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Valider ou pas la qualité par un label, un débat perpétuel

Des labels, pourquoi pas, mais à quel prix et pour quels circuits de commercialisation ? C'est autour de cette question qu'ont débattu les participants au dernier congrès de la FNPHP.

Le dernier congrès de la FNPHP (les 8 et 9 juin à Paris) a permis de traiter de la mise en avant de la qualité dans la filière. Retour sur l'une des tables rondes du rendez-vous annuel des producteurs portant sur les labels, leurs intérêt et limites.

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Les débats se sont ouverts avec un peu d'histoire. Avant la filière horticole, d'autres secteurs agricoles se sont intéressés aux labels de qualité, en particulier la filière viande. Denis Lerouge, directeur de la communication d'Interbev, l'interprofession bétail et viande, a rappelé combien, en mars 1996, la crise de la vache folle a montré qu'il était nécessaire d'assurer une traçabilité en France. Alors que la maladie venait d'Angleterre et que les pratiques étaient plus sûres en France, il fallait pouvoir prouver que la viande française avait bien suivi un cursus de production intégral dans l'Hexagone. Dès l'an 2000, le label Viande de France voit le jour pour la viande de porc. La volaille et le lapin suivront. Pour porter le label, un animal doit être né en France, y avoir été élevé, abattu, découpé et transformé. « Une traçabilité du producteur à l'assiette », précise Denis Lerouge. Le label né de cette démarche dispose aujourd'hui d'une notoriété de 75 %. C'est le troisième logo le plus connu après les Label rouge et AB (Agriculture biologique). L'interprofession Val'hor s'est rapidement intéressée à cette démarche, tout comme d'autres filières. En conséquence, les labels Fleurs de France, Fruits et Légumes de France ou Pomme de Terre de France ont vu le jour.

Pour chacune de ces distinctions, le logo doit reposer sur un cahier des charges, qui précise notamment ce que signifie l'origine France. Une promesse de production en France doit, en particulier, répondre aux normes sanitaires du pays, faire travailler des salariés français selon les droits du travail qui y sont liés, etc.

1,2 à 2 % du chiffre d'affaires pour une visibilité à prouver

Joël Ramon, président du réseau HPF, Horticulteurs et pépiniéristes de France, a « un peu pris le contre-pied » de cette vision idéalisée des choses, rappelant que « tout ce qui avait été présenté coûte cher », soit 1,2 à 2 % du chiffre d'affaires pour l'appui technique, l'expérimentation, les syndicats, les labels, etc. Il s'interroge sur le fait qu'une entreprise puisse être présente sur un seul segment de marché, et sur le fait que la distribution spécialisée soit sensible aux labels. « Tous ces logos sont-ils visibles ? Viables ?», s'interroge le producteur qui vend en direct à Albi (81). Et de poursuivre : « Ne vaudrait-il pas mieux disposer de labels par circuits ? » Poser la question est évidemment un peu y répondre, même si Joël Ramon parle avant tout pour les circuits courts, sans se prononcer sur les circuits longs. Il rappelle que, lorsque le réseau HPF a été lancé en 1999, il avait été établi qu'il n'était pas souhaitable de disposer d'un label pour les circuits longs. Les industriels préféraient plutôt des marques différentes en fonction des circuits. Il n'est pas hostile aux labels, mais le choix qui a été fait par HPF est de garantir qu'au moins 70 % des végétaux vendus sur le point de vente sont produits par l'entreprise. Avec un certificat de qualité reposant sur 5 critères HVE (Haute valeur environnementale) que les adhérents peuvent demander, mais seuls 40 d'entre eux (sur près de 200 adhérents HPF en France) ont souhaité en disposer. Les autres se contentent de la seule adhésion au réseau. Et s'ils ne sont pas « HVE, ils en respectent les critères », estime Joël Ramon. Chacun doit suivre au moins deux critères de la RSE (responsabilité sociale et environnementale), le plan de formation ou le recyclage. Autant d'action que le président d'HPF aimerait voir relayer par la FNPHP auprès de Val'hor.

Se démarquer par autre chose que le prix

René Grange, président d'Excellence végétale, l'association qui gère le Label rouge dans le domaine du végétal d'ornement, a rappelé combien ce label qu'il représente aujourd'hui est connu, reconnu et synonyme aux yeux des consommateurs de qualité supérieure. « Il permet de se démarquer et de parler d'autre chose que de prix. » Des enseignes comme Lidl sont à sa recherche, Mac Donald's doit y venir pour le poulet d'ici la fin de l'année... « Le label permet la prospection de nouveaux clients pour nos produits », conclut-il.

Au-delà des pseudo-labels autodéclarés, un vrai intérêt

Patrick Abadie, qui travaille pour Truffaut mais qui représentait la FNMJ (Fédération des métiers de la jardinerie) au congrès, estime que si on en est là, c'est qu'il existe actuellement beaucoup de pseudo-labels, et que certains sont autodéclarés : c'est vrai dans les cosmétiques, par exemple. Il estime qu'il n'y a pas trop de labels, l'un garantit l'origine (Fleurs de France), l'autre la qualité (Label rouge), et ils sont complétés par les labels environnementaux (MPS et Plante Bleue). Il faut, pour qu'ils réussissent, une reconnaissance visuelle forte et un cahier des charges sérieux. « Si demain nous sommes interpelés par une ONG (organisation non gouvernementale), nous avons intérêt à être prêts à répondre. » À l'ère des réseaux sociaux et où les gens n'hésitent plus à s'adresser aux entreprises, il faut être fiable et avoir des preuves de ce que l'on avance, rappelle-t-il. « Nos concurrents ne sont pas les autres enseignes spécialisées, mais les acteurs des autres loisirs, voyages, par exemple. On peut se bagarrer sur les prix, les enjeux sont ailleurs. Les marges sont meilleures sur un produit Label rouge, on l'achète plus cher, et on le vend plus cher, de 10 à 15 %. » Et à un producteur qui lui demande ce qui va empêcher une marque de discount de vendre du Label rouge, il estime que le produit se dégrade dès qu'il rentre dans un magasin qui n'est pas une jardinerie. « Si le géranium n'est pas correctement arrosé, il jaunit, et il manquera vite de lumière. Sans aller vers une norme, une DLC (date limite de consommation) comme en alimentation, nous réfléchissons à une DLV (date limite de vente), c'est en réflexion pour le géranium. Nous travaillons sur une certification, une marque, ou plutôt une déclaration de bonnes pratiques, mais quoi qu'il en soit, les points de vente devront peut-être être certifiés. »

Outre ces interventions, les débats ont évidemment laissé la place à des producteurs qui ont expliqué leurs démarches qualité, les raisons de leurs choix, et ont mené des échanges avec les participants au congrès (voir l'encadré). Sans que les positions des uns et des autres ne bougent vraiment. Sans que les questions soulevées lors de débats précédents sur le même sujet (à Saint-Germain-en-Laye - 78, en juin 2016, par exemple, voir le Lien horticole n° 986 du 5 octobre 2016) n'aient vraiment trouvé une réponse. Entre les entreprises vendant au détail et celles qui passent par des enseignes, voire celles qui vendent essentiellement aux collectivités, pas certain d'ailleurs que des réponses communes soient réellement nécessaires. Mais surtout, le sujet est finalement tellement récent que beaucoup manquent encore de recul pour pouvoir juger, à la fois de l'intérêt des labels, mais aussi de leur « rapport qualité-prix »...

Pascal Fayolle

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