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Logements collectifs, parcs d'entrepri ses : améliorer les espaces végétalisés

Le parc d'entreprise Icade d'Orly-Rungis (94), labellisé EcoJardin, utilise différents outils de communication, comme ces panneaux, pour sensibiliser les usagers à la gestion écologique.PHOTO : ÉRIC LANDEAU

La journée technique du 14 novembre au lycée d'Angers Le Fresne (49), organisée par Plante & Cité en partenariat avec les Arbusticulteurs et la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat,a permis de proposer des leviers d'actions majeurs pour concevoir des espaces végétalisés qualitatifs dans les logements collectifs et les parcs d'entreprises, avec des coûts maîtrisés.

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Les espaces extérieurs des logements collectifs et des parcs d'entreprises comprennent d'importantes surfaces végétalisées contribuant à améliorer le cadre de vie des usagers, habitants ou travailleurs, par les multiples fonctions qu'ils peuvent offrir : détente, agrément, supports pour le développement d'actions pédagogiques ou la création de lien social... Mais dans un contexte d'évolution des contraintes réglementaires - sur l'usage des produits phytosanitaires et la préservation de la biodiversité - d'une demande sociétale en mutation, avec un besoin fort d'appropriation citoyenne de ces espaces et d'un contexte économique tendu, en particulier pour ce qui concerne les logements sociaux, l'optimisation de ces services implique de développer des stratégies spécifiques. Il s'agit d'associer optimisation et maîtrise des coûts avec qualité des services rendus. La journée technique, organisée le 14 novembre dernier, au lycée d'Angers Le Fresne, par Plante & Cité en partenariat avec les Arbusticulteurs et la Fédération des entreprises sociales pour l'habitat, s'est penchée sur deux leviers d'actions majeurs, la conception et la gestion raisonnée des massifs arbustifs et plus largement sur la gestion écologique des espaces.

1 LES ARBUSTES, UN POSTE DE GESTION COÛTEUX.

« Peu de données chiffrées existent sur les massifs arbustifs, mais des retours d'expérience issus des collectivités territoriales et de gestionnaires privés montrent que ces surfaces représentent souvent la première dépense en entretien, juste devant les opérations de tonte », précise Olivier Damas, chargé de mission à Plante & Cité. La taille, le transfert des rémanents et leur broyage constituent l'essentiel des tâches (entre 33 et 50 % du temps de travail), suivi de près par le désherbage sous lesmassifs (entre 33 et 38 %).

Lorsque les budgets sont contraints, les massifs arbustifs sont plus vécus comme une contrainte que comme un atout, d'autant que nombre d'entre eux sont dans un état déplorable à la suite de pratiques d'entretien inappropriées. Pourtant, la présence d'une strate arbustive peut représenter un atout majeur pour améliorer la qualité du cadre de vie des usagers des logements collectifs et des parcs d'entreprises. Les arbustes offrent des éléments décoratifs tout au long de l'année (feuillage, bois, floraison, fructification), structurent l'espace, permettent de masquer certaines vues et contribuent à la préservation de la biodiversité. En effet, ils constituent des zones d'abris et des sources de nourriture intéressantes pour la petite faune urbaine.

LA CONCEPTION DES MASSIFS ARBUSTIFS A UN IMPACT SUR LA GESTION ULTÉRIEURE.

Tous les intervenants de la première table ronde de la journée technique l'ont souligné, les problèmes de gestion sont souvent liés à une conception inadaptée : surdensité ne permettant pas aux plantes d'exprimer leurs qualités, choix d'espèces aux dimensions adultes trop importantes pour l'emplacement, compositions de massifs peu judicieuses... Ces erreurs sont essentiellement le fruit d'une méconnaissance des modes de croissance et de ramification des arbustes, du fonctionnement de leur floraison ou de leur comportement en situation de concurrence. Et lorsque les végétaux se développent, la réponse est de procéder à des tailles systématiques et souvent sévères, sans se soucier des spécificités de chaque espèce, d'où une dégradation de la valeur paysagère de ces aménagements. Une meilleure connaissance des arbustes est incontournable pour composer des massifs dont la dynamique pourra être facilement maîtrisée, avec peu d'interventions et un rendu intéressant non seulement sur le plan paysager mais également du point de vue écologique. « Le partage de ce savoir et l'évolution des pratiques de conception et de gestion des massifs arbustifs constituent le coeur de la mission de l'association Les Arbusticulteurs créée en 2007 », souligne Jac Boutaud, l'un des membres fondateurs.

BANNIR LA SÉLECTION AU MOINS- DISANT.

Ces pratiques de conceptionet d'entretien inadaptées tiennent à une méconnaissance des arbustes, mais aussi à des modalités de marchés qui privilégient le prix sur la qualité des résultats obtenus. « Notre expérience en Loire-Atlantique a mis en lumière des appels d'offres d'entretien trop généraux, avec des CCTP (cahiers des clauses techniques particulières) simplistes qui ne permettent pas de guider les entreprises sur le résultat attendu, sans parler d'une sélection au moins-disant. La conséquence est le plus souvent une impossibilité à obtenir du qualitatif », souligne Pierre Bazin, du bureau d'études Aubépine, à Rennes (35). Et pour les marchés de conception la problématique est similaire, le paysagiste étant bien souvent sollicité en dernier recours, lorsque le projet architectural est déjà bouclé...

Yves Le Moine, responsable de la régie travaux de Podeliha, bailleur social en Maine-et-Loire, a illustré cette démarche par le travail de requalification des aménagements d'un site à Angers (49), réalisé avec les conseils des Arbusticulteurs. Il a permis de faire passer le coût moyen des travaux d'entretien des massifs arbustifs de 3,25 euros HT/m2/an (estimation moyenne sur la période de 2009 à 2012) à 0,83 euro, tout en apportant un gain sur le plan paysager pour les habitants. La recette ? En supprimant les massifs très denses qui réclamaient de nombreuses tailles, en installant des massifs avec une composition judicieuse (pas d'arbustes à fort développement devant les fenêtres ou proches des allées), en adaptant la densité à la taille adulte... Et, lors des nouveaux projets de construction, un travail d'anticipation mettant en relation maître d'ouvrage, architecte et régie en charge de l'entretien est désormais proposé dès le début.

Un autre exemple a été donné par Stéphanie Barreaud, gérante de l'entreprise Technatura, installée sur la presqu'île guérandaise (44). Une journée d'échanges et une visite de pépinière avec les représentants du conseil syndical d'une petite copropriété ont permis d'aboutir à la requalification de leurs massifs. Auparavant les arbustes, trop grands pour le site, étaient taillés systématiquement, car les habitants souhaitaient garder la vue sur mer. Des massifs mêlant arbustes à petit développement et vivaces ont été réalisés en remplacement. L'entretienest simplifié avec essentiellement dudésherbage et pratiquement plus de tailles.

4 (RE)VALORISER LE MÉTIER DE JARDINIER ET COMMUNIQUER. Le constat des professionnels présents à la journée technique est qu'à tous les niveaux de formation, la connaissance approfondie des arbustes, au-delà de la reconnaissance botanique, est encore peu développée. En outre, les métiers de la gestion ne sont pas jugés valorisants pour les apprenants, a contrario de la conception paysagère. L'évolution vers des pratiques d'entretien plus respectueuses de l'environnement et des végétaux constitue une belle opportunité de mieux valoriser le métier de jardinier.

« L'amélioration de la qualité des espaces végétalisés des logements collectifs et des parcs d'entreprises et le maintien dans le temps des multiples services qu'ils peuvent rendre reposent principalement sur une appropriation du projet par tous les acteurs, donneurs d'ordre, concepteurs, entreprises mais aussi usagers.Une communication adaptée à toutes les étapes constitue la clef de voûte pour réussir », souligne Paul Moreau, concepteur paysagiste de l'agence Ecce Terra, dans le Maine-et-Loire, et enseignant. Un principe appliqué avec succès pour l'aménagement de la coulée verte de Doué-la-Fontaine (49) pour lequel scolaires, clubs sportifs et culturels, établissements et services d'aide par le travail (Esat), établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), groupes de travail d'habitants ont pu exprimer leurs attentes et permettre une commande publique précise et adaptée aux besoins des futurs utilisateurs. Les habitants ont été impliqués dès la conception et ont participé à des travaux de plantations, ce qui a permis une forte appropriation des lieux, notamment par les jeunes qui en sont devenus les plus fervents défenseurs.

5 LE LABEL ECOJARDIN, UN OUTIL INTÉGRATEUR. «

Parce qu'elle modifie profondément les paysages et le regard que l'on porte sur les espaces, la gestion écologique des espaces paysagers s'appuie principalement sur des enjeux de connaissance et de reconnaissance », explique Aurore Micand, chargée de mission Plante & Cité. Elle implique une montée en compétences des jardiniers - notamment sur la flore et la faune sauvages - et des changements profonds de pratiques. Il ne s'agit plus de chercher à dominer la nature, d'agir « contre », mais au contraire de « faire avec ». Ces enjeux concernent également les usagers, comme l'a montré le programme de recherche Acceptaflore porté par Plante & Cité entre 2010 et 2012. Cette étude a souligné que la présence de la végétation spontanée était mieux acceptée par les citoyens, dès lors qu'ils en avaient une meilleure connaissance. Les enjeux de reconnaissance concernent la valorisation du travail des jardiniers, le « droit à l'erreur » lorsqu'il s'agit d'expérimenter de nouvelles pratiques et l'importance du partage d'expériences pour progresser. Pour accompagner les collectivités territoriales et les gestionnaires privés dans ce changement de paradigme, Plante & Cité a développé le label EcoJardin depuis 2012. Il constitue à la fois un outil de communication et de travail, car il permet d'effectuer une démarche d'auto-évaluation de ses pratiques et de planifier ses actions dans un objectif de progression constante. Il s'appuie sur un référentiel comportant une centaine de critères dont certains sont essentiels, leur respect constituant une condition nécessaire (mais non suffisante)pour l'obtention du label ; d'autres sont recommandés ou facultatifs.

À ce jour, plus de 350 sites ont reçu la labellisation pour une période de trois ans. Parmi eux, 35 sites sont des espaces verts de logements sociaux et de parcs d'entreprises, principalement en Île-de-France. Ils concernent une quinzaine de gestionnaires dont Paris Habitat et Icade, présentslors de la journée technique pour témoi-gner de leur engagement.

6 UNE GESTION ÉCOLOGIQUE SE PRÉPARE DÈS L'AMONT.

À l'image du constat fait pour les massifs arbustifs, les gestionnaires engagés dans une démarche de gestion durable de leur patrimoine existant ont rapidement constaté que bien des difficultés rencontrées auraient pu être évitées si les aménagements avaient été conçus en tenant compte de leur future gestion. C'est pourquoi, dans le prolongement du label de gestion écologique Ecojardin et de la publication de son référentiel, Plante & Cité a publié en 2014 un guide méthodologique destiné à la « conceptiond'un espace public paysager ». n

Yaël Haddad

Un site gérépar ParisHabitatnouvellement labelliséEcoJardin.

PHOTO :PARIS HABITAT

La requalification des massifs arbustifs de ce site géré parl'Immobilière Podeliha a permis de réaliser des économieset de proposer une amélioration deleur qualité paysagère et écologique.

PHOTO : PODELIHA

Ci-dessus : les massifs arbustifs du jardin de cette copropriété sur le littoral de La Baule (44), trop envahissants, entraînaient un coût d'entretien élevé. Ci-dessous : le même site après la requalification.

. PHOTOS : TECHNATURA

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