Transition agro-écologique : l'enseignement agricole poursuit ses actions

Dans le cadre des rencontres bisannuelles du réseau Hortipaysages, une cinquantaine de personnes d'établissements d'enseignement agricole ont partagé leurs expériences sur les moyens à mettre en oeuvre pour avancer dans la transition agro-écologique. Retour sur ces échanges avant de revenir sur la démarche engagée au sein de l'EPLEFPA de Coutances (50) dans une prochaine édition.

Une cinquantaine de personnes issues d'une vingtaine d'établissements d'enseignement agricole ont échangé, au travers de conférences, d'ateliers et de visites sur le terrain, dans le cadre prestigieux de l'école nationale supérieure de paysage de Versailles (78), sur le thème suivant : Quels systèmes de cultures horticoles et paysages agro-écologiques ? Le séminaire, qui s'est déroulé début février 2017, était organisé par le réseau national thématique Hortipaysages qui regroupe des établissements d'enseignement spécialisés en horticulture et/ou en paysage. Les enseignants, formateurs et responsables d'exploitation présents lors de cette rencontre ont témoigné sur les divers axes de travail déployés pour créer des systèmes de production agricole, horticole ou paysagère en phase avec les attentes actuelles.

1. DES MODÈLES À SUIVRE AU SEIN DES ÉTABLISSEMENTS

La transition agro-écologique a pour ambition de développer des systèmes de production agricole répondant à un triple enjeu de performance économique, écologique et sociale, offrant une pression moindre sur l'environnement, les écosystèmes et les ressources naturelles et limitant les risques pour la santé des producteurs comme des consommateurs. Dès 2008, la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) a souligné la nécessité d'engager les exploitations et les ateliers technologiques dans la construction et la diffusion de ces nouvelles pratiques, un axe confirmé dans le plan d'actions « Enseigner à produire autrement » lancé en 2014 pour une période de quatre ans. Partie intégrante des établissements d'enseignement et de formation professionnelle agricole, ces sites de production constituent des supports d'expérimentation et de démonstration de premier ordre, non seulement pour les apprenants, mais également pour les acteurs du territoire. En effet, sur le plan pédagogique, ils favorisent la mise en situation pratique des élèves, puisqu'ils ont un fonctionnement proche de celui des systèmes « réels ». Ancrés dans leurs territoires, ils ont également vocation à servir de « modèles » et à favoriser le partage d'expériences innovantes avec les professionnels locaux. Car le plus souvent le pas vers cette transition agro-écologique nécessite un véritable changement de paradigme, le développement d'une nouvelle vision de leurs métiers et la remise en question de leurs savoirs et de leurs pratiques.

2. GESTION ENVIRONNEMENTALE GLOBALE

Depuis la création du label EcoJardin en 2012 par Plante & Cité et ses partenaires, près d'une dizaine d'établissements ont choisi de s'appuyer sur le référentiel et l'outil d'autodiagnostic de cette certification pour renforcer ou mettre en place une démarche de gestion écologique et durable. Le constat de la plupart des utilisateurs de cet outil est que l'engagement dans le processus de labellisation permet de formaliser par écrit des pratiques en partie existantes. Son atout est qu'il offre un cadre structuré pour mieux appréhender les domaines qui n'ont pas été pris en compte ou pour lesquels il est possible de progresser, comme la gestion économe de l'eau ou l'amélioration de la vie des sols. En effet, le référentiel s'appuie sur un grille détaillée concernant les sept domaines incontournables pour une approche globale et cohérente de la conduite d'un site : planification de la gestion et intégration du site dans son territoire ; eau ; sol ; faune & flore ; mobiliers et matériaux - matériels et engins ; formation ; sensibilisation du public. Les lycées de Valdoie (90) et Angers Le Fresne (49) qui ont témoigné au cours de la rencontre figurent parmi les derniers établissements labellisés EcoJardin (en 2016). Ils ont souligné que cette démarche leur avait permis d'avoir une meilleure approche globale incluant non seulement les espaces de production, mais aussi les abords des bâtiments, les espaces paysagers, les zones naturelles. Une étape qu'ils considèrent comme incontournable pour mener à bien une transition agro-écologique qui englobe tous leurs domaines d'activités.

3. APPROCHE ÉCOLOGIQUE EN PHASE DE CONCEPTION

Parce que la gestion écologique des aménagements est grandement facilitée par une réflexion en amont des projets dès la phase de conception, l'Horti-Pôle d'Évreux (27) a choisi de mettre en place deux zones de démonstration pour illustrer l'écoconception paysagère sur l'atelier technique horticole de l'établissement. Un fossé à redents a été aménagé pour recueillir les eaux de 750 m2 de toitures dans 4 bassins d'une capacité de 18 m3. Un espace de 1 500 m2 présente à petite échelle plusieurs exemples d'espaces végétalisés conçus avec cette approche : haie fruitière palissée, haie composite - arbustes horticoles associés à des couvre-sols d'espèces herbacées sauvages - , bandes d'accompagnement de voirie - arbustes associés à des plantes vivaces rustiques en bordure -, rond-point conçu pour favoriser la biodiversité mettant en scène la flore locale, jardin pédagogique d'éveil à la nature, pelouse extensive, couvert de plantes mellifères, prairie de fauche complètent l'ensemble. Ce site a été l'occasion de renforcer les échanges avec les professionnels et la recherche notamment par le biais de la station Arexhor Seine-Manche (programme Végétal local pour les espèces sauvages) et l'association Les arbusticulteurs (composition de massifs arbustifs en dynamique maîtrisée).

4. VERS UNE PRODUCTION ÉCORESPONSABLE

À l'occasion des travaux de réaménagements du lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye (78), l'exploitation a fait l'objet d'une restructuration complète qui a débuté en 2011 et doit s'achever cette année. Elle accueille des activités de production diversifiées répondant aux attentes du territoire francilien : agriculture céréalières et prairies, arboriculture fruitière, céréales et prairies, centre équestre et ferme école, maraîchage, pépinière, floriculture, vente directe. La démarche d'amélioration environnementale des agrosystèmes porte sur l'ensemble des activités du domaine, avec par exemple l'enherbement des allées du verger et de la pépinière pour limiter les opérations de désherbage et la consommation d'eau, le développement de la protection biologique intégrée dans les serres ou l'engagement dans la certification environnementale Plante Bleue (niveau 2). « Cette démarche portée par l'équipe pédagogique du lycée et l'exploitation a permis de décupler la motivation des apprenants et de renforcer les liens avec les professionnels locaux », a témoigné Jeanne Da Costa, enseignante en techniques horticoles.

Yaël Haddad

Au château de Versailles (78), Le Potager du Roi se veut tout à la fois un espace de production, d'apprentissage et d'expérimentation, un lieu de transmission et de partage avec les futurs professionnels du paysage ainsi qu'avec le grand public.

PHOTO : S. DUFFARD

La démarche du lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye (78) porte sur l'ensemble des activités du domaine : enherbement des allées, développement de la protection biologique intégrée dans les serres, Plante Bleue...

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Le lycée Angers Le Fresne (49) figure parmi les derniers établissements labellisés EcoJardin (en 2016). La démarche leur a permis d'avoir une meilleure approche globale incluant non seulement les espaces de production, mais aussi les abords des bâtiments, les espaces paysagers, les zones naturelles. Ici, le zonage de gestion différenciée.

PHOTO : ANGERS LE FRESNE

Pour le lycée Valdoie, la labellisation Ecojardin permet de mener à bien une transition agro-écologique englobant tous les domaines d'activités de l'établissement .

PHOTO : C. MAMMOU

Une démarche qui peine à convaincre les visiteurs du Potager du Roi

« Le Potager du Roi de Versailles se veut tout à la fois un espace de production, d'apprentissage et d'expérimentation, un lieu de transmission et de partage avec les futurs professionnels du paysage ainsi qu'avec le grand public », explique Antoine Jacobsohn, directeur du jardin créé entre 1678 et 1683 par Jean-Baptiste de La Quintinie à la demande de Louis XIV. Le site abrite l'École nationale supérieure de paysage depuis 1976 et hébergea l'École nationale supérieure d'horticulture entre 1873 et 1995. Entre les visites individuelles et les groupes, le potager accueille entre 20 000 et 25 000 personnes par an. « C'est une part non négligeable des recettes avec la vente des produits, mais une pression forte qu'il n'est pas toujours simple de concilier avec l'activité de production », soulignent les jardiniers en charge de sa gestion. Quant à l'implication des étudiants, elle apparaît à leurs yeux assez faible, même si les premières années ont en charge l'entretien d'une parcelle. Sans être engagé dans une labellisation d'agriculture biologique, le potager développe des techniques culturales agro-écologiques : plus d'intrants chimiques ni de labours profonds, paillage et engrais verts, enherbement des allées, essais de permaculture... Cette approche en phase avec les enjeux environnementaux et sociétaux actuels n'est pas forcément bien perçue par les visiteurs, grand public comme professionnels, qui s'attendent généralement à visiter un espace « historique », mémoire des traditions anciennes. Les jardiniers sont toujours enclins à répondre aux questionnements des visiteurs, mais ces derniers ne font pas systématiquement la démarche d'aller vers eux. La présence de panneaux pédagogiques pourrait-elle faciliter l'appropriation de ces nouvelles pratiques ? Le lancement en 2017 d'un véritable projet de conservation et de développement du Potager-École devrait aussi y contribuer et permettre de révéler ce qu'Antoine Jacobsohn appelle le « génie du lieu ».

Un système d'accompagnement national

Le système national d'appui de l'enseignement agricole (SNA) porté par la Direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'Agriculture est constitué d'un ensemble de ressources et d'acteurs ayant pour vocation l'adaptation des établissements aux évolutions techniques, éducatives, sociétales, économiques ou politiques. Le SNA regroupe plusieurs niveaux d'acteurs : des structures nationales (Bergerie nationale de Rambouillet - 78 ; Agrocampus Ouest, site de Beg-Meil ; Agrosup de Dijon - 21 et son institut Eduter ; Montpellier SupAgro - 34, site de Florac ; École nationale de formation agricole de Toulouse - 31) ; des délégués régionaux ingénierie formation (DRIF) et des délégués régionaux technologie information communication (DRTIC) qui travaillent sur l'emploi, les compétences, les besoins en formation, la rénovation des diplômes ; les réseaux thématiques nationaux. Ces derniers ont pour rôle d'accompagner les établissements dans l'élaboration de démarches innovantes, de contribuer à la formation des personnels, de soutenir le développement des partenariats avec les professionnels, l'enseignement supérieur et la recherche ; d'aider à l'engagement des exploitations et ateliers technologiques dans la transition agro-écologique et au partage des expériences et des savoir-faire. Il existe 10 réseaux thématiques animés chacun par un référent : performance énergétique, agronomie Écophyto, élevage, biodiversité, gestion et protection de l'eau, certifications environnementales, alimentation, aquaculture, agriculture biologique, hortipaysages. Le réseau thématique « Hortipaysages », animé par Régis Triollet, a été créé en septembre 2008 en s'appuyant sur le réseau « Horticulture » existant depuis 2001.