« Nous ne faisons pas du tout de vente à destination des particuliers, mes frères ont une jardinerie à la sortie de la ville de Fleurance. Notre force, c'est notre capacité de livraison, notre gamme de plantes et leur fraîcheur régulière, ainsi que les quantités disponibles. Mais à quel prix ? Et jusqu'à quand ces critères constitueront encore notre force ? Mon fils Mathieu assure la relève de l'entreprise. Il faut toutefois réfléchir pour pouvoir développer la demande en végétaux, éduquer le consommateur afin qu'il ait l'envie d'acheter des plantes diversifiées et de qualité, commente Pierre Carté. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être moyens. Nous nous devons d'être très bons, de proposer des plants impeccables et de croire en notre métier ! »
Cécile Claveirole
Des aléas climatiques L'hiver 2015-2016 a connu une météo très spéciale, un temps très doux. En conséquence, les plantes sont particulièrement en avance. À la mi-février, les géraniums ont dû être effleurés une première fois.
Des produits Près de 50 000 plantes aromatiques et médicinales sont produites pour les jardineries. L'objectif de l'entreprise est de toujours élargir sa gamme afin de pouvoir répondre aux attentes des consommateurs.
Des chiffres De 50 000 à 80 000 plants sont rempotés chaque jour et chaque semaine l'exploitation utilise environ 100 m3 de terreau. Au total, près de 4 millions de végétaux sont vendus au cours d'une année.
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