Groupée, la pépinière française peut s'imposer sur des projets d'ampleur

Avec un budget d'achats de végétaux de 3 millions d'euros, Village Nature, une opération immobilière réalisée en tandem par Pierre & Vacances et Disney sur un concept de type Center Parcs, a constitué l'un des projets phares du paysage en France ces derniers mois. Aussi importante qu'elle soit pour notre secteur d'activité, l'enveloppe consacrée aux végétaux de ce chantier reste cependant une goutte d'eau dans l'investissement total qui est réalisé sur le site, à une trentaine de kilomètres à l'est de Paris, tout près des parcs Eurodisney. Quelque 600 millions d'euros ont en effet été consacrés au parc qui devrait ouvrir ses portes l'été prochain. Pour ce prix, une piscine géante a vu le jour, l'Aqualagon, dont la surface couverte est de 1 000 m2 et dont les 2 500 m2 de bassins en extérieur seront chauffés à 30 °C tout au long de l'année, pour le plus grand confort des utilisateurs des bassins de baignade et des toboggansgéants. Plus de 900 cottages répartis en 3 catégories de confort ont été construits pour accueillir le public. Rien que pour l'ensemble des équipements ludiques, près de 200 millions d'euros ont été investis. Et pour les hébergements, l'enveloppe a été d'environ 160 millions.

Un coin de la Brie transformé en jardins extraordinaires

À cette échelle, les 35 millions d'euros consacrés au paysage (soit un peu plus de 5 % du total de l'investissement), dont 3 millions d'euros pour les seuls achats de plantes, paraissent donc presque dérisoires ! Mais ils représentent néanmoins l'un des plus gros chantiers d'espaces verts de ces derniers mois, qu'ont partagé 3 entreprises du paysage : ID Verde, Segex et Pinson Paysage. Le paysagiste Thierry Huau a assuré la conception d'ensemble du site. Il est un habitué de ce genre de projet : il assure la conception paysagère des Center Parcs qui se créent aujourd'hui en France et on lui doit également le parc Terra Botanica, situé à Angers (49).

Pour cette nouvelle aventure, il a transformé un coin de forêt et de terres agricoles de la Brie en jardins : « Il fallait donner une signature à tout cet espace qui accueillera du public et à ces infrastructures », explique-t-il. Le travail de paysage a été conduit partout sur les 180 hectares aménagés pour la première tranche en cours d'achèvement (à terme, la capacité d'accueil devrait plus que doubler). Mais c'est derrière l'Aqualagon que le concepteur a le plus valorisé son savoir-faire : les jardins extraordinaires y déclinent les 4 éléments, l'eau, l'air, la terre et le feu, dans une explosion végétale dont témoignent particulièrement bien les bambous qui séparent des immeubles attenants et la multitude de grands arbres qui ont été implantés récemment. Les jardins, qui seront éclairés la nuit, sont destinés à être des lieux de vie, pour du théâtre ou de la musique par exemple. Les jardins du feu, qui ont permis au concepteur de mettre en scène des paysages qu'il a pu voir en début de carrière, en travaillant en Nouvelle-Zélande, sont composés de plantes aux couleurs soutenues.

Le bâti intégralement intégré dans la végétation

Les arbres qui ont été abattus sur les parcelles agencées ont été en partie utilisés ici pour délimiter des espaces par des murs de grumes qui en plus favorisent la biodiversité. « L'idée est de donner aussi à ces jardins une idée de récupération, de recyclage », précise Thierry Huau. Les reliefs façonnés pour donner vie aux lieux ont été réalisés en équilibrant les déblais et les remblais, sans aucun apport de matériaux extérieurs. Les grands arbres ont permis de donner immédiatement une structure aux aménagements.

Les bâtiments qui ont été construits autour de ces zones de nature sont noyés dans la végétation et sont couverts de murs végétalisés. C'est le système Tracer, des grilles métalliques enserrant du substrat retenu par un non-tissé, qui a été choisi « parce que la toile se colorise bien, au-delà des végétaux plantés », explique le concepteur. Cinq essences ont été installées sur ces murs : Geranium macrorrhizum, Lonicera nitida, une campanule, un Carex et une fougère. Les immeubles disposant de deux ou trois étages, tous les appartements sont équipés de balcons larges et dont la résistance a été renforcée pour pouvoir accueillir de grandes jardinières. Elles sont composées de grimpantes qui vont à la fois monter et retomber, pour noyer totalement le bâti dans la verdure. Des toits terrasses ont également été calibrés de manière à pouvoir être végétalisés.

Près de la moitié des achats de végétaux en France

Les arbres de grand développement qui articulent, en particulier, les jardins extraordinaires, « ont été cultivés en contrat de culture dans toute l'Europe », explique Thierry Huau. Pour autant, une large part des plantes a été achetée en France. Les grimpantes viennent par exemple des pépinières Travers. Les bambous de la Bambouseraie d'Anduze. Les rosiers des pépinières de la Saulaie et les vivaces des pépinières Lepage. Mais surtout, un contrat portant sur la fourniture de 82 000 plantes pour un montant total d'1,4 million d'euros a été passé avec le GIE des pépinières franciliennes (voir encadré ci-dessus). « Pour réussir cette opération, il a fallu diviser nos appels d'offres en un nombre de lots plus élevé que prévu et pour des montants limités, poursuit le concepteur-paysagiste. Il a été convenu que le groupement s'appuie sur les pépinières françaises pour les lots non produits au sein des 7 membres. Ce qui a permis d'offrir aux producteurs de l'Hexagone autour de la moitié de l'enveloppe consacrée aux végétaux sur le chantier. »

Un ratio que l'on aimerait retrouver dans un plus grand nombre de chantiers de grande ampleur en France. Et une démarche qui prouve que, lorsque la volonté est là, beaucoup de choses sont possibles avec la production hexagonale...

Pascal Fayolle