Mieux répondre au marché horticole urbain

« STRATège tente de comprendre pourquoi 18 % de foyers urbains sont non-consommateurs de végétaux », introduit Camille Li-Marchetti (Astredhor), co-animatrice de cet UMT, avec Philippe Morel (Inra). « Nous essayerons de découvrir comment les sensibiliser et les transformer en jardiniers. La meilleure solution était de rassembler des partenaires se connaissant, en ajoutant des compétences nouvelles. » À l'instar de l'analyse sensorielle de Senso'Veg, du laboratoire Grappe de l'école supérieure d'agricultures (ESA) d'Angers, ou de la méthode de eye-tracking (suivi du regard) d'analyse comportementale du consommateur. Et comme le suggérait François Colson, secrétaire général de Plante & Cité : « L'expertise de Plante & Cité sur la nature en ville viendra en appui, avec notamment www.floriscope.io (*). Les critères de recherche des utilisateurs professionnels peuvent aussi renseigner sur leurs souhaits et ceux de leurs clients. »

Feuille de route pluridisciplinaire

La stratégie enclenchée présente plusieurs originalités : une approche multidisciplinaire de recherche fondamentale et appliquée, un format UMT avec ses spécificités de fonctionnement et le choix de deux espèces modèles : le rosier et la tomate. Le dispositif de soutien à l'innovation UMT mis en place par le ministère de l'Agriculture en 2006, a déjà fait ses preuves, notamment en vitiviniculture. L'UMT FioriMed, développant des stratégies de protection intégrée focalisées sur les pesticides, est d'ailleurs en cours dans notre secteur pour la période 2014-2019 (le Lien horticole n° 934 du 24 juin 2015). Ce système de partenariat sur la R & D est co-piloté par un institut technique et un organisme de recherche académique. Henri Seegers, président de l'Inra-centre d'Angers-Nantes (44), en a évoqué le principe fondateur : « La co-localisation d'effectifs et de compétences, assortie de l'envie d'aller chercher des financements pour concourir à une science utile et partagée. » Le côté finalisé de STRATège semble acquis avec une valorisation et des transferts vers la profession assurés ensuite par l'Astredhor.

De nombreuses unités de recherche du paysage ligérien interviennent. Au sein de l'UMR 1345 IRHS, Philippe Morel évoquait l'équipe Arch-E architecture et environnement et l'équipe GDO génétique et diversité des plantes ornementales. À Agrocampus Ouest, Pierre-Emmanuel Bournet dirige l'Unité propre EPHor environnement physique de la plante horticole, déjà active sur le projet Obauc (ornemental bush architecture under urbain conditions, pour architecture des buissons d'ornement en conditions urbaines) sur les buissons ligneux d'ornement. L'UMR Smart-Lereco va caractériser les différents circuits de distribution de la filière horticole pour le marché des particuliers urbains. L'Unité sous contrat Grappe a l'originalité d'une approche multicritères de l'évaluation de la qualité avec des mesures instrumentales physico-chimiques croisées à une évaluation sensorielle ou hédonique. Citons encore l'équipe d'Accueil Granem en économie et management, ainsi que le laboratoire Rn'B conjoint à Audencia Business School et l'École Centrale de Nantes actif en marketing digital, expérience d'achat et socio-anthropologie de la consommation. De quoi poser un regard aigu sur le (futur) jardinier urbain et les végétaux qui lui sont destinés.

Premiers champs de bataille

De fait, les travaux de l'UMT STRATège ont débuté dès janvier 2017 après l'agrément ministériel. Dès 2018, des éléments seront fournis pour développer une segmentation de l'offre et, à partir de 2022, la filière pourra enclencher une nouvelle stratégie grâce aux parcours améliorés proposés.

Quatre projets, d'une durée de deux ou trois ans, sont d'ores et déjà soutenus par l'UMT. Créa'Gamm, porté par l'Astredhor, aidera à repenser l'offre en fonction de la demande ; il vise la création de gammes de végétaux. Pour Eval'Innov, l'Astredhor élabore, de concert avec l'ESA, une méthodologie d'évaluation du risque de mise sur le marché d'une innovation. L'Astredhor, accompagné d'Agrocampus Ouest et de l'Inra, porte également le projet Irradiance. Il mettra au point un système innovant de production de plantes horticoles compactes et ramifiées. Pour mieux s'affranchir de la saisonnalité, le cycle de production démarrera en milieu clos avec des conditions climatiques contrôlées. Epiclones, porté par les trois acteurs de la recherche dans l'UMT, étudie le potentiel d'une technique de culture innovante pour acclimater les plantes en milieu urbain. Elle est basée sur la multiplication végétative de variants épigénétiques présentant des résistances accrues aux contraintes environnementales. Un cinquième projet sur le marketing et la segmentation verra le jour d'ici la fin de l'année 2017 avec des étudiants d'Agrocampus Ouest.

Espérons que la feuille de route sera respectée, avec un quota de recherche finalisée conséquent dans les travaux afin que les professionnels s'approprient rapidement les résultats et deviennent de fins stratèges. L'UMT envisage la constitution d'un groupe d'acteurs producteurs et négociants référents pour ses travaux. Et pourquoi ne pas copier ce modèle pour d'autres préoccupations aiguës de filière horticole ? Une UMT impliquant l'Ademe (agence nationale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) serait, par exemple, bienvenue pour accélérer latransition environnementale et énergétique en ornement...

Linda Kaluzny-Pinon

(*) Application web Floriscope : connaître, choisir et trouver des plantes pour les jardins & les espaces verts.