Les cimetières végétalisés sont de plus en plus prisés par les villes
Une journée technique organisée récemment en Rhône-Alpes a permis de montrer que, techniquement et économiquement, la végétalisation est devenue une alternative crédible à l'usage des produits phytopharmaceutiques dans les cimetières. Trois expériences menées par des collectivités, en Savoie, en Bretagne et dans l'Ain, ont illustré le propos.
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L'entretien des cimetières français est fortement consommateur de produits phytopharmaceutiques. Même pour des communes engagées dans la réduction des herbicides sur leurs espaces publics, ce lieu est en général le dernier endroit où ces produits sont utilisés. Il représente des surfaces importantes à entretenir : allées principales et secondaires, intervalles autour des tombes, concessions non entretenues, autant d'endroits qui jusqu'alors étaient désherbés chimiquement (herbicides antigerminatifs et foliaires). La présence de mauvaises herbes y est souvent mal perçue. Des cimetières où l'herbe se développe sont, pour certains, synonymes d'abandon, de non-respect envers les défunts. Et l'information et la communication sur les nouvelles techniques sont encore largement insuffisantes.
1 DES TECHNIQUES ALTERNATIVES DIFFICILES À METTRE EN OEUVRE. Les cimetières traditionnels sont des lieux où les contraintes sont nombreuses, souvent pour des raisons techniques :
- les revêtements - de type perméable (des stabilisés, des gravillons, voire des cailloux) - sont autant de zones favorables à la pousse des mauvaises herbes ;
- beaucoup de recoins sont la plupart du temps peu accessibles aux outils mécanisés (désherbage mécanique). La distance entre les tombes est réglementée, ce qui laisse de nombreux petits espaces de 30 à 50 cm de largeur à gérer ;
- les allées principales doivent supporter le passage de véhicules lourds et les allées secondaires doivent désormais permettre l'accès des personnes à mobilité réduite (loi n° 2005-102 du 11 février 2005) ;
- on rencontre beaucoup de cimetières en pente, ce qui rend l'entretien plus délicat, avec des risques de ravinement sur les allées stabilisées ou d'engorgement des caniveaux sur les allées imperméables en cas de fortes pluies ;
- il faut également tenir compte des travaux permanents de réouverture des sols.
Mais les difficultés sont parfois aussi liées à la réglementation : les concessions n'appartiennent pas aux communes mais aux familles, ce qui rend les travaux de réaménagement plus complexes à réaliser.
Les désherbages manuels et mécaniques (binettes, cyclobinettes, herses, Stabnet) et le désherbage thermique constituent, pour la quasi-totalité des communes, la première étape de mise en oeuvre d'une politique « zéro phyto » dans les cimetières. L'objectif reste d'obtenir un résultat similaire aux herbicides chimiques : absence d'herbe sur toutes les surfaces. Pour aller plus loin, il y a un frein culturel à franchir, à la fois pour les agents qui veulent conserver des surfaces « propres » et envers les usagers.
2 CHOISIR UN SEMIS NATUREL OU UN SEMIS ARTIFICIEL ? Les techniques alternatives sont très chronophages, jusqu'à dix fois plus gourmandes en temps que le désherbage chimique. Face à ce constat, il est nécessaire de limiter les surfaces à entretenir. La végétalisation est aujourd'hui une technique privilégiée par les municipalités, sur la totalité ou une partie des allées. L'enherbement spontané a pour principe de laisser les plantes se développer naturellement sur un site, tout en contrôlant la pousse par fauchage ou par tonte. Cette solution présente l'avantage d'une implantation rapide et sans frais d'une flore naturellement adaptée au milieu, mais elle compte également quelques inconvénients : une couverture non uniforme et très clairsemée (essentiellement des dicotylédones), d'où un aspect esthétique discutable dans un premier temps. L'association végétale se modifie dans le temps en fonction des espèces présentes, des caractéristiques du sol, du taux d'enherbement, du piétinement... L'enherbement semé a pour but d'accélérer l'implantation de ce processus de végétalisation et d'apporter un aspect plus harmonieux et plus soigné par une sélection des espèces installées, une végétation plus dense et un entretien régulier. On se rapproche de l'aspect esthétique d'un gazon classique, ce qui offre une vision nettement plus rassurante pour les usagers.
3 LE CHOIX DES TECHNIQUES ET DES VÉGÉTAUX DÉPEND DES MILIEUX. On rencontre différents types de sols : compacts et très pauvres sur les allées, présence de béton à faible profondeur autour des tombes, recoins plus ou moins riches en substrat... Le choix de la plupart des gestionnaires n'est pas de modifier sensiblement ces milieux mais d'adapter la palette végétale en fonction de ces contraintes pour des raisons économiques mais surtout techniques. Sur les allées, la portance ne doit pas être altérée ; elles doivent rester praticables par tous les temps, et par tous, notamment les personnes à mobilité réduite. L'apport d'une couche de terre végétale en surface n'est pas approprié. Le choix s'oriente alors vers des espèces de terrain pauvre, résistantes à la sécheresse et au piétinement, s'implantant facilement sur ces sols caillouteux mais parallèlement de croissance lente et rase pour limiter l'entretien ultérieur.
4 LA PLUPART DES FOURNISSEURS DE SEMENCES DE GAZONS proposent des mélanges adaptés. Ils sont essentiellement composés à base de graminées, espèces ou variétés adaptées au sec qui ont déjà fait leurs preuves en gazons traditionnels : fétuques élevées, fétuques rouges, fétuques ovines, Koeleria, agrostide ténue, accompagnées d'espèces d'implantation plus rapide : ray-grass anglais et éventuellement des espèces plus agressives comme le chiendent (Cynodon dactylon), et quelques dicotylédones dont le micro-trèfle. Les variétés et pourcentages des diverses espèces varient selon les mélanges et les fournisseurs. Pour le choix, il faut concilier une couverture rapide, gage d'une meilleure acceptation par les usagers, et une croissance lente pour limiter le nombre de tontes annuelles. Chaque collectivité présentant des contraintes spécifiques, il est conseillé de tester plusieurs mélanges avant de généraliser l'enherbement. La Motte-Servolex (73) a ainsi testé, en 2015, quatre mélanges de différents fournisseurs, dont un présentant un taux de recouvrement nettement supérieur aux autres. Ce dernier a donc été choisi pour poursuivre l'opération. De son côté, Nantua (01) a fait le choix d'un mélange élaboré sur mesure, essentiellement à base de graminées de gazon (fétuques rouges, fétuques ovines, pâturin, agrostide) et d'espèces sauvages, pour garantir une meilleure adaptation aux conditions climatiques notamment l'hiver (fétuque glauque, mélique ciliée, trèfle fraise). Pour les premiers semis, ce mélange a, en outre, été enrichi de végétaux à croissance rapide : ray-grass, Cynodon, trèfle blanc. Au fil du temps, la représentation du mélange sur le terrain évolue et s'enrichit d'espèces spontanées.
5 L'ENHERBEMENT DES ALLÉES SE FAIT GÉNÉRALEMENT directement sur le sol en place, après un simple grattage de surface sur 1 à 2 cm par un passage rapide de motobineuse ou désherbeur mécanique de type Stabnet, mais sans porter atteinte à la structure de l'allée. Il peut être préalablement nécessaire d'homogénéiser grossièrement la surface : curer les fortes épaisseurs de graviers, faire en sorte d'avoir 1 cm de mélange sableux plus ou moins terreux sur toute la surface à enherber. Comme pour les gazons, les semis d'automne sont recommandés (en septembre) pour profiter des pluies automnales et obtenir des herbes déjà bien implantées, dès le printemps, pour affronter les périodes de sécheresse. Attention néanmoins à la surfréquentation, et donc au piétinement important à la Toussaint sur des enherbements encore fragiles. Pour cette raison, Nantua a installé, en 2015, des semis de printemps avec un arrosage les deux premiers mois de façon à obtenir un gazon plus résistant au piétinement répétitif du début du mois de novembre. Ce planning a plutôt favorisé, pour la première année, les espèces à croissance rapide : ray-grass, Cynodon, trèfle blanc. Ces observations vont conduire à réduire la part de ces deux premières espèces pour les prochains mélanges mis en oeuvre et remplacer le trèfle blanc par du micro-trèfle. Les allées des vieux cimetières sont, pour la plupart, très caillouteuses, mais peu compactées, ce qui est favorable au développement de l'herbe. Pour les aménagements récents, on se retrouve souvent sur des zones inertes et surcompactées, beaucoup moins appropriées. Sur ces surfaces, il est préférable de prévoir un revêtement de type terre et pierre.
6 L'ENTRETIEN DOIT ÊTRE LE PLUS RÉDUIT POSSIBLE. Le choix des mélanges, associé à des terrains pauvres, limite fortement la pousse de l'herbe. Seules quelques tontes annuelles à la tondeuse ou au rotofil sont nécessaires, accompagnées de quelques entretiens sporadiques. Visuellement, la première année est un cap difficile à passer vis-à-vis des usagers. Les années suivantes, l'herbe se densifie et offre un aspect plus horticole, beaucoup mieux accepté, malgré le jaunissement au cours de l'été. Le lieu perçu par le visiteur ne doit pas renvoyer une image négligée. Aussi, que l'enherbement soit spontané ou implanté, il est important de ne pas laisser se développer, sur les allées, des tiges au-delà d'une hauteur de 15 à 20 cm (seuils de tolérance). En dehors de cet aspect, l'enherbement est généralement bien accepté et apporte une autre vision de l'espace : la présence d'herbes spontanées indésirables dans un endroit en partie végétalisé ne sera pas ressentie de la même façon que dans un lieu entièrement minéralisé. Néanmoins pour faire accepter ce qui pourrait être considéré comme un abandon de gestion, et alléger la pression sur les élus et les agents, il est primordial de communiquer et d'expliquer la démarche dès le départ. Des panneaux d'affichage à l'entrée et dans le cimetière peuvent permettre d'associer et d'intégrer les administrés au projet. Une communication négligée, voire totalement absente, entraîne inévitablement des mécontentements, des plaintes, ainsi qu'une tentation de retour en arrière.
7 DERRIÈRE ET ENTRE LES TOMBES, LA VÉGÉTALISATION SERA de préférence formée de vivaces. Objectif : éviter les tontes et les projections et apporter un aspect varié, voire fleuri. À Nantua, l'entreprise Tarvel s'est inspirée des expériences en toitures végétalisées pour le choix des végétaux. Sur les sols peu profonds, en présence de béton à faible profondeur, la mise en place de tapis de Sedum donne de bons résultats et évite en grande partie la pousse d'herbes indésirables. Si l'épaisseur est plus conséquente, des vivaces de sols secs, comme Cheiranthus, Carex, Campanula carpatica, Thymus, Saxifraga, peuvent résister. Enfin, sur un sol plus profond, de nombreuses vivaces couvre sol sont adaptées : Vinca, Hedera, Geranium, Polygonum, Phyla canescens. Là aussi, l'objectif est de très peu transformer le sol : décompactage du stabilisé,plantations denses en godets ou micromottes, et paillage éventuel.
Claude Thiery
Pour la ville de Nantua (01), l'entreprise Tarvel a fait le choix d'un mélange sur mesure, à base de graminées de gazon et d'espèces sauvages, et enrichi par endroits d'espèces à croissance rapide comme le trèfle blanc. PHOTO : TARVEL
À La Motte-Servolex (73), des allées engazonnées et des tapis de Sedum ont été installés autour des tombes. PHOTO : CLAUDE THIERY
Entre les tombes du cimetière de Nantua, la végétalisation a été réalisée avec Phyla canescens et Zoysia tenuifolia. PHOTO : TARVEL
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