Le marché du jardin face à un client connecté
Le commerce des végétaux d'ornement a encore été compliqué ces derniers mois. Question de climat, mais aussi de changement de comportement des consommateurs. Tour d'horizon de quelques évolutions notables dans le commerce en général, marquées en particulier par l'usage d'Internet...
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Comment améliorer le commerce des produits du jardin, et plus particulièrement des végétaux ? Posée de cette manière, cette question amène cette année une réponse évidente sur laquelle nous n'avons pas de prise : en bénéficiant avant tout de conditions climatiques correctes. Et, comme en 2013, cette année 2016 n'aura pas épargné grand-chose. Tout juste peut-on se consoler en se disant que le froid a été moins vif au cours de ce printemps qu'il y a trois ans. Et si le mauvais temps a eu tendance à s'acharner sur les dimanches, il a épargné davantage les samedis... Maigre consolation pour ce qui restera, une fois de plus, dans les mémoires, comme un printemps bien pénible.
L'autre point qui vient immédiatement à l'esprit est l'envie de consommer des possesseurs de jardins. De ce point de vue, les témoignages sont contrastés. Certains producteurs détaillants expliquent que, dès que le temps le permet, les clients sont là, prêts à assouvir leurs envies de vert. Pour d'autres, la concurrence des autres formes de loisirs pèse de plus en plus fort. Les analystes de la conjoncture ne font pas mieux : alors que l'Insee annonçait en mars dans une note de conjoncture que l'humeur du consommateur était à la hausse début 2016, effaçant les effets négatifs des attentats de 2015, l'Institut Nielsen expliquait à la mi-mai que l'indice de confiance des consommateurs dans le monde est resté stable au premier trimestre de cette année, perdant 3 points cependant en Europe, les plus grosses chutes étant observées en Estonie (- 15 points), aux Pays-Bas (- 13 points), en Russie (- 11 points), puis en France (- 10 points). Là encore, les clés de relance de la confiance des citoyens relèvent plus des décideurs politiques et d'événements liés à la géopolitique que des choix stratégiques des horticulteurs...
Plaisir, nouvelles technologies et marketing expérientiel ont le vent en poupe
Mais si l'on prend le pari que, malgré ces vicissitudes, le marché du jardin est encore une valeur sûre, - ce qui reste quoi qu'il en soit notre raison d'être -, il faut observer ce qui se passe au niveau du commerce afin de ne pas manquer les évolutions majeures qui s'opèrent. Internet, en particulier, mais aussi les évolutions comportementales, sont en train de « faire bouger les lignes », et les recettes qui ont fonctionné hier ne seront plus celles qui permettront de faire vivre les points de vente horticoles demain. Il ne faut pas perdre de vue que tous les marchés ont été chahutés ces dernières années, pour certains bien plus que celui du jardin. Dans une enquête intitulée « Consommation et modes de vie », le Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) notait en avril que « l'économie française est actuellement en période de transition, passant d'une crise profonde à une reprise ». S'interrogeant sur les motivations de consommation des récentes innovations de plusieurs secteurs (alimentation, équipement de la maison, immobilier...), l'institut explique que le succès des nouveautés repose sur la réalisation de soi, laquelle se traduit par une attente de plus en plus forte des consommateurs en matière de produits spécifiquement adaptés à leurs goûts et à leurs habitudes de consommation ou à un besoin de vivre d'autres expériences d'achat. « Pour les distributeurs, cela implique des efforts en matière de digitalisation des points de vente et un développement des outils marketing qui permettront la personnalisation des produits et services », conclut le Crédoc.
Selon cette enquête, les motivations principales des consommateurs sont le plaisir (en hausse), devant la digitalisation et les nouvelles technologies (en baisse), le marketing expérientiel, puis la personnalisation (en forte hausse). La valeur qui a le plus progressé dans l'enquête 2015 par rapport à 2011 est le « réenchantement du lien social », alors que celle qui a le plus baissé est l'achat malin et le bon plan, passant de la seconde motivation des acheteurs à la treizième (notons que l'enquête précédente se situait juste après la crise de 2008...). Un client prêt à mettre le prix pour se faire plaisir, rencontrer ses pairs et vivre une expérience unique, pour résumer.
Le marché du jardin peut avec facilité s'immiscer dans les tendances actuelles
Une récente enquête Nielsen confirme l'aspect économique de cette analyse : la consommation du début d'année s'est bien tenue, l'impact des promotions a été moindre au premier trimestre de cette année qu'en 2015. Pour ce qui est de la partie « humaine », à savoir le besoin de rencontre et de réalisation de soi, tout le monde est d'accord aujourd'hui pour souligner que si c'est juste pour effectuer l'achat rapide d'un produit standard, le consommateur ne se rendra plus dans un magasin physique, mais passera directement par Internet, via le drive ou le click and collect (voir l'encadré). Descendant plus loin dans l'analyse des tendances, le Crédoc liste les besoins du consommateur qui s'expriment dans chacune. Pour la réalisation de soi et l'autonomie, les gens veulent coproduire (je participe à l'élaboration du produit ou du service), attendent des conseils, du service. Ils veulent que l'achat leur procure du plaisir et les amène à un vécu original (une soirée à leur attention, par exemple), que l'accès à un produit leur soit facilité, que leur parcours « client » leur permette d'utiliser de nouvelles technologies et de gagner du temps. Pour la « reliance », il s'agit d'être mis en relation avec les autres, de créer du lien communautaire (réseaux sociaux), de confronter leurs propres choix avec ceux de leurs pairs. Vient ensuite la « rassurance », avec le besoin de garantie et de sécurité, la consommation engagée avec des notions d'éthique et d'écologie, la stratégie et les achats malins n'arrivant qu'ensuite.
Ces valeurs sont facilement accessibles au producteur détaillant, au moins pour les aspects « rassurance », conseil, etc. Les jardineries, qui pour beaucoup se sont longtemps orientées vers la notion de libre-service pour tirer les prix, ont un chemin plus long à parcourir. Certaines ont toutefois pris les devants en étant plus actives sur Internet, par exemple. Mais une chose est sûre : surfant sur des valeurs comme l'environnement ou la proximité, le marché du jardin peut avec facilité s'immiscer dans ces tendances, pourvu que ses acteurs en aient la volonté.
Pascal Fayolle
L'achat malin, le bon plan à prix réduit, perd des places dans le classement des motivations d'achat des consommateurs. Sans pour autant perdre totalement de son attrait. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Comment remotiver les consommateurs pour le produit horticole ? Au-delà des aspects impondérables, comme le climat et la conjoncture, de nouvelles attentes, qu'il faut tenter d'adopter, sont en train de poindre. PHOTO : ODILE MAILLARD
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