Plantes exotiques envahissantes : la filière lance un code de conduite
Conscients de la problématique des plantes exotiques envahissantes (PEE), les professionnels de la production, du paysage et du commerce du végétal se sont engagés dans un code de conduite qui vise à restreindre l'usage de certaines d'entre elles. Mis en place sous l'égide de Val'hor, ce document a déjà recueilli plus de deux cents adhésions.
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Ambroisie, jussies, griffes de sorcières..., les plantes envahissantes font de plus en plus parler d'elles. De nombreux organismes de protection de la nature préconisent de lutter contre la prolifération des plantes exotiques, qui peuvent dans certains cas avoir un impact négatif sur la biodiversité, les activités économiques ou encore la santé. En France, de nombreux végétaux ont été introduits et utilisés à des fins ornementales : si une majorité d'entre eux ne pose pas de problème, une faible proportion est susceptible de porter atteinte à la biodiversité locale et aux écosystèmes. Alors que les initiatives pour réguler ces espèces se multiplient (voir l'encadré), il était nécessaire que les professionnels de la production, du paysage et du commerce de végétaux s'investissent sur le sujet : c'est dans ce cadre que le Code de conduite professionnel relatif aux plantes exotiques envahissantes a été mis en place sous l'égide de l'interprofession Val'hor.
1. HORTICULTURE ET PLANTES EXOTIQUES : UNE HISTOIRE INTIMEMENT LIÉE. Au début de l'Époque moderne, à la fin du XVe siècle, les grandes expéditions s'accompagnent de nombreuses introductions d'espèces dans diverses régions du monde. Celles-ci ont cependant existé en tout temps, suivant les populations dans leurs déplacements, qu'elles fussent accidentelles à l'instar de l'arrivée du coquelicot et du bleuet en Europe, ou volontaires : le premier témoignage connu d'une expédition dédiée à la collecte de végétaux remonte ainsi à 1 500 ans avant Jésus-Christ en Égypte.
L'introduction de plantes exotiques va alors de pair avec le regain des sciences à la Renaissance et les progrès techniques, notamment l'imprimerie qui facilitera la confection d'herbiers et d'ouvrages scientifiques en grand nombre. Au fil des années, des milliers de végétaux sont rapportés du monde entier par les jardiniers et les botanistes. Les premiers jardins botaniques de l'Époque moderne sont créés pour accueillir ces curiosités que l'on cherche à adapter en vue d'utilisations agricoles, médicinales ou ornementales.
En parallèle, l'évolution des jardins, l'avènement des espaces verts publics dans la seconde moitié du XIXe siècle ainsi que les progrès techniques, qui permettent la construction de serres en verre et en métal pour l'acclimatation et la production, vont faire de l'horticulture la première voie d'introduction et d'utilisation d'espèces exotiques sur le continent. Des pépinières spécialisées sont créées aux XVIe et XVIIe siècles et l'« horticulture » entre dans le dictionnaire de l'Académie française en 1835 comme « l'art de cultiver les jardins ».
Fort heureusement, une majorité de plantes introduites en France ne posent pas de problème et ne devraient pas en poser (il y a parfois une période de latence entre l'introduction et l'expression du potentiel invasif). D'ailleurs, nombre de ces végétaux sont devenus des incontournables de nos parcs et jardins (agapanthe, ginkgo, Callistemon...), de notre patrimoine (mimosa...) ou encore de nos assiettes (pomme de terre, tomate...). Toutefois, une faible proportion des espèces introduites est susceptible de devenir envahissante avec des impacts négatifs.
2. IMPACTS DES PLANTES EXOTIQUES ENVAHISSANTES. Les dommages occasionnés par les espèces exotiques envahissantes (EEE) sont souvent cités parmi les causes principales de perte de biodiversité au niveau mondial. Ce risque d'extinction d'espèces prédomine cependant dans les milieux insulaires où les taux d'endémisme sont les plus élevés. Des exemples emblématiques (disparition du dodo à l'île Maurice, invasion de la Polynésie par le Miconia) ont concouru à vulgariser le sujet, avec le risque parfois d'emprunter des raccourcis stigmatisant l'introduction d'espèces exotiques.
Au demeurant, une faible proportion d'espèces introduites peut présenter localement des avantages compétitifs sur les espèces indigènes qu'elles peuvent alors surpasser en nombre, voire ponctuellement éliminer. En modifiant la composition floristique d'un milieu, elles ont des répercussions sur la faune et les chaînes alimentaires. Elles peuvent impacter le fonctionnement des écosystèmes (modification des propriétés des sols, asphyxie des milieux aquatiques...), certaines activités économiques (réduction des productivités agricoles et sylvicoles) ou récréatives (notamment sur les plans d'eau) ainsi que la santé humaine : l'ambroisie, espèce allergène nord-américaine, en est l'exemple le plus célèbre.
Il est parfois difficile de déterminer quelle est la relation de cause à effet entre la prolifération d'une plante exotique, la dégradation d'un milieu et la régression d'espèces indigènes. La PEE profite souvent de la perturbation d'un milieu pour y proliférer, sans pour autant être la cause initiale du problème.
Si les EEE montrent des capacités reproductives importantes (l'herbe de la pampa produit jusqu'à 10 millions de graines par pied), il n'y a cependant pas de traits biologiques spécifiques qui les distinguent des espèces indigènes, qui peuvent aussi être la cause de nuisances occasionnelles.
Certaines EEE sont parfois également source de bénéfices pour l'environnement, l'économie ou la société. Quelques techniques horticoles existent pour réduire les risques de prolifération, par exemple des cultivars stériles ou le greffage pour les végétaux drageonnants : il était donc indispensable que la filière horticole soit proactive sur le sujet.
3. LE CODE DE CONDUITE PROFESSIONNEL : UNE PRISE DE PAROLE des divers acteurs de la filière. À l'image d'autres initiatives européennes semblables, le code de conduite français propose la mise en place de mesures concrètes et de bonnes pratiques, comportant des restrictions totales ou partielles d'utilisation de certaines plantes dans des conditions bien définies, correspondant à deux listes de végétaux :
- la liste de consensus recense les plantes qu'il est souhaitable de ne plus voir produites, vendues, prescrites ou utilisées sur le territoire ; elles ont des impacts négatifs importants et reconnus, et ne présentent pas ou peu d'aspects positifs pour les utilisateurs ; par exemple, l'ailante, le Baccharis ou l'herbe de la pampa... ;
- la liste de plantes soumises à recommandations recense les plantes qui ne sont envahissantes que dans certains milieux où elles peuvent avoir des impacts négatifs ; elles ont cependant des aspects positifs pour les utilisateurs et sont donc évaluées pour définir des conditions d'utilisation ; on trouve ici des plantes telles que le buddléia, le rosier rugueux, l'érable négundo, le rhododendron pontique...
Les listes de plantes sont mises à jour régulièrement et sont disponibles sur le site Internet du code de conduite (www.codeplantesenvahissantes.fr).
4. S'ENGAGER : POURQUOI ET COMMENT ? Fondé sur le principe de l'autorégulation, le code de conduite est un outil complémentaire à la réglementation qui permet aux professionnels de la filière de montrer leur capacité à traiter une problématique environnementale. Il constitue aussi un outil de discussion avec les pouvoirs publics afin de trouver collectivement les réponses appropriées et proportionnées aux enjeux, notamment lorsqu'il s'agit d'espèces présentant également des aspects positifs.
Alors que les activités de l'horticulture et du paysage sont à l'origine de nombreux bénéfices pour l'environnement, la biodiversité, la société ou encore la santé, il serait regrettable que quelques plantes problématiques accaparent la scène médiatique avec le risque de porter préjudice à l'image de toute la filière.
L'engagement des professionnels dans le code de conduite est volontaire et se fait directement depuis le site Internet www.codeplantesenvahissantes.fr, dans la rubrique « Espace pro S'engager ».
Romain Manceau (*)
(*) Val'hor.
Dans le cadre de la loi Santé adoptée en janvier 2016, trois espèces d'ambroisies, plantes proliférantes et allergènes, vont être interdites. PHOTO : CCO
Emblématique du sujet, introduite au XIXe siècle d'Amérique du Sud, l'herbe de la pampa a été très utilisée dans les habitats pavillonnaires des années 1970. PHOTO : CCO
Des plantes exotiques aquatiques, utilisées en aquariophilie, ont pu être rejetées dans les milieux et y proliférer. Ici, Myriophyllum aquaticum. PHOTO : MARIE-LAN NGUYEN
Des cultivars stériles et la taille des inflorescences fanées permettent de contrôler la dissémination du buddléia (inscrit en liste de plantes soumises à recommandation). PHOTO : CCO
Introduite d'Asie en 1825, médaille d'or d'un concours d'horticulture en 1847, la renouée du Japon Reynoutria japonica est l'une des espèces les plus problématiques. PHOTO : CCO
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