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Réduction des produits phytosanitaires : l'exemple de communes engagées

Pour toutes les collectivités, les problématiques récurrentes sont les difficultés sur voiries au niveau des liaisons entre les bordures T1 et l'enrobé.

Les journées Écophyto permettent de rappeler le contexte réglementaire mais aussi et surtout d'écouter les témoignages de collectivités qui se sont lancées dans les démarches de réduction des produits phytopharmaceutiques et de recherche d'alternatives au désherbage chimique. Retours d'expériences menées dans les départements du Rhône et de l'Ain.

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Le plan Ecophyto 2 s'appuie largement, via les Draaf, sur la communication vers les professionnels et le grand public. La journée technique organisée par le Centre de formation professionnelle horticole d'Écully (69) le 2 décembre, dans l'enceinte du jardin en mouvement de l'École nationale supérieure de Lyon (69), a été financée dans ce cadre. Axée sur les techniques alternatives de désherbage, elle a abordé l'aspect réglementaire, et favorisé les échanges de pratiques et retours d'expériences. Un grand nombre de communes moyennes et la plupart des petites communes sont encore loin du zéro phyto, alors que l'échéance du 1er janvier 2017 est dépassée. La transition vers des techniques alternatives demande du temps, des moyens techniques et de communication, et des outils de planification comme les plans de désherbage et les plans de gestion différenciée.

1. LA LOI EN QUESTIONS. La loi relative à la transition énergétique, votée le 22 juillet 2015 (Journal officiel du 18 août 2015), modifie la loi du 6 février 2014 dite « loi Labbé » en avançant au 1er janvier2017 l'interdiction aux personnes publiques (État, collectivités établissements publics) d'utiliser ou de faire utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l'entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public, et l'étend également à l'entretien des voiries (à l'exception des zones étroites ou difficiles d'accès). Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle figurant sur la liste publiée par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt le 3 novembre 2016 sont exemptés de ces interdictions. Ils sont également exemptés de l'obligation d'agrément phytosanitaire pour l'application en prestation de services. Par contre, ils restent soumis à l'Autorisation de mise sur le marché (AMM). Cette liste comprend trois grands ensembles :

- produits comprenant des micro-organismes : Bacillus, Trichoderma...

- produits comprenant des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones ;

- produits comprenant des substances naturelles d'origine végétale, ou minérales : acide pélargonique, pyréthrines, soufre, phosphates ferriques...

En matière de désherbage, l'acide pélargonique peut ainsi, ponctuellement, sur des secteurs à risques réduits de transfert vers la ressource en eau, constituer une solution transitoire vers le zéro phyto.

Les différents intervenants ont également soulevé la question du statut réservé aux cimetières. Ils ne sont pas cités dans la loi Labbé, mais s'ils sont assimilés à des espaces verts et des promenades accessibles ou ouverts au public, ils sont concernés par l'interdiction.

2. PLANS DE DÉSHERBAGE ET DE GESTION DIFFÉRENCIÉE. Commune urbaine de Lyon Métropole comptant 40 000 habitants, Caluire-et-Cuire (69) s'étend entre les berges de la Saône et du Rhône. Bien qu'ayant déjà fortement réduit l'usage des produits phytosanitaires, la municipalité a souhaité en 2015 se faire accompagner dans la mise en place d'un plan de désherbage et de gestion différenciée par un prestataire extérieur (Centre de formation et de promotion horticole d'Écully). Le premier objectif était de faire le point sur les pratiques existantes, de comprendre les motivations des uns et des autres. À l'époque, des initiatives existent mais sont un peu éparpillées ; des équipes n'utilisent pratiquement plus de phytosanitaires, au contraire de certaines autres ; chaque secteur a sa propre organisation, et peu d'informations circulent d'un endroit à l'autre. Le plan de désherbage a pour but de recadrer tout cela, d'annoncer les nouvelles méthodes d'intervention, de mutualiser des pratiques déjà mises en place, et de voir ce qui est transférable d'un secteur à l'autre. Il permet aussi de redéfinir différents outils de traçabilité qui existaient a minima mais n'étaient pas formalisés : noter les points d'évolution, définir des objectifs communs à l'ensemble des équipes. Comme pour les formations en fleurissement, le plan de désherbage permet à toutes les équipes d'aller dans le même sens. Cela passe, pour le prestataire, par un certain nombre de rencontres sur le terrain avec les agents dans les équipes afin de caler les pratiques, et par un travail avec la métropole qui a en charge les voiries. Plan de désherbage et plan de gestion différenciée sont complémentaires. Les surfaces sont classées différemment : par risques pour le désherbage et par usage pour la gestion différenciée. La redéfinition des usages pour chaque espace peut faire gagner du temps sur le désherbage et constitue déjà une technique alternative, comme la réduction des allées à un simple cheminement sur des espaces peu fréquentés.

3. INFORMER POUR UNE MEILLEURE ACCEPTABILITÉ. Un plan de communication doit être mis en place pour expliquer ces évolutions. À Caluire, depuis 2015, un encart sur la question revient dans les bulletins d'information, mais il faut aussi organiser des rencontres plus personnalisées et des réunions sur le terrain. La manière de communiquer et le contenu du message diffèrent selon les populations. Les associations et conseils municipaux « jeunesse » forment un bon relais. Convaincre le public passe beaucoup plus par l'aspect santé que par les aspects environnement et réglementaires.

4. BÉNÉFICIER DE L'AIDE D'UNE STRUCTURE, D'UN PRESTATAIRE. Pour des petites communes, passer par l'intermédiaire d'une structure intercommunale peut faciliter la transition. Le syndicat des rivières des Territoires de Chalaronne apporte un appui technique aux communes du bassin versant. L'enjeu est de travailler avec les divers acteurs sur la base du volontariat, avec pour objectif d'améliorer la qualité de l'eau. Quinze communes ont ainsi bénéficié de plans de désherbage réalisés en interne par les techniciens du syndicat. Pour six autres, les plans ont été confiés à un bureau d'études extérieur, le syndicat intercommunal se chargeant de la rédaction du marché et du choix du prestataire. Les travaux du bureau d'études ouvrent droit à une subvention de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse à hauteur de 80 %, les communes se partageant le coût résiduel. Le regroupement facilite ainsi toutes ces démarches administratives. Avec le recul, faire appel à un prestataire s'est avéré plus efficace, les techniciens du syndicat n'ayant pas assez de temps à consacrer à ces missions. L'appui de la structure intercommunale facilite également, par des commandes groupées, l'achat de matériel spécifique aux techniques alternatives de désherbage. Cela permet d'atteindre plus facilement le seuil minimal de dépense de 3 000 € ouvrant droit aux aides de l'agence de l'eau, de négocier les prix avec les fournisseurs et éventuellement d'accéder à d'autres aides régionales spécifiques aux contrats de rivières ou contrats Trames vertes et bleues.

5. DES PROBLÉMATIQUES COMMUNES, DES ATTENTES DIFFÉRENTES. « Toutes les communes sont différentes et n'ont pas les mêmes attentes », explique Pierre Delhommeau, chargé d'études à l'EPL (Établissement public local) Lyon-Dardilly-Écully. « Il est important de prendre en compte les contextes, de rencontrer les agents, de les écouter, ils peuvent nous proposer des solutions. Nous sommes là pour apporter des réponses acceptables pour la collectivité, voir comment modifier les espaces pour qu'à terme l'enherbement soit toléré. La gestion au rotofil, ça marche au début, mais le point critique se situe la troisième année. Des problématiques identiques apparaissent quelles que soient les communes. Par exemple, les difficultés sur voiries au niveau des liaisons entre les bordures T1 et l'enrobé sont récurrentes. La matière organique s'accumule dans les fissures et la condensation qui se forme sous l'enrobé favorise les germinations. Sur les trottoirs, trois filets d'herbe sont très difficiles à gérer : en bas de la bordure, en haut de la bordure, et le long des murs. »

6. L'OPTION DE LA VÉGÉTALISATION. Après dix ans de mise en place de techniques alternatives, la ville de Lyon abandonne progressivement les techniques de désherbage thermique pour tendre vers plus de végétalisation. Il ne s'agit pas de non-intervention, mais d'une gestion écologique beaucoup plus pointue qui demande de la réflexion. Cette solution peut poser des problèmes à certains agents qui ne l'acceptent pas, d'où un fort besoin de formation et de valorisation des savoirs des uns et des autres. Le métier de jardinier doit aussi s'orienter vers la communication et l'accompagnement des habitants. Pour être acceptée, la végétalisation ne doit pas donner une impression d'abandon, par exemple en laissant des herbes trop hautes. Le public est habitué à la notion d'uniformisation et n'est pas encore prêt à voir des herbes se développer un peu partout. Ces contraintes peuvent être transformées en plus-value en invitant les habitants à participer à la gestion des espaces publics au travers de jardins éco-citoyens : à Lyon, sur les sept kilomètres de rues jardinées, ce sont des collectifs d'habitants qui plantent et gèrent les plantations sur des bandes de 10 à 15 cm de largeur. Le service des espaces verts intervient en accompagnement et pour la fourniture des plantes.

7. LAISSER FAIRE LA NATURE... ET L'HOMME. Le jardin de l'École nationale supérieure de Lyon a été aménagé sur une réserve foncière de 3,6 hectares. Créé par Gilles Clément en 2000, il est entretenu sans pesticides. Le parti pris était d'intervenir au minimum et de laisser faire la nature. « Au bout d'une quinzaine d'années, le parc tendait à se fermer, la strate arborée devenait dominante, laissant peu de lumière et d'espace aux strates arbustives et herbacées », explique Mehdi Terry, responsable du site. Le nouveau plan de gestion rédigé à partir de 2015 a favorisé la réouverture de certains espaces, ce qui a permis de retrouver le dessin initial du créateur et son concept du jardin en mouvement. « Le fait de couper des végétaux redonne de la lumière et favorise la germination de nombreux ligneux, ainsi que la levée des "mauvaises herbes" pour lesquelles on essaie d'avoir une gestion de bon sens. Avant de les arracher, nous cherchons d'abord à les identifier dès le stade plantule puis à évaluer si elles ont ou non leur place dans le jardin, comme les molènes, les sauges des prés... » Les massifs sont paillés sauf aux endroits où les personnels veulent voir se développer une végétation spontanée. Celle-ci fait partie intégrante de cet espace. Les arbres issus de ces semis spontanés se développent d'ailleurs beaucoup plus rapidement que les plantations. Dans les allées stabilisées également, il n'y a pas d'interventions strictes. Les usagers des lieux assurent par leur fréquentation régulière la limitation des adventices. Sur ces zones, les désherbages manuels ont tendance à décompacter le sol ce qui favorise la germination et la formation de cuvettes.

Claude Thiery

L'appui d'une structure intercommunale facilite, par des commandes groupées, l'achat de matériel spécifique aux techniques alternatives. Ici, un désherbeur thermique au gaz.

La matière organique s'accumule dans les fissures entre la bordure T1 et l'enrobé, et la condensation qui se forme sous l'enrobé favorise la germination.

Dans le jardin de l'École nationale supérieure de Lyon, les massifs sont paillés sauf aux endroits où on veut voir se développer une végétation spontanée.

Dans les allées stabilisées du jardin de l'École supérieure nationale de Lyon, les usagers assurent par leur fréquentation régulière la limitation des adventices.

Un plan de communication doit être mis en place. Il aura pour objectif d'expliquer les évolutions de gestion des collectivités. Plus les informations seront nombreuses, plus elles seront acceptées.

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