TSWV : une menace pour le chrysanthème
Virus polyphage, responsable d'une maladie incurable, le TSWV a de quoi préoccuper les horticulteurs, d'autant plus qu'il est transmis par le thrips californien, un ravageur commun en serres de plantes fleuries. Le chrysanthème est l'une des espèces les plus sensibles à cette virose réglementée.
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Le Tomato Spotted Wilt Virus (TSWV) est un tospovirus de la famille des Bunyaviridae, couramment rencontré dans les régions tempérées et subtropicales à travers le monde. Identifié pour la première fois en 1915 en Australie, et en 1933 en France, ce pathogène a ensuite été détecté de façon sporadique. Mais à partir de 1987, le nombre de signalements a augmenté à cause de l'introduction et de la dissémination du thrips californien (Frankliniella occidentalis), principal vecteur de la virose. Aujourd'hui, la menace reste sérieuse. D'ailleurs, plusieurs foyers ont été mis en évidence sur des chrysanthèmes depuis 2010. Dans certains cas, ces contaminations proviennent de la résistance des thrips à des molécules ou familles de produits insecticides autorisées contre ces ravageurs. Mais des infections ont également été déplorées dans des serres de culture conduites en protection biologique et intégrée (PBI), ce qui traduit la difficulté pour les professionnels à maîtriser ce couple redoutable « thrips-virus ».
1. STATUT RÉGLEMENTAIRE
Le TSWV est réglementé dans l'Union européenne sur certains végétaux herbacés (*), dont le chrysanthème (Dendranthema = Chrysanthemum). Les contrôles phytosanitaires sont effectués par les services chargés de la protection des végétaux ou leurs délégataires (Fredon) en amont de la production, sur les pieds-mères, les boutures racinées, les cuttings et jeunes plants, ainsi que les plantes mi-stades destinées à une remise en culture chez un professionnel de la production végétale, afin que chaque lot commercialisé soit accompagné d'un passeport phytosanitaire européen. De plus, toute expédition de matériel végétal (hors semences) vers la Suède et la Finlande, constituées zones protégées vis-à-vis du TSWV, doit être associée à un passeport phytosanitaire européen avec la mention ZP, prouvant que le lot est indemne de ce virus.
2. POSER LE BON DIAGNOSTIC
Le TSWV infecte de nombreuses plantes cultivées, légumières et ornementales. Il est responsable de la maladie bronzée de la tomate. En France, 166 espèces végétales sensibles ont été recensées, mais les symptômes s'expriment de différentes façons selon les plantes hôtes. Sur le chrysanthème, la croissance est très réduite. Des plages jaunes diffuses apparaissent dans les tissus foliaires, puis ces décolorations évoluent sous forme d'arabesques, de cercles concentriques, de taches ou d'anneaux chlorotiques, avant de produire des lésions et des nécroses de l'épiderme. Les plantes les plus touchées se rabougrissent et dépérissent en tout ou partie. Des tiges florales peuvent se crevasser et les boutons avorter. En cas de doute lors d'un diagnostic visuel, il est recommandé d'envoyer un ou plusieurs échantillons à un laboratoire d'analyses virologiques, afin qu'il réalise un test sérologique Elisa ou un test moléculaire RT-PCR conventionnelle ou en temps réel. En général, un échantillon exploitable est constitué de 2 à 3 rameaux avec quelques feuilles par plante. Certains laboratoires pratiquent l'indexage biologique par inoculation mécanique. Ce type d'analyse consiste à inoculer une gamme de plantes hôtes sensibles à partir d'un extrait de l'échantillon suspecté. Les plantes indicatrices sont le pétunia hybride et Vigna unguiculata pour les lésions locales, et le basilic, le chénopode, le tabac et la tomate pour les lésions systémiques. Afin de détecter les cas d'infection avec un maximum de réactivité, il est judicieux d'utiliser directement sur le terrain un kit sérologique de type bandelettes. Facile d'emploi et disponible à des prix accessibles, le kit fournit un résultat fiable en quelques minutes. Pour obtenir une réaction, on broie un extrait de plante dans une solution livrée avec le kit, puis le broyat est placé au contact d'une bandelette ou d'un support sur lequel des anticorps spécifiques du TSWV ont été adsorbés. En cas de présence du virus, un indicateur coloré apparaît.
3. ATTENTION AUX RISQUES DE CONFUSION
Lors d'un diagnostic visuel en culture de chrysanthème, les symptômes du TSWV peuvent prêter à confusion avec des causes abiotiques, notamment en début d'attaque avec une carence nutritive, car les tissus jaunissent à la manière d'une chlorose. Les erreurs d'appréciation sur le terrain concernent également plusieurs viroses. Le virus de la mosaïque du chrysanthème (CVB ou virus B) entraîne des marques décolorées sur les pétales et le feuillage ; le carlavirus de l'aspermie du chrysanthème (CAV) occasionne une panachure et une crispation des fleurs, parfois une marbrure sur le feuillage ; le viroïde de la marbrure chlorotique du chrysanthème (CCMVd), transmis par le puceron Macrosiphum sanborni, provoque un nanisme, une marbrure foliaire ou une chlorose généralisée. Par ailleurs, le viroïde du rabougrissement du chrysanthème (Chrysanthemum Stunt Viroid - CSVd) peut affecter visuellement le chrysanthème, notamment à l'approche de la floraison anormalement précoce. Les sujets sont peu développés, les tiges cassantes, les fleurs moins abondantes, atrophiées et de couleur délavée. Les boutures porteuses du viroïde s'enracinent mal. Cette maladie réglementée est soumise à des mesures de lutte obligatoire en amont de la production. Elle est transmissible par la cuscute.
4. ÉVALUER LE RISQUE ÉPIDÉMIOLOGIQUE.
Le TSWV est transmis sur le mode persistant par une dizaine d'espèces de thrips. Il est acquis au stade larvaire en 15 minutes minimum. Les insectes vecteurs sont infectieux au dernier stade larvaire ou au stade adulte après une période de latence, et cela pendant toute la durée de leur existence. Il n'y a pas de transmission à la descendance. En Europe, la dissémination est due essentiellement à trois espèces : le thrips californien (Frankliniella occidentalis), le thrips du tabac et du poireau (Thrips tabaci) et le thrips de la bruyère (Frankliniella intonsa). Mais la virose peut également être provoquée par d'autres espèces, comme le thrips du chrysanthème (Thrips nigropilosus) et le thrips des serres (Heliothrips haemorrhoidalis). Le plus redoutable est sans conteste Frankliniella occidentalis. Cet insecte oblong de 2 mm a un corps brun clair avec deux paires d'ailes étroites et pointues frangées de soies sur la partie dorsale. Les larves sont plus petites (1 mm), translucides à jaune doré.
5. PRÉMUNIR LES CHRYSANTHÈMES DES INFECTIONS
Une fois infectée par le TSWV, la plante malade le demeure pour toujours et ne peut être guérie. Elle ne dispose pas de système immunitaire face à ce type de pathogène et est incapable de l'éliminer. C'est pourquoi il est indispensable d'agir en amont de l'attaque par la mise en oeuvre de méthodes prophylactiques et une surveillance régulière des cultures. Mais en cas de suspicion de détection d'un foyer, un signalement doit être effectué sans tarder auprès du service régional chargé de la protection des végétaux (Sral) et la plante infectée sera détruite le plus vite possible pour limiter la propagation du pathogène, surtout si des thrips sont présents. Pour prévenir une contamination de TSWV, spécialement en production de pieds-mères ou de jeunes plants de chrysanthème, la première mesure consiste à réaliser un vide sanitaire avant la mise en place de la culture. Elle impose un désherbage des abords de la serre et des dessous de tablettes, puis la pulvérisation d'un produit désinfectant à action virucide, autorisé pour le traitement des matériels et abris horticoles. Le traitement insecticide du sol, s'il est formé de terre battue, est recommandé, en particulier lorsque la culture précédente a été colonisée par des thrips. En effet, les nymphes de ces insectes vivent cachées au niveau du sol et sont potentiellement porteuses du virus. Elles peuvent donc infecter les cultures suivantes dès l'émergence des spécimens adultes. En cours de production, la surveillance régulière des thrips est indispensable pour raisonner les lâchers d'auxiliaires prédateurs en lutte biologique ou effectuer des traitements insecticides. L'observation des formes mobiles (larves, adultes) est facilitée par le piégeage chromatique avec des plaques bleues engluées situées au niveau de la végétation. Si malgré ces précautions phytosanitaires, un lot ou une variété est reconnue contaminée par le TSWV, les obtenteurs et diffuseurs de chrysanthèmes peuvent recourir à la régénération par culture de méristèmes prélevés sur des sujets sains, associée à des tests virologiques permettant de vérifier l'état sanitaire des plantules destinés à former les pieds-mères.
Jérôme Jullien
(*) Directive 2000/29/CE du 8 mai 2000 modifiée, annexe IIAII sur certains végétaux.
Piqûres de thrips sur feuille. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Arabesques sur feuille de chrysantème dues au TSWV. PHOTO : SRAL DES PAYS DE LA LOIRE
Dépérissement d'une tige florale de chrysanthème atteint par le TSWV. PHOTO : SRAL DES PAYS DE LA LOIRE
Le virus polyphage TSWV a sévi sur ce chrysanthème Laurine® jaune. PHOTO : C. CASSET -FREDON PL
Plaque bleue engluée en culture de chrysanthème pour piéger les thrips. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
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