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Agrichauff : le chauffage bioclimatique nouvelle génération

Au centre de production horticole de Rungis, certains compartiments sont chauffés avec le procédé Agrichauff de stockage ventilé sous tablette, mis en place par la station Astredhor Ratho en partenariat avec Agrithermic et Clauger.

Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes a optimisé le concept de serre bioclimatique en y associant gaines de diffusion, ventilation et chauffage d'appoint. La station d'expérimentation l'a mis en application dans les serres de Rungis (94), avec à la clé une récompense Ita'Innov dans la catégorie « Impact et transfert ».

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Depuis quatre ans, la station Ratho-Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes teste sur son site de Brindas (69) le concept de serre bioclimatique avec son partenaire Agrithermic (73), bureau d'études spécialiste de l'efficacité énergétique dans les serres agricoles. En 2016, la station d'expérimentation a l'occasion de le mettre en application au centre de production horticole de la Ville de Paris. Pendant près d'un an, Bernard Darfeuille, responsable technique et opérationnel d'Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes, avec la collaboration d'Agrithermic et Clauger, entreprise spécialisée en froid industriel et en traitement d'air, améliore progressivement le procédé avec le soutien de l'Ademe. Le bilan est positif. Début juin, la station a reçu le prix « Impact et transfert » du concours Ita'Innov 2017 (1).

1. LE CONCEPT DE SERRE BIOCLIMATIQUE. La serre bioclimatique est testée avec succès à Brindas (2). Elle capte l'énergie solaire la journée, la stocke dans des bidons d'eau et la restitue pendant la nuit et lors de périodes nuageuses pour chauffer l'abri. « En hiver et en intersaison, la température des serres est 6 à 11 °C plus chaude que l'extérieur en fonction des conditions d'ensoleillement, soit 4 à 6 °C de plus qu'une serre double paroi gonflable », explique Vincent Stauffer, président d'Agrithermic. Le gain de chauffage est moindre lorsque le temps est mauvais durant la journée et que le ciel est dégagé au cours de la nuit. Dans un premier modèle, un mur capteur accumulateur composé de bidons noirs remplis d'eau est disposé. Il occupe la façade nord de la serre orientée suivant un axe est-ouest. Le manque de lumière peut provoquer une légère perte de rayonnement diffus et amener des ports déséquilibrés. La largeur de tunnel doit rester inférieure à 10 m, car l'influence des bidons au-delà est insuffisante.

Une variante consiste à placer les hydro-accumulateurs sous les tablettes : il n'y a pas alors de contrainte de taille ni d'orientation des serres. Cette solution permet un agencement modulable en fonction des itinéraires techniques horticoles.

2. DES MODÈLES PASSIFS. Les précédents modèles, dits passifs, permettent d'accélérer la vente au printemps et de travailler une grande partie de l'année. « Une telle installation nécessite de 5 à 6 heures d'ensoleillement par jour, une orientation correcte, une bonne isolation. Si les températures extérieures passent sous les - 12 °C, il y a un risque de gel sous l'abri. L'investissement est de l'ordre de 10 à 30 euros par mètre carré », précise Vincent Stauffer. Ces systèmes sont inadaptés aux cultures qui exigent plus de 10 °C la nuit au mois de janvier en Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Les essais du Ratho ont montré que les plantes exigeantes en température (agapanthe, alstroemère, Callistemon viminalis, Dianthus...) présentent une rapide montée à fleurs sous la serre bioclimatique. Élongation, étirement et sensibilité des fleurs au botrytis sont observés sur pensée, une culture qui supporte mieux les températures froides en hiver. Pour les arbustes, Abelia, Buddleia, Caryopteris et Hypericum offrent un démarrage vigoureux sous la serre bioclimatique et un développement végétatif accéléré. Les résultats sont satisfaisants sur rosier.

3. UNE NOUVELLE GÉNÉRATION VENTILÉE. Des modèles hybrides associant principes bioclimatiques et chauffage d'appoint sont possibles, comme le procédé Agrichauff mis en place dans les serres de Rungis sur 1 200 m2. Il a été mis en place dans trois compartiments d'environ 280 m² chacun, dans une serre multichapelle verre équipée d'un écran d'ombrage. Dix mille bidons de 10 litres ont été installés sous les tablettes semi-mobiles. Ce volume permet une charge et une décharge plus rapide que de plus gros hydro-accumulateurs. Un quatrième compartiment, doté d'un compteur de calories, sert de témoin. Un chauffage d'appoint vient en secours si besoin.

Le chauffage de cette nouvelle génération de serre bioclimatique ventilée est optimisé par un réseau de gaines de diffusion et un système de régulation. En journée, l'air chaud s'élève. On profite de cette stratification en le récupérant au faîtage grâce à des gaines couplées à des ventilateurs. D'autres gaines perforées de 350 mm de diamètre diffusent cet air chaud capté au niveau des bidons de stockage (hydro-accumulateurs) situés sous les tablettes. Elles ont été dimensionnées de façon à limiter les pertes de température sur leur longueur. Elles permettent également de brasser l'air de la serre et de baisser l'hygrométrie ambiante (la température des bidons étant plus froide que celle de l'air en journée). La chaleur est restituée la nuit. Une régulation et des variateurs de vitesse permettent d'optimiser la consommation électrique. Ainsi, elle ne dépasse pas 0,50 € par m² et par an pour une consigne de chauffage fixée à 14 °C et une consigne de ventilation fixée à 26 °C. Le coefficient de performance COP (énergie thermique restituée/consommation électrique) est supérieur à dix.

4. ENVIRON 45 % D'ÉCONOMIES D'ÉNERGIE. « Agrichauff répond aux besoins des professionnels en termes de développement durable puisque le procédé permet de réaliser 45 % d'économies d'énergie (résultat obtenu à Rungis après 8 mois de suivi pour une consigne fixée à 14 °C) », affirme Bernard Darfeuille, à l'occasion d'une journée technique « Serres et énergie, retours d'expériences », organisée par Astredhor fin janvier à Rungis (94). Si l'installation s'élève aux alentours de 30 € par m², le retour sur investissement se réalise en moins de six ans. Agrichauff sera industrialisé dès cette année et commercialisé en kit par Agrithermic avec une formation à la pose, afin de réduire les coûts d'installation pour le producteur. Des évolutions restent possibles, comme l'utilisation de bidons à ailettes emboîtables les uns dans les autres pour faciliter leur calage.

Valérie Vidril

(1) Ce concours (www.acta-itainnov.com), organisé par l'Acta, tête de réseau des instituts techniques agricoles (ITA), récompense les découvertes et innovations issues de la recherche appliquée des ITA.(2) Voir le Lien horticole n° 902, Énergie : de nouvelles technologies pour l'économiser, pp. 10-11.

Les gaines perforées ont été dimensionnées de façon à minimiser les pertes tout en transmettant la chaleur aux bidons.

Le procédé permet des économies d'énergie allant jusqu'à 45 % pour une consigne de chauffage de 14 °C et 75 % pour une consigne de 10 °C sans contrainte d'orientation ni de largeur de serre. Il s'applique aux cultures sur tablettes.

Agrichauff associe chauffage d'appoint et ventilation au principe de la serre bioclimatique : stocker le surplus de chaleur diurne de la serre dans des hydro-accumulateurs et le restituer la nuit pour chauffer les serres.

L'air chaud est récupéré au faîtage et diffusé par des gaines sous les tablettes de culture.

Les hydro-accumulateurs sont des bidons noirs de 10 litres remplis d'eau et placés sous les tablettes de culture.

Au Ratho, la serre bioclimatique est testée depuis 2013. Ici le modèle de mur capteur positionné en façade nord de la serre Richel double paroi gonflable orientée selon un axe est-ouest.

La chaufferie du centre de production (7 MW) peut apporter un complément de chauffage si besoin.

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