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Contrôler la croissance par des pratiques respectueuses de l'environnement

Culture de cinq cultivars de rosiers sous un tunnel couvert d'un film photo-sélectif Solatrol®. PHOTO : OSCAR STAPEL

La forme est une des composantes essentielles de la qualité esthétique d'une plante ornementale. Sa maîtrise par des techniques culturales alternatives aux régulateurs de croissance chimiques est désormais possible. Trois d'entre elles, initiées par l'Institut technique de l'horticulture Astredhor et l'Institut de recherche en horticulture et semences (IRHS), ont été expérimentées sur le rosier en pot.

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Depuis plusieurs années, la commercialisation du rosier buisson pour la décoration des jardins a lieu plutôt au printemps qu'à l'automne. Les plantes sont alors vendues en début de végétation, voire en début de floraison, et sont nécessairement cultivées en pot. Quoique plus chers, ces produits sont beaucoup plus attractifs pour les consommateurs car ils donnent un effet décoratif immédiat. Or, l'un des critères essentiels de cette qualité visuelle est la forme globale de la plante ; très généralement, cette forme doit être compacte, ramifiée, équilibrée en hauteur et largeur. C'est pourquoi, pour le rosier comme pour les autres plantes ornementales cultivées en pot, la maîtrise de la croissance et de la ramification des tiges est indispensable.

Les systèmes industriels de production horticole nécessitent une optimisation de la surface de production, en particulier sous abri, avec comme conséquence une densification des cultures. Accompagnées de températures moyennes plutôt élevées, ces conditions culturales favorisent l'élongation des tiges, avec un risque d'étiolement quand l'ensemble des conditions climatiques est mal contrôlé. Or cet allongement excessif des tiges déprécie fortement la qualité visuelle du produit. L'objectif de l'horticulteur est par conséquent de tout mettre en oeuvre pour permettre une croissance équilibrée et maîtrisée des plantes, malgré des conditions culturales parfois difficiles.

1 ÉVITER LES RÉGULATEURS DE CROISSANCE. Habituellement, les méthodes les plus employées pour limiter l'allongement des tiges sont la taille, qui permet aussi une augmentation de la ramification, et l'application de régulateurs de croissance chimiques. Ces derniers ont été beaucoup utilisés sur les plantes produites sous serre, car ils sont efficaces, relativement peu coûteux par rapport au gain qu'ils procurent et plutôt faciles d'emploi quand ils sont bien gérés par l'utilisateur. Ils sont cependant de plus en plus remis en cause à cause de leur toxicité sur la santé et de leur impact sur l'environnement ; leur homologation et leur commercialisation sont donc menacées à court terme.

Pour les remplacer, des méthodes alternatives existent ; elles sont efficaces, mais elles nécessitent généralement davantage de technicité et de connaissances quant au fonctionnement physiologique des espèces cultivées. Sans être exhaustif, nous pouvons citer la modification du spectre lumineux par l'emploi de films photo-sélectifs, la restriction hydrique ou encore la stimulation mécanique. Selon le degré de technicité de l'entreprise, les conditions climatiques de la région et de la période de production, ces méthodes sont plus ou moins faciles à mettre en oeuvre.

2 TROIS MÉTHODES TESTÉES SUR LE ROSIER BUISSON. Pour le rosier, peu de travaux portant sur ces méthodes alternatives ont été réalisés, en général sur un seul cultivar. Or, différents cultivars d'une même espèce ou d'un même genre ne se comportent pas forcément de manière comparable à l'application d'une même technique culturale. Il est donc apparu nécessaire d'évaluer ces méthodes sur une plus large gamme de cultivars de rosier de forme contrastée.

Dans cet objectif, un projet collaboratif de trois ans (2013-2015) a été engagé entre l'Astredhor et l'IRHS d'Angers (49), avec un financement Casdar (Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural) du ministère de l'Agriculture et du ministère de la Recherche (financement Cifre - Conventions industrielles de formation par la recherche). Ce projet dénommé Ariage a permis également le financement d'une thèse Cifre portée par Astredhor.Le but de ce travail était d'évaluer l'effet de trois méthodes de contrôle de la croissance de la plante sur cinq cultivars de rosier allant du buisson érigé au couvre-sol cultivés en pot de 2 l de mars à juin. Ces méthodes étaient : l'utilisation d'un film de couverture photo-sélectif augmentant le rapport rouge clair/rouge sombre de la lumière transmise ; la stimulation mécanique par le passage répété de franges en plastique sur la partie apicale des plantes ; et une restriction hydrique consistant en une succession de phases d'humectation et de dessiccation du substrat. Ce travail a été réalisé à l'IRHS et dans trois stations de l'institut Astredhor : Astredhor Loire-Bretagne (Stepp et Arexhor Pays de la Loire) et Astredhor Sud-Ouest (GIE Fleurs et plantes), chacune testant une méthode différente.

3 UTILISATION D'UN FILM PLASTIQUE PHOTO-SÉLECTIF. Les longueurs d'ondes rouge clair et rouge sombre sont fortement impliquées dans la régulation de la croissance. Le rouge clair limite l'élongation des tiges tandis que le rouge sombre favorise l'étiolement (1). L'utilisation d'un film photo-sélectif absorbant le rouge sombre vise à obtenir des plantes plus compactes.

Cet essai a été mené à la station Stepp en Bretagne et a permis de comparer des cultures conduites sous deux tunnels, l'un couvert d'un film photo-sélectif Solatrol® et l'autre d'un film plastique thermique transparent Lumitherm (Visqueen). Le rapport rouge clair (650-670 nm)/rouge sombre (720-740 nm) était de 5 pour le film Solatrol® et de 1,2 pour le film Lumitherm. L'irrigation non limitante était assurée par goutte-à-goutte.

Aucune différence morphologique importante n'a été observée entre les deux modalités de couverture d'abri, quel que soit le cultivar. Cependant, pour d'autres espèces (Pittosporum, fuchsia, chrysanthème...), l'absorption du rouge sombre grâce au film Solatrol® a conduit à une réduction moyenne significative de l'élongation des tiges. La réponse des plantes à une modification du spectre lumineux dépend donc de l'espèce, voire du cultivar.

4 APPLICATION D'UNE RESTRICTION HYDRIQUE. Deux approches ont été testées : à l'IRHS et au GIE Fleurs et plantes. Dans les deux cas, les cultures ont été effectuées sous serre en verre.

À l'IRHS, la restriction hydrique a consisté à maintenir les plantes en stress modéré (avec un potentiel hydrique du substrat de - 20 kPa mesuré par tensiométrie) pendant 15 jours deux fois de suite, avec un retour en confort hydrique après chaque période de stress. Les plantes témoins ont été conduites en confort hydrique permanent par subirrigation.

Cette technique a eu un fort impact sur la morphologie des plantes, avec une réduction moyenne de 20 % de la longueur des tiges principales et de 34 % du nombre total de tiges. Cependant, tous les cultivars ne se sont pas comportés de la même façon, avec une intensité de réponse plus ou moins forte selon le cultivar (de - 7 % à - 48 % pour la longueur des tiges). Ces différences morphologiques observées entre cultivars s'expliquent par une réponse physiologique spécifique à chacun d'entre eux, en particulier la fermeture des stomates et une modification de l'équilibre hormonal. D'un point de vue pratique, le maintien des plantes en stress modéré pendant quelques jours peut être obtenu par une irrigation à faible dose (quelques dizaines de millilitres par pot).

Au GIE Fleurs et plantes, les plantes ont été soumises à une succession d'humectation et de dessiccation en subirrigation avec un seuil de déclenchement des arrosages à un potentiel hydrique du substrat de - 30 kPa mesuré par tensiométrie. Les plantes témoins ont été conduites en confort hydrique permanent.

Comme pour l'essai précédent, un fort effet de la restriction hydrique a été observé, avec une réduction moyenne de 26 % de la longueur des tiges principales et de 49 % du nombre total de tiges. De même, les cultivars n'ont pas répondu avec la même intensité à cette restriction hydrique, l'écart allant de - 6 % à - 40 % pour la longueur des tiges.

5 APPLICATION D'UNE STIMULATION MÉCANIQUE sur la partie apicale. Dans la nature, les plantes sont constamment soumises à des stimuli mécaniques tels que le vent, la pluie ou le passage d'animaux. Ils peuvent entraîner une modification du développement (c.-à-d. thigmomorphogenèse), notamment une limitation de la croissance. Il est donc envisageable de contrôler artificiellement la forme de la plante par un moyen mécanique en la touchant régulièrement pour obtenir des plantes plus compactes (2).

La stimulation des végétaux, testée à la station Arexhor Pays de la Loire, a été obtenue par le passage régulier de lanières en plastique sur la culture, à raison de cinq allers-retours par jour, cinq fois par semaine. Ces lanières étaient fixées sur les bras d'un chariot dont le déplacement était automatisé. Sa vitesse de déplacement était de 30 m par heure.

La stimulation mécanique s'est révélée efficace pour réduire la longueur des tiges des rosiers (- 14 % en moyenne), mais elle a également conduit à une réduction du nombre de tiges de 12 % en moyenne. Selon les cultivars, la réponse des plantes est comparable pour la longueur des tiges, mais elle est différente pour le nombre de tiges (de - 8 % à - 17 %).

Cette technique a également été testée sur d'autres espèces, avec des résultats encourageants pour le Photinia, l'hibiscus, le dipladénia, le bégonia et la violette, mais plus mitigés pour le Poinsettia, le chrysanthème, le pélargonium et l'hortensia. Pour ces dernières espèces, reste à savoir si l'ajustement des conditions de stimulations (fréquences, nature du matériau de contact, etc.) n'aurait pas conduit à de meilleurs résultats.

6 ADAPTER LA TECHNIQUE AUX CULTIVARS. Il ressort de ces différents travaux que la restriction hydrique et la stimulation mécanique ont été les plus efficaces comme méthodes alternatives aux régulateurs de croissance chimiques, l'utilisation d'un film photo-sélectif s'étant révélée décevante sur le rosier. Cependant, l'intensité des effets observés a été très dépendante du cultivar, mettant en évidence une forte interaction cultivar/pratique culturale. Par conséquent, l'utilisation de ces techniques en vue d'obtenir des plantes compactes et ramifiées doit être raisonnée en fonction du choix des cultivars. Ces techniques respectueuses de l'environnement permettent, à l'instar des régulateurs de croissance, de contrôler la forme des plantes, et ainsi de répondre aux exigences du marché (aspect esthétique, facilité de transport et de mise en rayon) tout en assurant une rentabilité pour l'horticulteur (réduction du temps de main-d'oeuvre et investissement matériel limité). De plus, contrairement au caractère rémanent de certains régulateurs chimiques, ces techniques donnent la possibilité de limiter dans le temps l'effet nanifiant sur les plantes, leur permettant de retrouver une croissance normale chez le consommateur. Une autre stratégie pour s'affranchir des régulateurs de croissance serait une meilleure gestion globale en intégrant les aspects climatiques et agronomiques (alimentation en eau, fertilisation, etc.). Dans cet objectif un certain nombre de travaux d'Astredhor portent sur la meilleure gestion de la fertilisation en fonction des caractéristiques des substrats ou l'application de basses températures.

Camille Li-Marchetti (3), Jean-Marc Deogratias (4), Oscar Stapel, Alain Ferre (5), Philippe Morel, Laurent Crespel (6)

Les auteurs remercient Rémi Gardet et son équipe pour les installations expérimentales de l'IRHS et les équipes techniques des trois stations Astredhor impliquées dans ce projet. (1) Voir le Lien horticole n° 800, « Le film technique améliore la qualité de mes plantes », pp. 8-9. (2) Voir le Lien horticole n° 905, « Caresser les plantes pour réguler au mieux leur croissance », p. 8 et le Lien horticole n° 894, « Thigmomorphogenèse : réguler les plants en les touchant », pp. 12-13. (3) Astredhor, Institut technique de l'horticulture, Paris. (4) Astredhor Sud-Ouest. (5) Astredhor Loire-Bretagne. (6) IRHS, Inra, Agrocampus-Ouest, Université d'Angers, SFR 4207 Quasav, Beaucouzé.

Chariot d'irrigation adapté pour la stimulation mécanique par l'ajout d'une bâche plastique frangée.

PHOTO : ASTREDHOR

Mesure du potentiel hydrique du substrat d'un pot de rosier par tensiométrie.

PHOTO : LOÏC IFFAT

Dispositif de stimulation mécanique sur culture de pélargonium installé en entreprise.

PHOTO : PHILIPPE MOREL

Plantes du rosier cv Knock-Out® 'Radrazz' non stimulées (à gauche) et stimulées mécaniquement (à droite).

PHOTO : PHILIPPE MOREL

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