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Composteurs partagés : une entrée réussie dans l'habitat collectif

Pour favoriser le lien social, l'entreprise Alliade Habitat a fait le choix en 2011 d'installer des composteurs au sein d'immeubles existants.PHOTO : ALLIADE HABITAT

Le 30 novembre dernier, le Réseau Compost Citoyen Rhône-Alpes a organisé un séminaire abordant la question de la programmation de sites de compostage partagés dans les aménagements neufs. Trois bureaux d'études, Étamines, Looking for achitecture, Indigène, et le CAUE de la Savoie ont présenté des projets d'architecture ayant intégré ou affirmant la volonté de choisir ces équipements.

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Un des enjeux des aménagements actuels est de favoriser ce qu'on appelle le « vivre ensemble » au travers de la création d'espaces de rencontre. Cela peut se traduire par des îlots ouverts sur l'extérieur, des espaces de jeux, de grandes pelouses, etc., ou la mise en place de jardins et de sites de compostage partagés. On entend par compostage partagé toutes les opérations collectives de compostage de proximité (les pieds d'immeubles, les quartiers, les villages) dans lesquelles des habitants s'investissent et s'organisent pour gérer ensemble leurs bio-déchets. On dénombre cent sites à Rennes (35), plus de trois cents à Besançon (25), près de cent quatre-vingts en région Rhône-Alpes... Ils sont souvent issus de la volonté de quelques habitants qui ont su partager leurs convictions autour d'eux. Ces initiatives, soutenues par les collectivités ou des associations, contribuent à répondre à deux enjeux majeurs du XXIe siècle : celui de la réduction des déchets et celui du lien social.

1. LES PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE COMPOSTEURS PARTAGÉS intégrés dans des constructions neuves voient le jour. Plusieurs projets sont en cours en région lyonnaise. Toutefois, l'idée n'est pas forcément de livrer un équipement prêt à l'emploi, ni d'imposer le compostage aux futurs habitants. En effet, ce n'est pas parce qu'on prévoit des composteurs que ceux-ci seront obligatoirement utilisés et qu'une équipe de bénévoles va se constituer. La notion de vivre ensemble ne se décrète pas, ce sont les habitants qui doivent créer cette dynamique. Il s'agit plutôt de prévoir un cadre et de mettre à disposition des moyens qui permettront aux futurs usagers de créer et de gérer eux-mêmes cet espace.C'est le même fil conducteur qui a guidé le maire de la ville de Barberaz (73), qui compte 5 000 habitants dans la métropole de Chambéry. Ce dernier a fait inscrire dans le Plan local d'urbanisme (PLU)l'obligation, pour tout projet comprenant plus de quatre logements, de prévoir un espace de 20 m² correctement positionné pour un éventuel projet de compostage à l'initiative des futurs habitants. Ce règlement opposable est né de la volonté politique du premier édile et d'un habitant engagé. Tous deux habitent, en effet, une copropriété au sein de laquelle un site de compostage partagé a été mis en place et fonctionne depuis cinq ans.

2. LE DIMENSIONNEMENT DES INSTALLATIONS S'AFFINE. Un site de compostage partagé fonctionnel se compose généralement de trois bacs (de 600 l à 1 m3, selon le nombre d'utilisateurs prévu). Les usagers déposent leurs bio-déchets dans le premier bac. Les déchets de cuisine généralement humides et riches en azote doivent être mélangés au fur et mesure de leurs apports à des matériaux dits structurants riches en carbone. Cela peut être des feuilles mortes, de la paille, ou le plus souvent du broyat de tailles et d'élagages. Le deuxième contenant est réservé au stockage de ces matériaux. Enfin, le troisième bac permet la maturation du compost durant trois à six mois selon la saison, et est utilisé en alternance avec le premier bac. Il est nécessaire de prévoir un approvisionnement régulier en matériaux structurants. Ceux-ci sont essentiels pour permettre une bonne aération du compost et éviter que les mauvaises odeurs se développent. On peut envisager de mettre en place un partenariat avec les équipes d'entretien des services des espaces verts pour la mise à disposition de broyat.

3. L'INTÉGRATION AU PROJET CONDITIONNE LA RÉUSSITE. La réflexion sur l'intégration de ces espaces dans les aménagements doit être menée dès la phase de conception du projet. En effet, l'emplacement d'un jardin partagé et plus encore d'un site de compostage est déterminant quant à leur fréquentation future. Trop éloigné, il sera peu fréquenté surtout en hiver, trop proche des fenêtres des premiers appartements, il peut occasionner des nuisances. L'aménagement doit prévoir divers équipements : un point d'eau pour le rinçage des bio-seaux, un lieu pour le rangement d'outils, des tables pour l'apéritif notamment au moment de la « récolte » du compost... Plusieurs approches peuvent guider la réflexion : soit mettre à disposition un équipement clés en main en misant sur le fait que les futurs habitants se l'approprieront rapidement, par exemple dans des quartiers déjà très actifs, ou des projets très engagés sur la qualité environnementale type écoquartier, soit simplement réserver un emplacement judicieux ou un équipement évolutif, de façon à faciliter ultérieurement la mise en place de bacs à compost si un groupe d'habitants en prend l'initiative. Dans tous les cas, la qualité esthétique de l'aménagement doit être irréprochable, les bacs à compost proprement dits sont aussi parfois source de créativité !

4. L'ACCOMPAGNEMENT EST LA BASE DE LA RÉUSSITE d'un compost partagé. Les maîtres d'ouvrages ou les promoteurs peuvent être réticents à l'idée de mettre en place des composteurs au pied des immeubles, car se pose la question de la gestion ultérieure. Le fait qu'il existe des associations qui peuvent prendre en charge l'animation de ces projets avec les habitants contribue à les rassurer. Il faut identifier ces associations dès le départ pour qu'elles puissent travailler avec les bureaux d'études au positionnement de l'aire de compostage et au dimensionnement des bacs à compost, participer à la rédaction du règlement de la copropriété en intégrant des points spécifiques, sensibiliser les premiers habitants peu après leur aménagement et les assister dans la démarche.

Se pose également la question du coût de cet accompagnement. Ce sont surtout les deux premières années qu'il est le plus élevé : achat et mise en place des composteurs, sensibilisation des habitants, formations de « guides composteurs » auprès d'habitants référents (deux au minimum), fourniture des bio-seaux, suivi des référents, intervention en cas de mauvais fonctionnement ou de nuisances olfactives. Dans le cadre de la construction d'aménagements neufs ou de restructuration des coeurs d'îlots, l'idéal est d'inclure ces prestations dans le coût global de la construction en l'intégrant au lot « espaces verts » ; cela reste de toute façon une part très minime. Les années suivantes, le coût est beaucoup plus réduit. Les habitants prennent progressivement la relève en s'appuyant sur les référents formés. Seules quelques heures d'assistance peuvent être prévues, et prises en charge par la copropriété ou le bailleur.

5. NON ENCADRÉ PAR UN OU PLUSIEURS RÉFÉRENTS BÉNÉVOLES, un site de compostage devient rapidement une source de nuisances. Les utilisateurs ont tendance à vider leur bio-seau sans apporter de matériaux structurants. Aussi, sur la plupart des sites, l'accès aux composteurs est contraint. Des horaires sont instaurés pour limiter les dépôts uniquement en présence des référents. Les déchets organiques représentent 30 % du poids de nos poubelles. En moyenne, les usagers des sites de compostage partagés déposent environ 80 kg de bio-déchets par personne et par an ; moins en été en raison des vacances et en hiver où on a moins tendance à fréquenter le site. Le taux de participation des habitants au compostage reste modeste dans la plupart des cas. En général, on note une participation plus élevée dans les petites résidences (taux inversement proportionnel au nombre d'habitants dans le bâtiment).

Claude Thiery

On entend par compostage partagé toutes les opérations collectives de compostage de proximité dans lesquelles des habitants s'investissent et s'organisent pour gérer collectivement leurs bio-déchets. Ici à la Doua, à Lyon (69).

PHOTO : ASSOCIATION LES COMPOSTIERS

Lors de la rénovation de la place Mazagrand, à Lyon (69), une aire de compostage en accès libre devenue source de fortes nuisances a été supprimée. Un nouvel équipement clos et en accès limité a été intégré à l'aménagement. Il est encadré par des bénévoles référents.

PHOTO : LOOKING FOR ARCHITECTURE

Un site de compostage partagé fonctionnel se compose généralement de trois bacs. Les usagers déposent leurs bio-déchets dans le premier. Le deuxième est réservé au stockage des matériaux structurants. Le troisième permet la maturation du compost.

PHOTO : ASSOCIATION LES COMPOSTIERS

Au sein de l'espace de compostage de Voiron (38), le troisième bac permet la maturation du compost.

PHOTO : CLAUDE THIERY

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