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Allélopathie : quand une plante en chasse une autre

Dans la garrigue, de nombreuses plantes aromatiques ont des propriétés allélopathiques : thym, romarin, sauge, origan, lavande, sarriette...

Certaines plantes, dites allélopathiques, ont la faculté d'inhiber la germination des autres végétaux. Ce qui peut en faire des couvre-sols particulièrement intéressants, notamment lorsqu'il s'agit de diminuer les opérations d'entretien des massifs...

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Le monde végétal, un monde sans pitié ? En tout cas, la concurrence y fait rage. Tout autant que les animaux, les plantes luttent pour leur survie et une place au soleil. Certaines d'entre elles parviennent à faire place nette autour d'elles avec efficacité. Leur technique ? L'allélopathie. Du grec allelon (réciproque) et pathos (souffrance), l'allélopathie désigne de manière globale tout effet positif ou négatif, direct ou indirect, d'un végétal sur un autre par le biais de composés chimiques libérés dans l'environnement. Plus spécifiquement, dans les jardins, les plantes sont dites allélopathiques lorsqu'elles limitent la germination des espèces concurrentes. Le gestionnaire d'espaces verts ou le pépiniériste trouvera un intérêt à planter ces végétaux en couvre-sol pour empêcher le développement d'adventices ou autres plantes indésirables, d'autant plus que les désherbants chimiques de synthèse seront interdits à partir de 2017 pour l'entretien des espaces verts, des promenades, des forêts et des voiries.

1. DIFFÉRENTS PLANS DE BATAILLE

Je suis une plante, comment me débarrasser des concurrentes ? Je peux diffuser des molécules qui empêcheront les autres de se développer. « Les plantes allélopathiques diffusent des composés phytotoxiques de quatre manières », explique Olivier Filippi, pépiniériste à Mèze (34). Spécialiste des jardins secs, il propose une vaste gamme de végétaux méditerranéens, au sein desquels des espèces aux propriétés allélopathiques. Des années d'observation de ces végétaux in situ et dans son jardin expérimental, associées à une recherche bibliographique et des tests comparatifs, lui ont permis de valider au fil du temps ces propriétés et de proposer une sélection de couvre-sols (de tapissants à hauts) et d'arbustes allélopathiques (*). « Ainsi, le thym ou la piloselle libèrent directement des exsudats dans le sol par les racines. Un deuxième mode de diffusion s'effectue par la décomposition des feuilles mortes qui forment une litière au pied de la plante, comme pour les cistes, les Phlomis ou les lentisques. » L'utilisation des feuillages de ces plantes en mulch pourrait s'envisager pour limiter le développement des indésirables. « Pour la rue, les composés sont lessivés par le passage de l'eau sur les feuilles (lixiviation). » Le quatrième mode de diffusion passe par la voie aérienne (volatilisation) : « Les composés de Salvia leucophylla sont volatils et se déposent comme une rosée sur le sol. »

2. MISE EN PLACE ET ENTRETIEN

« Un gros défaut des plantes couvre-sol allélopathiques est que leurs propriétés ne deviennent efficaces qu'au bout de deux-trois ans, lorsque le sujet est installé », nuance Olivier Filippi. Le paillage permet de limiter le désherbage manuel durant cette période de latence. Minéral, il renforce l'espèce plantée en recréant son milieu d'origine (caillouteux), tout en limitant les adventices traditionnelles. « En outre, le paillage minéral limite la propagation de maladies cryptogamiques telles que le Phytophthora, contrairement au paillage organique. » Il existe une autre limite des plantes allélopathiques : elles inhibent la germination des graines des espèces concurrentes ; elles ne sont donc pas efficaces pour limiter la propagation des plantes vivaces, rhizomateuses ou stolonifères...

Outre le paillage, d'autres conditions de mise en place doivent être tout particulièrement respectées. La plantation s'effectue de préférence à l'automne et dans un sol bien drainé. La première année, l'arrosage de reprise doit être réalisé en profondeur et de manière peu fréquente : toutes les trois semaines à l'automne, ou une fois par semaine le premier été si la plantation a été réalisée au printemps (avec alors une augmentation des risques cryptogamiques). « L'allélopathie n'est pas une solution miracle, rappelle Olivier Filippi. Ce n'est jamais efficace à 100 %. » Comme pour la plupart des stratégies sans pesticides, la combinaison de différentes techniques est nécessaire. « Il faut réfléchir le jardin comme un écosystème global, c'est fondamental. »

3. DES PLANTES À ÉTUDIER

« Il nous manque un centre d'expérimentation horticole lançant à grande échelle des études sur l'allélopathie (selon les sols, les climats...) », regrette Olivier Filippi. « Le sujet mériterait de passer à un stade supérieur avec de la recherche et développement (spectres chromatographiques pour analyser les molécules...). » En attendant, certaines communes ont commencé leurs propres essais, comme la ville d'Auch (32), pour végétaliser le pied des arbres et l'abord des voiries, ou encore Saint-Marc-Jaumegarde (13) au sein de son cimetière.

Valérie Vidril

(*) La gamme complète est consultable sur le site internet www.jardin-sec.com, rubrique « Plantes » puis « Fonction écologique ».

La piloselle (Hieracium pilosella) libère des exsudats racinaires allélopathiques. Elle est pressentie comme plante désherbante dans les vignes ou vergers. Elle forme un tapis dense à aspect de pelouse sauvage. Résistance au froid : - 15 °C. Code sécheresse : 3.

Au centre, à l'arrière du tapis de Centaurea bella, la tanaisie dense, Tanacetum densum subsp. amanii, offre un feuillage persistant blanc argenté aromatique. Résistance au froid : - 15 °C, code sécheresse 4.

Achillea crithmifolia se propage rapidement par drageons en envahissant toute la surface disponible. Résistance au froid : - 15 °C. Code sécheresse : 2,5 (sur une échelle de 0, non résistant, à 6, très résistant).

Centaurea bella, de culture facile, forme un tapis dense gris-vert et des fleurs roses. Elle limite efficacement la germination des espèces concurrentes. Elle résiste au froid jusqu'à - 15 °C. Code sécheresse : 4.

Un des quatre modes de diffusion des molécules allélopathiques s'effectue par la décomposition des feuilles mortes qui forment une litière au pied de la plante, comme pour les Phlomis.

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