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Pépinière hors-sol : des itinéraires innovants pour raccourcir le cycle de culture

L'élaboration de la qualité des végétaux, à un coût raisonnable, démarre dès la multiplication pour se poursuivre jusqu'à la plante finie. Ici, une motte traditionnelle.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

La station d'expérimentation Astredhor Loire Bretagne du Caté (Comité d'action technique et économique), à Saint-Pol-de-Léon (29), mène depuis trois ans un programme national Astredhor portant sur la multiplication et les itinéraires culturaux, afin de raccourcir le cycle de production et construire un produit répondant aux attentes du marché.

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En pépinière ornementale hors-sol, la qualité des jeunes plants mis en culture a un impact très fort sur les coûts de production et sur la qualité du produit final. Les expérimentations menées par le Caté (Saint-Pol-de-Léon, 29) en collaboration avec le CDHRC (Orléans, 45) depuis 2014 sur la multiplication et l'adaptation des itinéraires de culture ouvrent la possibilité de raccourcir les cycles de production, relativement longs en pépinière, sans perdre en qualité. Ces travaux s'intègrent dans une réflexion sur l'adaptation des produits au marché : choix variétal, gamme, marketing. La station a travaillé trois axes en particulier : l'utilisation de mottes de culture, de type Fertiss ou Jiffy, peu utilisées en pépinière car plus chères que la multiplication en plaques alvéolées traditionnelles ; une multiplication par bouturage herbacé ou semi-herbacé en période printanière plutôt qu'une multiplication de bois aoûté ligneux en période automnale ; le repiquage de plusieurs boutures par motte de culture ou le rempotage de plusieurs petites alvéoles par conteneur pour raccourcir les plannings de culture en évitant d'avoir recours à des jeunes plants plus volumineux et donc plus âgés.

1. BOUTURAGE HERBACÉ. Traditionnellement, la phase de multiplication en pépinière se déroule en période automnale avec des boutures aoûtées (ligneuses) placées dans des plaques alvéolées (alvéoles de diamètres 2 à 7 cm). Une fois enracinées, ces boutures peuvent être utilisées directement par des éleveurs ou repiquées dans des alvéoles plus grosses, des godets ou des pots de 0,5 à 2 voire 3 l. La multiplication peut également être réalisée en pleine terre.

Encore peu employé en pépinière, le bouturage herbacé ou semi-herbacé permet, pour certaines espèces, d'accélérer la vitesse d'enracinement et ainsi de raccourcir le cycle de culture en démarrant la multiplication très tôt en saison.

Dans des essais réalisés à la station, des pieds-mères ont été rentrés à la fin de l'automne. Les boutures juvéniles ont été prélevées entre janvier et mai, et repiquées en mottes de culture. L'enracinement s'est déroulé dans une enceinte avec fog (95 % d'hygrométrie) et chauffage au sol permettant d'atteindre 22 °C dans les mottes, pendant 2 à 6 semaines. Ensuite, un rempotage précoce a été réalisé sous abri, en conteneur de 2 l (C2L), 2 à 4 semaines après la sortie de la conduite à l'étouffée. Les plantes ont été élevées sous multichapelle avec un itinéraire conventionnel. La durée d'enracinement en enceinte a varié selon les genres : 2 à 3 semaines pour la lavande, 3 à4 semaines pour le forsythia, 4 à 6 semaines pour le Viburnum tinus... avec des taux de réussite respectifs de 98 %, 95 % et 80 % dans ces essais de la station.

Une durée de culture raccourcie

La multiplication et l'élevage en C2L se sont déroulés sur moins d'une année. « Le gain s'obtient sur la durée de culture, avec une réactivité commerciale améliorée », souligne Laurent Mary, responsable d'expérimentation pour le secteur ornemental. Lors des essais, la lavande et le forsythia C2L ont présenté un comportement de croissance intéressant, moindre pour le Viburnum, et un peu moins satisfaisant pour le Photinia qui ne se ramifie pas suffisamment.

2. UTILISATION DES MOTTES DE BOUTURAGE. D'après les essais réalisés depuis 2014, les mottes de bouturage de type Fertiss ou Jiffy permettent de raccourcir la durée de multiplication par rapport aux plaques alvéolées traditionnelles. Cette capacité s'exprime surtout quand la température n'est pas un facteur limitant de la vitesse d'enracinement. Les mottes apportent ainsi peu d'avantages en multiplication traditionnelle alors qu'elles permettent d'accélérer l'enracinement de boutures herbacées et semi-herbacées en période chaude (de juin à août-septembre). Par exemple, pour du Photinia bouturé début août, on peut passer d'une durée de multiplication de 175 jours en plaque alvéolée classique à 63 jours en motte de culture Fertiss.

Dans plusieurs essais, la mise en culture de jeunes plants en mottes de bouturage (par exemple, 6 et 7 cm rempotés en 3 l) a été comparée à celle de jeunes plants en alvéoles traditionnelles de diamètre identique (issus des mêmes pieds-mères et bouturés à la même période). L'utilisation de jeunes plants en mottes de culture a permis en règle générale d'améliorer la qualité finale des plantes par rapport à l'utilisation de jeunes plants en alvéoles traditionnelles. Cet effet s'exprime d'autant plus que le climat est favorable, que la durée de culture est suffisante, et que l'itinéraire de culture est optimisé après le rempotage (irrigation, fertilisation) pour exploiter pleinement le potentiel d'enracinement et de croissance de ces jeunes plants. Une fertilisation de complément par solution nutritive présente en cela plus d'intérêt que la technique du surfaçage (ramification et équilibre des plantes supérieurs). Avec des mottes de culture de diamètre 3 ou 4 cm utilisées pour des rempotages en C3L, les températures basses et les excès d'eau en début de cycle de culture sont des facteurs limitants importants du fait de la fragilité de l'enracinement des jeunes plantules.

3. MOTTES DE CULTURE AVEC DEUX OU TROIS BOUTURES. Les essais de repiquage de 2 ou 3 boutures (ligneuses et herbacées) par motte de culture de diamètres 5, 6 ou 7 cm ont bien fonctionné sur le Choisya et le Viburnum tinus, moins sur l'azalée japonaise (pertes). Mais cette technique reste à améliorer car elle a donné des peuplements un peu plus hétérogènes comparés à la conduite de référence ou l'utilisation de 3 petites mottes de 3 ou 4 cm par conteneur. Il est probable que la concurrence entre les boutures soit trop forte au démarrage. Une optimisation plus fine de l'itinéraire de culture devrait améliorer cette situation.

Ce nouveau procédé de multiplication permet toutefois de produire des conteneurs de 7 l de manière plus rapide que le schéma traditionnel dans lequel un pré-conteneur de 1, 2 ou 3 l est rempoté dans le conteneur final. Les jeunes plants en motte de culture avec plusieurs boutures possèdent un très fort potentiel de croissance permettant d'obtenir une plante commercialisable en C7L après seulement 1,5 an de culture entre le bouturage et la commercialisation alors que l'itinéraire de référence demande de 2 à 2,5 ans. Le calage du planning de multiplication et du planning d'élevage est par contre très important.

4. PLUSIEURS PETITES ALVÉOLES PAR CONTENEUR. Pour une majorité d'espèces d'arbustes à croissance lente ou à faible ramification spontanée, le rempotage d'une seule petite alvéole par conteneur de 3 l ne permet en général pas d'aboutir dans le même laps de temps à un volume de plante aussi important que la méthode traditionnelle où on rempote un jeune plant plus développé. En revanche, la durée du cycle de culture peut être sensiblement raccourcie (quelques mois pour un C3L à un an pour un C7L) par le rempotage de plusieurs petites alvéoles (3 alvéoles de diamètre 3 ou 4 cm) dans un C3L ou C7L. La ramification à la base des plantes et l'équilibre s'en trouvent fortement améliorés. Attention, la fertilisation au rempotage d'un C7L doit être optimisée selon l'itinéraire choisi. En effet, le volume de substrat fertilisé rajouté au moment du rempotage de petites alvéoles est plus important que dans le cas du rempotage d'un pré-conteneur. On ajoute donc plus d'engrais dans le premier cas que dans le second, avec un risque d'augmentation de la salinité du substrat et de lessivage de l'engrais libéré en excès.

Ainsi, traditionnellement, le Choisya est produit en C7L à partir d'un pré-conteneur de 3 l sur une période d'environ 2,5 ans (en comptant la phase de multiplication). En rempotant 3 alvéoles de diamètre 3 cm directement en C7L, le cycle a pu être raccourci à 1,5 an en comptant également la phase de multiplication par bouturage semi-herbacé au printemps. Il a été possible d'obtenir une plante bien garnie à la base avec un fort potentiel de croissance. L'utilisation de solution nutritive a un effet particulièrement intéressant sur la croissance et la qualité des plantes.

5. ADAPTER L'ITINÉRAIRE CULTURAL AU PRODUIT SOUHAITÉ. La frontière entre les plantes en pot et celles de pépinière s'estompe progressivement. Les itinéraires de culture doivent être élaborés pour construire le produit final voulu au moment souhaité en réalisant un certain nombre de choix techniques. La qualité du jeune plant apparaît indiscutablement comme un moyen important d'optimiser les itinéraires de culture pour adapter la qualité des végétaux de pépinière aux évolutions du marché et maîtriser les coûts de production. « Les différentes solutions qui ont été explorées par le Caté constituent des pistes sérieuses dont il serait intéressant de poursuivre l'étude », conclut Laurent Mary.

Laurent Mary et Valérie Vidril

Le bouturage herbacé pourrait être une solution sur certaines espèces pour accélérer le cycle de culture, faciliter l'enracinement et la ramification en remplacement du bouturage ligneux ou semi-ligneux.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Les mottes de culture permettent d'accélérer l'enracinement en période chaude (bouturage herbacé).

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Choisya en conteneur de 7 l quelques mois après le rempotage. À gauche : plante issue de trois boutures dans une motte intermédiaire de 5 cm et rempotage d'une seule motte. À droite, plante issue de trois petites mottes directement dans le pot au rempotage pour remplacer un pré-conteneur de 2 l.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

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