Réchauffement climatique : le végétal, victime et acteur
Les températures augmentent et les premiers effets se font sentir dans notre vie quotidienne mais également sur la faune et la flore. En quoi ces changements impactent-ils le paysage et l'horticulture ?
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L'année 2015 est la troisième année la plus chaude enregistrée en France après 2014 et 2011. Selon les scénarios, Bordeaux (33) pourrait avoir le climat de Rome d'ici 2070 et Paris (75) celui de Perpignan (66). Le réchauffement climatique est un fait. Les températures moyennes à la surface de la planète pourraient augmenter de 4,8 °C à l'horizon 2100 par rapport à la période 1986-2005 (*). Alors qu'elles n'ont augmenté que de 0,85 °C en moyenne ces cent trente dernières années (entre 1880 et 2012). Face à ce phénomène global, c'est au niveau local que se joue notre aptitude à nous adapter à cet inévitable bouleversement.
En ville, si les citadins accueillent volontiers une moindre rigueur hivernale, ils supporteront difficilement les canicules à répétition. L'aménagement urbain doit prendre en compte la notion d'îlots de chaleur (**). Mais l'évolution des températures n'est pas le seul critère à considérer. Les risques d'inondations - accrus par l'imperméabilisation des surfaces et la violence des épisodes pluvieux - et l'accès à la ressource en eau constituent également deux enjeux majeurs des cités urbaines du XXIe siècle. Or, leur potentiel d'acclimatation est lié en grande partie aux végétaux et aux espaces verts, comme le montre l'expérience du Grand Lyon (69).
Des répercussions en ville mais aussi en production
En production horticole, le réchauffement climatique a plusieurs conséquences, avec par exemple des économies d'énergie pour les cultures chauffées en hiver. En revanche, les exploitants devront apprendre à gérer leur ressource en eau, pour faire face à des épisodes de sécheresse en été et des pluies plus intenses en hiver.
Une hausse de la température d'un degré correspond au déplacement du climat de 180 km vers le Nord ou de 150 m d'altitude. La faune et la flore sont forcément impactées. Des hivers moins froids et moins de gels (baisse de 30 à 50 % du nombre de jours de gelée annuel sur les soixante dernières années) signifient moins de dégâts sur la végétation et, en contrepartie, des levées de dormance précoces, des floraisons décalées, une élimination plus faible des formes de conservation de certains insectes et maladies (rouilles...). Les populations de bioagresseurs et d'auxiliaires évoluent. Certains ravageurs de serres chaudes n'hésitent plus à faire une petite virée à l'extérieur, d'autres migrent du Sud vers le Nord, ou prennent de l'altitude. La chenille processionnaire du pin progresse ainsi à plus de 5 km/an depuis les années 1990, et elle a désormais franchi la Seine. Les espèces « exotiques » s'installent plus volontiers sur notre territoire. Les températures en hausse accélèrent les cycles de développement, avec des sorties d'insectes plus précoces (pucerons...), et des générations plus nombreuses. Tout se jouera sur la capacité des auxiliaires régulateurs à suivre ces évolutions et à maintenir l'équilibre. En réalité, les effets des changements climatiques sur les bioagresseurs sont complexes, car ils dépendent de l'état de santé du végétal, lui-même soumis aux aléas climatiques. Un arbre affaibli par un stress hydrique en été sera plus sensible aux attaques. De même, le cycle de développement d'un organisme nuisible, décalé dans le temps, peut ne plus correspondre aux phases sensibles du végétal. Ces changements climatiques suscitent en tout cas de plus en plus d'intérêts, de questions et de constats dans les zones tempérées. « Les réseaux d'observations de terrain, en facilitant le recueil de données biologiques et épidémiologiques, contribuent à la mise au point de modèles prédictifs des risques par les chercheurs et les instituts techniques », souligne Jérôme Jullien, expert référent national en surveillance biologique du territoire (DGAL/SDQSPV).
Des gammes végétales à adapter
La question n'est plus de savoir si la palette végétale va changer, mais comment et à quel rythme. Les stations d'expérimentation travaillent depuis plusieurs années sur la sélection de plantes adaptées à la sécheresse. Côté distribution, l'objectif est plus de proposer des végétaux sans entretien qu'adaptés au changement climatique, mais le résultat est le même. Côté villes, il s'agit de répondre à des conditions de plus en plus contraignantes : sol réduit, microclimat urbain avec des températures estivales accentuées, ressources en eau limitées... Tout en répondant à des enjeux de maintien de la biodiversité, de santé publique, etc. ! Dans ce contexte, les espèces indigènes constituent un créneau de niche que les labels « Végétal local » et « Vraies messicoles » cherchent à encadrer. Certaines agglomérations demandent déjà des espèces particulières, adaptées à l'évolution attendue de leur microclimat, capables de supporter des stress hydriques et thermiques. Pour limiter les dégâts causés par les invasions de bioagresseurs, elles diversifient leurs plantations. Pour répondre à cette nouvelle demande, encore faut-il que les producteurs aient su l'anticiper... À moins que les collectivités ne se décident à travailler main dans la main avec eux, comme le Grand Lyon, qui envisage une collaboration avec les pépiniéristes sur la sélection d'écotypes, les modes production et la garantie de traçabilité.
Claude Thiery, Jérôme Jullien et Valérie Vidril
(*) Source : Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). (**) Voir le Lien horticole n° 967, « Îlots de chaleur urbains : le végétal à la rescousse », pp. 12-13.
Certains organismes migrent du Sud vers le Nord ou prennent de l'altitude. Et certains ravageurs de serres chaudes n'hésitent plus à faire une petite virée à l'extérieur. Le réseau d'épidémiosurveillance des Pays de la Loire note une recrudescence des foyers d'aleurodes des serres, Trialeurodes vaporariorum, en plein air. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
La vergerette de Sumatra, Conyza sumatrensis, fleurit continûment du printemps à l'hiver et produit de nombreuses semences. Elle est assez emblématique des plantes urbaines ayant un potentiel de développement avec le réchauffement climatique. PHOTO : G. FRIED - ANSES-LSV
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