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Désherbage en pépinière : à la recherche de méthodes alternatives

Démonstration de désherbage mécanique avec l'outil intercep Boisselet à l'occasion d'une journée Dephy Ferme.ASTREDHOR SUD-OUEST GIE FLEURS ET PLANTES

À l'occasion du salon d'automne Aquiflor, qui s'est déroulé à Toulouse (31) en septembre dernier, Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes (Villenave-d'Ornon, 33) a présenté les alternatives au désherbage chimique, actuellement testées par les stations, dont disposent les producteurs d'ornement.

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Même si elle n'est pas concernée par une interdiction directe d'emploi des produits chimiques de synthèse, la production végétale est soumise à la pression sociétale (santé, image de l'agriculture, respect de l'environnement, préservation de la biodiversité...) et réglementaire (directive nitrate, Grenelle de l'environnement, Écophyto 2018, loi Labbé, Loi d'avenir agricole, Écophyto 2025, Loi biodiversité...). Cette pression entraîne une diminution progressive des matières actives utilisables depuis les années 2000 aboutissant à des impasses techniques : usage limité du glufosinate ammonium, retrait des produits à base d'oxadiazon, glyphosate en débat... Lorsque les produits existent, les problèmes de sélectivité, de toxicité ou le développement de résistances limitent leur usage, d'autant plus qu'alterner les familles phytosanitaires devient compliqué. Or le désherbage représente le premier poste d'utilisation phytosanitaire en pépinière, explique Vincent Prod'Homme, conseiller pépinière à Astredhor Sud-Ouest GIE Fleurs et plantes, à l'occasion d'une intervention sur le salon Aquiflor en septembre dernier. C'est également le premier consommateur de main-d'oeuvre.

Le réseau d'exploitations horticoles pilotes Dephy Ferme mis en place depuis 2012 a permis de baisser l'indice de fréquence de traitement (IFT ou nombre de doses homologuées utilisées sur un hectare en une campagne) grâce au déploiement d'alternatives, à adapter au type de culture : paillage pour les conteneurs ; herbicides naturels ou à faible impact pour la toile hors-sol ; herbicides, désherbage thermique ou enherbement pour le désherbage des allées (1) ; enherbement, paillage ou lutte mécanique pour l'interrang ; lutte mécanique ou paillage pour le rang. Ces méthodes, au coût parfois prohibitif, sont à combiner selon le seuil de tolérance aux adventices, la composition de la flore (annuelles/vivaces/exotiques envahissantes) et le coût du poste désherbage.

1. DES HERBICIDES NATURELS... EN COMPLÉMENT. Certains herbicides sont formulés à partir de substances naturelles d'origine végétale, minérale ou animale, comme l'acide pélargonique ou nonanoïque (Devatol et Finalsan en pépinière, Finalsan Ultima et Katoun en usage parc-jardin-trottoir), l'acide acétique ou des acides gras (acide caprylique, acide caprique...). On en retrouve sur la liste de biocontrôle (2). Astredhor étudie depuis 2014 l'efficacité de ces différents produits alternatifs à faible impact environnemental pour le désherbage des abords de serres et de parcelles horticoles. Leur action est généralement une action « choc », défanante. Avec deux traitements à quatorze jours d'intervalle, les produits testés permettent une baisse d'effectif de 80 % au bout de 30 jours (avec même une meilleure efficacité de l'acide acétique par rapport au glufosinate ammonium). Toutefois, si l'impact est important à j+1, la rémanence reste faible et, à partir du dixième jour, le décrochage s'accompagne d'une nouvelle levée d'adventices. L'efficacité des produits testés dépend du stade de l'adventice (plus il est jeune, mieux c'est) et de sa nature. Pour la plupart, ils doivent être appliqués tôt en saison et fréquemment. Par ailleurs, les volumes à appliquer pour ces produits dits naturels sont importants : à partir de 160 l par hectare, et jusqu'à 1 000 l/ha pour l'acide acétique ! De fait, les coûts deviennent vite prohibitifs : selon une estimation, l'acide pélargonique reviendrait vingt à quarante fois plus cher (prix fournisseur) à l'hectare que le glufosinate par exemple.

À noter qu'au fil des traitements, une inversion de flore apparaît : les graminées et plantes à rosettes, moins impactées par les produits, se développent. « Les herbicides naturels sont à intégrer dans une stratégie globale de gestion des adventices », recommande finalement Vincent Prod'Homme.

2. PAILLAGES LINÉAIRES POUR LA PLEINE TERRE. Le désherbage sur le rang en pleine terre peut s'effectuer par voie mécanique, ou la mise en place d'un paillage fluide ou linéaire. Ce dernier est biodégradable s'il respecte les critères de la norme NFU52-001, qui définit le type de dégradation, la durée de vie dans le sol... Comme d'autres stations Astredhor, le GIE Fleurs et plantes en a testé certains (entre 2012 et 2014), afin d'évaluer leur efficacité sur les adventices, leur durabilité et l'impact sur les cultures. Les paillages testés possédant une texture plastique sont plus légèrement dégradés au bout de deux ans que ceux en fibre végétale. Ce sont également les moins colonisés, avec moins de 10 individus par mètre carré, et ceux favorisant le plus la croissance de la culture et sa qualité commerciale. Ils encouragent le développement de racines superficielles (dû au ruissellement de l'eau en bordures). Selon sa composition et son épaisseur, un paillage peut limiter l'accès de l'eau au sol et avoir un impact négatif sur la plantation. Le cortège d'adventices diffère selon les produits. Si un couvre-sol à effet allélopathique (3), comme la piloselle, est semé en complément, il faut vérifier qu'il n'a pas d'effet compétiteur. À l'inverse de la référence 100 % plastique, la paille de blé améliore la structure du sol (avec l'augmentation du taux de matière organique) ; elle relance également la croissance racinaire. « Le choix du paillage linéaire dépendra de différents facteurs, comme le devenir du produit (retrait, enfouissement), la sensibilité des végétaux, les caractéristiques du sol et le coût du produit qui varie de 1,5 à 3,50 € HT/m² », résume Vincent Prod'Homme. « Préférez une texture plastique pour une culture longue et une texture fibreuse ou 'papier' pour une culture courte (inférieure à deux ans). » Le conseiller recommande de veiller à la qualité de la pose (zones de jonctions, croix de plantations) et de choisir une couverture adaptée à la largeur de la planche. Le paillage doit être couplé à de bonnes pratiques de gestion des adventices (faux-semis, enherbement des interrangs).

3. PAILLAGES FLUIDES OU VRAC POUR PLEINE TERRE OU CONTENEUR. L'efficacité des paillages fluides dépend généralement de leur épaisseur. Leurs principales contraintes sont leur coût et la mécanisation de l'application en pleine terre (par exemple pour la paille de céréales). Ils ne sont pas adaptés aux plantes sensibles à la pourriture du collet et peuvent favoriser certains champignons telluriques. Ils provoquent parfois une faim d'azote (BRF, lin, miscanthus).

En pleine terre, le miscanthus appliqué à 500 m3/ha offre une bonne efficacité sur l'enherbement ; prévoir un engrais retard (du fait de la remobilisation de l'azote) et un fractionnement des apports. « Son coût dépasse 11 000 €/ha mais une autoproduction est envisageable. » La paille de blé permet aussi un bon contrôle, sauf sur quelques vivaces, avec deux applications annuelles, tout en améliorant les propriétés agronomiques du sol. Le Bois raméal fragmenté (BRF), issu du broyage de branchages de feuillus de faible diamètre, offre surtout un intérêt en tant qu'amendement même s'il a un effet herbicide en paillage (3 cm = 300 m3/ha). Il peut être difficile de trouver des gisements de qualité.

La mécanisation de la couverture des conteneurs par un paillage fluide est possible, au moment du rempotage. « Le coût des produits varie 0,01 et 0,15 € HT (selon le conditionnement) pour un pot de quatre litres (hors main-d'oeuvre). » La plupart sont efficaces mais présentent différentes contraintes. Ils résistent plus ou moins à la verse et au vent - un arrosage permet d'agglomérer les paillettes, copeaux, et granulés, bouchons ou pailles de céréales déshydratés - et attirent souvent les oiseaux gratteurs (miscanthus, lin, sarrasin). Pour les copeaux et écorces de bois (épicéa, pin, etc.), présentés sous différentes granulométries, il faut faire attention aux interactions entre les fractions fines et le substrat. Certains produits à base de cosses de sarrasin peuvent contenir des graines. Résistants à la verse après arrosage, les paillages déshydratés ont tendance à se rétracter au séchage et à laisser passer les adventices en bords de pot, en formant une croûte plus ou moins homogène selon les produits.

En plus des produits fluides, les conteneurs peuvent être recouverts à l'aide de disques ou collerettes composés de fibre végétale brute (coco, jute), de laine, de matériaux mixtes (végétal et synthétique) ou de latex, pour un coût variant de 0,1 à 0,20 € HT le disque (voire d'un couvercle plastique : paillage De Lull avec ou sans réserve d'eau). Outre la pose non mécanisable, leur rétractation à l'usage peut entraîner une perte d'efficacité, d'où la nécessité d'une bonne gestion de l'arrosage pour ne pas les laisser sécher. Si les disques fins sont sensibles au vent, les disques épais prennent la place d'une partie du substrat, compliquent l'emploi du goutte-à-goutte et doivent parfois être trempés avant pour faciliter leur pose.

4. ENHERBEMENT : INTERRANGS ET RANGS, ALLÉES ET ABORDS. L'enherbement consiste à semer une espèce ou un mélange d'espèces afin qu'elles entrent en concurrence avec les adventices problématiques (par allélopathie ou couverture rapide) et empêchent ainsi leur développement. « Il améliore la portance des sols, permet une présentation esthétique de la parcelle (important lors de l'achat de végétaux en pleine terre) et accroît la biodiversité au sein de l'agroécosystème », explique Vincent Prod'Homme. Le producteur doit tenir compte du temps disponible pour la gestion du couvert végétal. Le choix des espèces, déterminant sur différents critères (efficacité vis-à-vis des adventices, concurrence avec la plantation, facilité d'implantation...), dépend de l'âge de la culture et du contexte pédoclimatique pour un enherbement de l'interrang, de la résistance à la sécheresse et au piétinement pour un enherbement des allées et abords de culture (piloselle Hieracium pilosella, Phuopsis stylosa...)

Pour l'interrang, le ray-grass seul est à éviter : d'implantation rapide, il devient vite envahissant pour les cultures. Préférer les mélanges avec de la fétuque (élevée, ovine, rouge, traçante) ou du dactyle. Le trèfle Trifolium repens permet une bonne maîtrise des adventices la première année mais peut devenir envahissant. Sur le rang, différentes espèces sont étudiées : graminées de gazons (implantation difficile), micro-trèfles (désherbage manuel au début, bon effet couvrant par la suite), micro-luzernes, sédums/ficoïdes (installation lente, efficace lorsqu'apporté en tapis/collerettes au pied des arbres)...

5. DÉSHERBAGES MÉCANIQUE ET THERMIQUE. Le désherbage mécanique, superficiel, s'effectue avec des outils de binage (lames de binage, brosse de désherbage, bineuse à doigts...) en privilégiant ceux impactant peu les racines de la culture. Interceps pour un travail sur le rang, ils sont précédés d'un palpeur qui permet l'effacement de l'outil à l'approche du tronc. Ce dernier doit être suffisamment souple pour ne pas abîmer l'écorce.

Le choix de l'équipement et son usage dépendent de la structure du sol et de la météo. Certaines parcelles en dévers empêchent cette pratique. Des robots de désherbage sont désormais commercialisés, principalement en maraîchage, comme Oz (Naïo Technologie).

Le désherbage thermique est surtout employé en zones non agricoles (ZNA). L'étude Compamed ZNA compare les différentes méthodes de désherbage (chimique, thermique, mécanique...) et notamment l'efficacité du gaz, de la vapeur et de l'eau chaude. Hormis le gaz, le désherbage thermique est satisfaisant tous stades confondus sur annuelles, et sur jeunes stades voire des stades plus avancés (mais souvent la partie souterraine n'est pas détruite) pour les vivaces et bisannuelles. Les rendements varient de 350 m2/h (mousse) à 4 000 m2/h (flamme propane), et le coût de 1 €/m2/an (mousse) à 0,22 €/m2.

Valérie Vidril

(1) Voir le Lien horticole n° 947, pp. 12-14 : Désherbage en pépinière hors-sol : vers une gestion différenciée des abords. (2) Téléchargeable sur https ://info.agriculture.gouv.fr/gedei/site/bo-agri/instruction-2016-853 (3) Voir le Lien horticole n° 973, pp. 10-11 : Allélopathie : quand une plante en chasse une autre.

Paillage linéaire Tissa pro à texture plastique, certifié Ok biobased.

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Paillage linéaire en fibres végétales Sotextho.

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Paillage linéaire Ökolys à texture plastique, certifié Ok compost.

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Paillage de conteneur avec un disque de coco.

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Paillage de conteneurs avec des copeaux de bois Lignitec.

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